Pressions sur le Conclave

Mais qui se cache derrière le SNAP? Le Réseau des Survivants Abusés par des Prêtres a publié une liste de "douze salopards" (sic) parmi les cardinaux. L'enquête de Massimo Introvigne (9/3/2013)

Lu sur internet

Jeudi 7 mars
(AFP)
La date du conclave pour élire le nouveau pape ne sera probablement pas fixée ce jeudi après-midi (donc le 7 mars) mais les cardinaux risquent d'avoir un autre sujet à débattre que le nom du successeur de Benoît XVI avec les conséquences actuelles du scandale des prêtres pédophiles. Une douzaine d'entre eux figurent sur la liste noire «Dirty Dozen» (ou «douze salopards») des pires papes possibles transmise à la chaîne CNN par le SNAP (the Survivors' Network of those Abused by Priests ou «Le Réseau des Survivants Abusés par des Prêtres»).
«Nous voulons dire aux prélats qu'ils arrêtent de prétendre que le pire est passé» concernant le scandale des prêtres pédophiles, car «malheureusement le pire est sûrement à venir», affirme le Snap, pour qui «le scandale n'a pas encore été dévoilé dans la plupart des pays».

L'association, basée à Chicago, interpelle ces candidats potentiels au trône de Pierre pour leur rappeler leurs propos sur les prêtres pédophiles ou qu'ils avaient fermé les yeux sur ces pratiques qui ont récemment entaché l'image de l'Eglise romaine catholique. Trois d'entre eux sont américains : Timothy Dolan (New-York), Sean O'Malley de Boston et le cardinal de la capitale, Washington, Donald Wuerl.
Les autres cardinaux incriminés par le SNAP, sur la base des déclarations de victimes, d'articles de presse et de dépôts de plainte, sont Leonardo Sandri (Argentine), George Pell (Australie), Dominik Duka (République tchèque), Peter Turkson (Ghana), Oscar Rodriguez Maradiaga (Honduras), Norberto Rivera Carrera (Mexique) et surtout Tarcisio Bertone (Italie) qui organisent les travaux de préparation du conclave.

Sans que rien de délictueux ne leur soit attribué, ils se voient reprocher des propos sur la pédophilie défendant l'Eglise, le clergé et Benoît XVI tout au long de ces dernières années.

     

Il est intéressant de lire la source de l'info sur le site du SNAP, manifestemen "en cheville" avec CNN.

Heureusement, Massimo Introvigne a enquêté.
Malheureusement, il risque d'être peu lu, au moins en France.

Ce qu'il ne peut évidemment pas dire noir sur blanc, c'est POURQUOI une organisation à but (uniquement?) lucratif a les honneurs de la presse mondiale, NYT en tête.

     

La grande arnaque des cardinaux «amis des pédophiles».
Massimo Introvigne
9 mars
http://www.lanuovabq.it/
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La huitième Congrégation générale du Collège des Cardinaux a décidé que le conclave pour l'élection du pape débutera le mardi 12 Mars 2013.
Cela a été annoncé par un communiqué du bureau de presse du Saint-Siège.
Le matin, dans la basilique de Saint-Pierre, sera célébrée la messe «pro eligendo Pontefice» et dans l'après-midi, les cardinaux entreront en conclave.

Ces derniers jours, les journaux du monde entier ont donné la prééminence à une liste de douze cardinaux qui auraient protégé les prêtres pédophiles, la «sporca dozzina» (ndt: que l'on pourrait traduire par "les douze salopards", en référence au titre d'un film datant de 1967, et réalisé par Robert Aldrich). La liste a été publiée par l'organisation américaine SNAP (Survivors Network of Those Abused by Priests, survivant ds victimes d'abus par des prêtres) et - comme par hasard - elle comprend la majorité de ceux indiqués - à tort ou à raison - comme «candidats potentiels» par les médias, parmi lesquels les cardinaux Scola, Ouellet, Dolan et O'Malley.

Mais les journaux , y compris Italiens (ndt: et français!!) qui ont publié avec satisfaction la liste des «douze salopards» savent-ils vraiment ce qu'est le SNAP?
Permettez-moi de croire que ce n'est pas le cas, et que la passion de certains journalistes pour la liste noire l'a emporté sur le devoir d'information.

Le SNAP a été fondé en 1989 par Barbara Blaine, une ancienne victime des avances d'un prêtre dans l'Ohio, quand elle était adolescente, et son visage le plus public est le directeur David Clohessy, qui se présente lui aussi comme un survivant de harcèlement de la part de prêtres et est le frère d'un ex-prêtre à son tour accusé d'abus. Certains dirigeants régionnaux, parmi lesquels Lyn Taylor, fondattrice de la SNAP en Louisiane sont devenus eux aussi bien connus de la presse.

Sans aucun doute, le SNAP a eu beaucoup de succès dans les rapports avec la presse. Il a établi des relations privilégiées avec le New York Times, avec le dominicain ultra-progressiste Tom Doyle - très actif dans l'attaque des évêques et du Vatican dans chaque siège - et avec le journaliste le plus virulent contre le Saint-Siège parmi ceux qui ont enquêté sur les prêtres pédophiles, Jason Berry. Il a élaboré un ensemble d'instructions et de manuels très judicieux sur la façon de créer le maximum de tort à l'Église catholique en se présentant à la télévision pour parler d'abus subis il y a des années. On y recommande, par exemple, de prononcer constamment des mots comme «petits» ou «enfants», et de montrer des photographies d'enfants afin de susciter la sympathie du public.

Mais tout ce qui brille est-il d'or?
En 2011, malgré la protection dont il bénéficie dans les milieux médiatiques, politiques et judiciaires hostiles à l'Eglise catholique, le SNAP a glissé sur une peau de banane. Il a été accusé d'avoir publié des informations et des documents couverts par le secret de l'instruction. Cela ne se passe pas qu'en Italie, et aux Etats-Unis, c'est poursuivi plus sévèrement. Clohessy, (donc le directeur) a été mis en examen et risque sérieusement d'aller en prison. Pire, dans la procédure en cours devant un tribunal du Missouri, par ordonnance d'un tribunal local, Clohessy a dû subir un contre-interrogatoire des avocats de prêtres accusés de pédophilie. Et - bien que le sempiternel New York Times soit accouru à son secours en se déchirant les vêtements - les questions couvraient un large éventail, et la déposition, non secrète, qui remonte au 2 Janvier 2012, a été publiée.

Les avocats se sont montrés assez curieux. Selon sa déclaration de revenus, le SNAP reçoit trois millions de dollars par an.
Pour quoi faire? Il se présente comme un centre de soutien aux victimes d'abus par des prêtres. Mais pour offrir ce type de service, il faut une licence en tant que psychologue.
Question à Clohessy: «Vous et votre personnel, vous avez cette licence? Avez-vous fait des études qui vous rendent admissibles à fournir une aide psychologique?».
Réponse: «Non».
«Combien des trois millions de dollars de votre budget consacrez-vous à l'aide aux victimes?».
Réponse: «Je n'en ai aucune idée».
«Mais prêtez-vous vraiment cette assistance? Comment? ».
Réponse: «Nous rencontrons des gens là où ils se sentent chez eux, dans les Starbucks [...] (ndt: les cafés). L'essentiel de notre travail consiste à parler, à écouter ... ».
«N'avez-vous pas un siège?».
«Non, je travaille de chez moi à Chicago».
«Et l'argent, où le gardez-vous?».
«Je pense dans une banque à Chicago».
En une année où il a rendu public son bugget, en 2007, le SNAP a dépensésé 593 $ pour le «soutien auxsurvivants» et 92.000 $ en frais de voyage de ses cadres.

Une autre partie intéressante de la déposition concerne les sources de financement du SNAP.
«Je comprends, vous refusez de répondre aux questions au sujet de vos sources de financement?».
«Vous comprenez bien».
Toutefois, selon d'autres sources, il est de notoriété publique que le SNAP reçoit un financement généreux des avocats milliardaires qui s'enrichissent en citant les diocèses catholiques dans les cas de pédophilie, à commencer par Jeff Anderson, le plus célèbre et arrogant d'entre eux, et le cerveau derrière l''«interrogatoire à retardement» à Milwaukee, le 20 Février dernier, visant à mettre sous un mauvais éclairage le Cardinal Dolan - décrit par SNAP comme son ennemi le plus dangereux - en vue du conclave.
«Et vous, en échange, vous "enrôlez" les victimes de violence qui viennent à vous, en les dirigeant vers les cabinets d'avocats qui vous financent?» a-t-il été demandé à Clohessy, qui apparaît souvent en public avec Anderson.
Réponse: «Je refuse de répondre parce que la question est insultante».

Encore plus intéressante est la partie de l'interrogatoire dans laquelle Clohessy explique comment procède le SNAP pour dénoncer un prêtre, évêque ou cardinal comme pédophile ou ami des pédophiles. «Nous recevons les accusations crédibles».
Qui décide que les accusations sont crédibles? Le SNAP.
«Comment déterminez-vous que les accusations sont crédibles?».
«Nous avons plusieurs critères».
«Seriez-vous assez aimable pour nous en illustrer quelques-uns?».
«Par exemple, s'il y a plus d'un accusateur qui dénonce la même personne».

Toutefois, il y a des cas où l'accusateur est seul, mais le SNAP continue et rend quand même l'accusation publique.
En fin de compte, on a l'impression que le SNAP ressemble à l'ancien CAN (Cult Awareness Network), une organisation contre les "sectes" qui, grosso modo, était prête à prendre pour bonnes les accusations portées contre les organisations religieuses par n'importe qui. Une politique qui a conduit le CAN à des affrontements répétée avec la justice, et finalement à la faillite. Le SNAP a bien d'autres protections, mais semble sur la bonne voie.
«Admettez-vous que, parfois, le SNAP a publié des communiqués de presse contenant de fausses informations?».
«C'est sans doute le cas».

Un malheur n'arrive jamais seul. Tandis que les juges du Missouri enquêtaient sur la violation du secret de l'instruction, en Louisiane, le mari de l'influente présidente du SNAP local, le Dr Steve Taylor, était arrêté et - 12 Avril 2011 - condamné à deux ans de prison, sans possibilité de libération, et emprisonné pour possession de centaines de dossiers de répugnante pornographie infantile trouvés sur son ordinateur. Les femmes - pourrait-on dire - ne sont pas responsables des perversions de leurs maris. Mais le fait est que le septuagénaire Dr Taylor était lui-même un orateur fréquent lors des réunions du SNAP, et pour défendre, le présidente de l'organisation, Blaine et l'habituel Jason Berry, étaient descendus sur le terrain.

Après ces événements - et aussi parce que les mesures efficaces de l'Eglise américaines ont réduit le nombre de nouveaux cas de pédophilie àquelques cas isolés - la SNAP a commencé à vaciller. Les dons sont en baisse et les finances, selon un mail envoyé aux soutiens, «suffisent à peine à payer les frais». Le 1er Mars, le journal certainement pas hostile, le Washington Post, a publié un article dans lequel plusieurs voix dénoncent la perte de vitesse du mouvement des «survivants» aux abus du clergé, dont l'énergie semble s'être «épuisée». Avec le coup de la liste des cardinaux - la tentative désespérée d'une organisation en crise - le SNAP espère maintenant se recycler à l'étranger, notamment en Italie, et nettoyer une image ternie par des scandales trop nombreux.

Il faut le dire clairement: l'histoire des prêtres pédophiles est une véritable tragédie, que - Benoît XVI nous l'a enseigné - personne ne peut justifier ou sous-estimer. Mais des organisations telles que Snap, remplies de profiteurs qui transforment la lutte contre la pédophilie en une entreprise milliards de dollars, et d'idéologues qui en ont après l'Église, sont une partie du problème, pas la solution. Les journalistes, y compris chez nous, devraient cesser de prendre pour argent comptant leurs canulars.