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Andrea Tornielli et "les deux Papes"

L'influent vaticaniste italien tient beaucoup à la continuité entre eux. La caution de Benoît, d'une certaine façon, légitime François. Ce n'est pas François, qui a créé le premier la rupture, avec ses choix de sobriété, dit-il, mais le geste de démission de Benoît XVI (4/5/2013)

Andrea Tornielli écrit:

Le véritable acte qui d'une certaine manière désacralise la figure du pape, c'était la démission de Benoît XVI.

Même si le reste de son analyse est correct, je trouve cette formulation peu élégante, et même très discutable. Il n'y a eu aucune désacralisation de la figure du pape, d'autant plus que tout était prévu depuis longtemps dans le droit canonique (cf. par exemple le Père Scalese)

Ratzinger, le réformateur qui revient aux origines
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Ceux qui critiquent François pour la présumée «discontinuité» avec Benoît XVI, oublient l'importance historique de la renonciation

Depuis hier, le Vatican a deux papes, qui vivent à quelques centaines de mètres l'un de l'autres, dans le même kilomètre carré du territoire de l'un des plus petit Etats du monde.
L'évêque de Rome François et son prédécesseur sont maintenant côte à côte, le premier dans la plénitude de ses pouvoirs après l'élection qui a eu lieu le 13 Mars, le second à la retraite, «caché au monde», qui passe la dernière période de sa vie à prier et à étudier.

Tant que le Pape émérite est resté confiné dans le grand palais pontifical de Castel Gandolfo, qui surplombe le lac, le problème ne s'est pratiquement pas posé. La présence de Joseph Ratzinger, discret comme toujours, ne s'est pas ressentie, ne revenant sous le feu des projecteurs que le 23 Mars, lorsque son successeur lui a rendu visite. Mais depuis hier, depuis son retour au Vatican pour vivre dans l'ancien couvent cloîtré de «Mater Ecclesiae» restructuré de manière appropriée pour l'accueillir lui et sa petite «famille», Benoît XVI est redevenu une présence, un point de référence, justement à l'intérieur de «l'enclos de Pierre». Son désir de ne pas diffuser la vidéo de son arrivée est plus que compréhensible, simplement une photo pour rassurer ceux qui craignent pour sa santé (il faut se rappeler que c'est justement sa faiblesse physique qui a été la raison de sa renonciation). Mais même s'il ne se fera pas voir, si on ne le rencontrera pas, il continuera à être une présence. Il n'y a plus seulement le Pape, il y a aussi le «Pape Emérite», comme Benoît XVI lui-même voulait qu'on l'appelle, en choisissant la catégorie canonique de l'«éméritat», qui prévoit en conséquence la poursuite de tous les signes utilisés précédemment.

La situation que vivent désormais le Vatican et l'Eglise catholique toute entière n'a pas de précédent dans l'ère moderne. Il n'était jamais arrivé qu'un pape renonçât à la Chaire d'évêque de Rome pour des raisons d'âge. L'humilité et la discrétion de Ratzinger feront en sorte qu'il ne devienne pas encombrant pour son successeur, évitant qu'il ne se transforme, malgré lui, en référence pour les mécontents ou les déçus du nouveau pontificat.

Comme on le sait, certains milieux traditionalistes ont publiquement critiqué certains choix du Pape François, qu'ils accusent d'un excès de sobriété, de la non-utilisation de certains signes, de certains vêtements, de riches vêtements antiques ou de style antique. Ils avaient été jusqu'à l'accuser d'avoir commencé à saper la primauté même de Pierre, pour avoir mis l'accent sur sa condition d'«évêque de Rome» - le premier et le plus ancien titre du Pape - et pour avoir nommé un groupe de huit cardinaux «conseillers» auxquels confier la réforme de la Curie et demander des suggestions pour le gouvernement de l'Eglise. Les détracteurs, en soulignant la discontinuité présumée avec Benoît XVI, craignaient la démolition de la papauté elle-même, la perte du caractère sacré de la figure du pape.

A ces détracteurs, prêts à lire n'importe quel geste de François comme un signe de discontinuité de son prédécesseur, ce qui semble échapper, c'est que bien plus que les choix contingents de François, le véritable acte qui d'une certaine manière désacralise la figure du pape, c'était la démission de Benoît XVI. C'était sa décision de renoncer à la papauté, après s'être rendu compte qu'il n'avait plus la force physique et spirituelle de tenir le gouvernail de la barque de Pierre. Son renoncement, qui a pratiquement annulé les nominations de la Curie romaine (les plus proches collaborateurs du Pape et les ministres ont été confirmés par François «donec aliter provideatur» et sont donc tous passibles de changements et de modifications), a ouvert l'élection d'un nouveau pontife, et a créé la situation sans précédent dans l'ère moderne des deux Papes.

Mais ce serait une erreur d'indiquer dans ce geste de Benoît, bien que perturbant du point de vue historique, une véritable «discontinuité». Avec sa décision, en effet, Ratzinger a contribué à ramener le ministère de l'évêque de Rome plus proche de ses origines et de sa nature: le pape est le successeur de Pierre, le pasteur de l'Eglise qui préside dans la charité, le gardien du «trésor» qui ne lui appartient pas du «dépôt de la foi» qui doit être transmis. Ce n'est pas un empereur à vie, ou un super-gouverneur des Eglises. Certaines formes historiques et historiquement justifiées, un accent sacralisant sur la figure du pape, sont allés au-delà de cette essence des origines: la décision de s'en séparer, de les considérer comme inappropriée à la situation actuelle, ne porte en aucune façon atteinte à la papauté.

En fin de compte, peu importe que le pape porte ou non une mitre haute et précieuse, exhume le «fanons», utilise des férules d'or, s'assied ou non sur de grands trônes en bois doré. Tous signes qui soulignent visuellement la sacralité, l'unicité et l'universalité du ministère papal. Avec sa démission, Benoît XVI a toutefois montré qu'il ne considérait pas du tout comme indispensable l'immobile sacralité du pape régnant. Et ainsi, il s'est retiré, comme cela advient avec les autres évêques dans les diocèses du monde entier pour raison d'âge. Avec sa démission, il a rapproché la figure du Pape de celle des autres évêques, sans pour autant porter atteinte à la nature essentielle et aux prérogatives du primaut pétrinien.

Il y a donc une continuité évidente, une harmonie profonde, une vision commune qui unit le pape Ratzinger, l'émérite, et le Pape François, l'évêque de Rome; et c'est le regard de la foi et la conscience que l'Eglise, c'est le Seigneur qui la conduit, pas le pape, «L'Église n'est pas la mienne, n'est pas la nôtre, mais c'est le Seigneur, qui ne laissera pas couler, c'est lui qui la conduit ...», s'était exclamé Benoît XVI lors de la dernière audience du mercredi. La «normalité» exceptionnelle d'un Pape qui renonce pour cause de vieillesse et qui va vivre «caché au monde» à côté de son successeur indique exactement cela.

Voir aussi http://2.andreatornielli.it/?p=6293

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