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Qui trouve Benoît "gênant"?

Je suis sans doute quelqu'un d'extrêmement simple, et d'une irrémédiable naïveté.
Dans les images publiées avant hier par l'Osservatore Romano de Benoît XVI accueilli sur le seuil de sa nouvelle demeure par son successeur François, je n'ai vu qu'un visage aimé que je retrouvais après six semaines d'absence, et j'ai éprouvé du soulagement de le trouver rasséréné. C'est dans cet esprit que je les ai reproduites.
J'avais tout faux.
Il paraît que le retour de "Ratzinger" au Vatican signe les prémisses de temps troublés pour le catholicisme.
Et devinez la faute à qui, une fois de plus !!!

Des gens de grande autorité intellectuelle nous l'affirment: nous retournons aux pires époques de la papauté, quand coexistaient, à défaut de cohabiter, un Pape et des anti-papes! Et c'est très grave.... Comme si c'était le seul problème auquel l'Eglise devait faire face aujourd'hui!
Même Vittorio Messori - si les propos surprenants qu'on lui attribue sont bien de lui - s'inquiète, dans une interviewe accordée à La Stampa "d'une cohabitation périlleuse" : "Certains vont penser qu'il conseille François".
Et il affirme qu'"avec toute l'affection qu'il a pour Benoît XVI": s'il avait voulu, comme il l'a dit, rester caché au monde, il aurait dû choisir un endroit plus discret que le Vatican (ndt: mais cela ne dépendait-il que de lui?).

Je suis très étonnée quand je compare ces propos à ce que lui-même écrivait, en termes très beaux, au lendemain de la "démission", et que j'avais traduit (benoit-et-moi.fr/2013-I):

(...) pour quelle raison, après un court séjour à Castel Gandolfo (désert, et donc disponible pendant le siège vacant) l'ex- Benoît XVI prendra-t-il sa retraite dans ce qui a été un monastère de clôture, dans les murs du Vatican? C'est, du moins, le programme annoncé par le porte-parole, le père Lombardi. Nous ne savons pas si cette installation sera définitive, mais, en tout cas, cela non plus n'est pas un choix aléatoire. Les derniers mots de l'annonce faite hier disent: «Quant à moi, puissé-je servir de tout cœur, aussi dans l’avenir, la Sainte Eglise de Dieu par une vie consacrée à la prière». Dans les années de son pontificat, il a souvent répété: «Le cœur de l'Église n'est pas là où l'on conçoit, administre, gouverne, mais il est là où l'on prie».

Ainsi, son service à la Catholica non seulement se poursuit, mais dans la perspective de la foi, il devient encore plus important: s'il n'a pas choisi un ermitage loin - peut-être dans sa Bavière natale ou dans ce Mont-Cassin auquel pensait Papa Wojtyla comme ultime refuge - c'est peut-être pour témoigner, même avec la proximité physique de la tombe de Pierre, combien il veut rester proche de l'Eglise à laquelle il veut se donner jusqu'au bout. Ce n'est pas non plus un hasard , bien sûr, d'avoir privilégié des murs imprégnés de prière comme ceux d'un monastère de clôture. Toutefois, si l'installation au Vatican s'avérait stable, la discrétion proverbiale de Joseph Ratzinger assure qu'il n'y aura aucune interférence avec le gouvernement de son successeur. Nous sommes tout à fait certains qu'il rejetera le rôle d'un «conseiller», chargé d'années mais aussi d'expérience et de sagesse, même s'il devait y avoir des demandes explicites du nouveau pape régnant. Dans sa vision de la foi, le seule vrai «conseiller» du pape, c'est cet Esprit Saint qui, sous les voûtes de la chapelle Sixtine, a pointé son doigt sur lui.

Vittorio Messori va jusqu'à citer une devise de la Maison de Savoie (qui n'a pas duré 2000 ans, il me semble!): "Ici, on gouverne un à la fois".
Et il conclut sa réflexion par ces mots: "je n'aimerais pas que l'on fasse passer l'idée que les religieuses cloîtrées ont été délogées pour faire place au Pape émérite"!
Et quand bien même? Mais qui aurait eu cette idée??

Sans compter qu'il est comique de voir certains soupçonner Benoît XVI de gouverner l'Eglise à la place de son successeur, ou au moins en même temps que lui, alors que les mêmes, durant tout son pontificat, n'ont cessé de déplorer justement son absence de gouvernement, et son peu de goût pour l'exercice!

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Ceux qui par ailleurs insistent sur la "continuité" entre les deux pontificats, parfois contre les apparences (cf. Andrea Tornielli et "les deux Papes"), ont certainement leurs raisons, et elles sont compréhensibles. A condition de ne pas instrumentaliser Benoît XVI à cet effet.
Quoi qu'il en soit, il n'y a qu'un Pape, et aucune ambiguïté ne peut subsister à ce sujet par la faute de Benoît, qui a expliqué ses raisons avec la plus grande clarté lors de la dernière audience générale (benoit-et-moi.fr/2013-I/la-voix-du-pape/la-derniere-catechese).

Quant à moi, qui n'y connais pas grand chose et suis la voix du petit peuple, je répète ce que j'avais écrit il y a deux mois (benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/huit-ans-avec-lui):

Je crois qu'il a demandé - une fois de plus - son congé au Seigneur. Et que Celui-ci le lui a enfin accordé, sur cette terre, après soixante deux ans de service (il a été ordonné en 1951), dont 32 passés à faire ce qu'il ne voulait peut-être pas faire, à la CDF, puis sur le Trône de Pierre.
Et il nous a rappelé que rien sur cette terre ne nous appartient définitivement. C'est le Seigneur qui dispose.

Il est vraiment dommage que des coeurs secs refusent de comprendre quelque chose d'aussi simple que cela.