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De Benoît à François, continuité, ou rupture?

Très intéressant article d'Andrea Gagliarducci sur le site National Catholic Register. A propos du nouveau Pape, il pose la question: va-t-il initier un Concile Vatican III? (27/3/2013)

     

Andrea Gagliarducci est vaticaniste à korazym.org.
Il a aussi un blog sur le site National Catholic Register.
Enfin un observateur qui gratte sous la surface des petits gestes (pas totalement privés de signification, cf. Ni "appartement", ni "famille" pour François ) pour s'interroger sur la continuité, ou la rupture, de Benoît à François.
La continuité, selon lui, est essentiellement représentée par la fermeté sur la défense de la vie, et par le gadget (très sur-interprété pour Benoît, selon mon modeste avis) de la protection de l'environnement. La rupture... eh bien, c'est la volonté affichée du nouveau Pontife de se définir uniquement comme évêque de Rome.
L'interrogation finale est évidemment pure conjecture... mais pas totalement impensable!
Texte en anglais: http://www.ncregister.com
Ma traduction.

     

Le Pontificat du Pape François est-il une continuation de celui de Benoît XVI?
Andrea Gagliarducci
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Le pape François et le pape Benoît se sont embrassés comme des frères et ont prié sur le même banc, lorsqu'ils se sont rencontrés, le 23 Mars à Castel Gandolfo. Tous les deux portaient des soutanes blanches, mais le liseré blanc et la cape sur le vêtement blanc distinguaient le rôle du Pape François comme Pape en exercice.
Ce jour-là, ils ont parlé seuls pendant 45 minutes dans la bibliothèque de la villa papale.
L'image des deux pontifes vêtus de blanc priant ensemble marquait à certains égards, la passation du Pape Benoît au Pape François.
Cependant, tandis que commence ce moment historique d'avoir un Pape et un Pape émérite, la question se pose naturellement: le pontificat du Pape François est-il une continuation de celui de Benoît XVI?

Le Pape François a déjà souvent cité le pontificat de Benoît XVI. Dans la rencontre avec le Corps des ambassadeurs accrédités au Saint-Siège, le 22 Mars, il a cité la «dictature du relativisme» un des thèmes centraux de Benoît XVI. Dans l'homélie de la messe inaugurale du 19 Mars , il a dit qu'il voulait poursuivre l'Année de la Foi dont il a hérité de Benoît XVI.
En fait, il y a plusieurs signaux de continuité entre Benoît et François, mais ils mettent en pratique leurs idées de façon quelque peu différente. Avant tout, une partie des thèmes abordés par le Pape François sont typiquement ratzingériens. Par exemple, l'expression de son amour pour la création.

Benoît XVI a accordé beaucoup d'attention à la question de l'environnement depuis son tout premier discours. Il a écrit à ce sujet dans l'encyclique Caritas in Veritate. Il a consacré au sujet son message de 2010 pour la Journée mondiale de la Paix et son discours de 2010 pour les diplomates accrédités auprès du Saint-Siège. Foreign Policy , un prestigieux magazine américain de géopolitique, a classé Benoît XVI au 17e rang dans le «Top 100 Global Thinkers» 2009, parce qu'il avait «placé l'Eglise avec évidence et de façon inattendue comme défenseur de l'environnement, et mis en garde contre les dangers du changement climatique».
Le Pape François a soulevé la question de la protection de l'environnement et des plus vulnérables de la société lors de sa messe d'installation officielle au Vatican, le 19 Mars. Et il a également appelé à l'amour de la création dans son discours aux diplomates accrédités auprès du Saint-Siège le 22 Mars. La protection de l'environnement est susceptible d'être un thème central de la papauté de François comme du pontificat de Benoît XVI (???)

Il est également prévisible que rien ne changera en ce qui concerne le dialogue interreligieux (quand il était archevêque de Buenos Aires, le pape Françiis a travaillé pour améliorer le dialogue entre les religions) et les questions morales (le Cardinal Bergoglio était un opposant fort au «mariage» homosexuel en Argentine).
De même, Benoît et François se ressemblent dans leur usage d'une liturgie concentrée sur le Christ (???).
Il est clair que le pape François ne veut pas que la messe devienne un «pope show» avec quelques privilégiés qui peuvent recevoir la communion de lui. Ainsi, au moment de la distribution de la communion, jusqu'à présent, il est resté assis, tandis que les diacres et les prêtres apportaient la communion aux gens. Il l'a fait à la paroisse Sainte-Anne du Vatican et à la messe pour le début de son ministère pétrinien.
Le père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, a expliqué lors d'un briefing, le 18 Mars, au sujet de la Messe d'installation du lendemain que le «Pape préfère ne pas distribuer la communion, et il préfère qu'elle soit portée par les diacres et les prêtres».
En fait, le pape François a donné la communion à un très petit nombre de personnes, durant la messe du dimanche des Rameaux, mais, selon le père Lombardi, cette pratique devrait être l'exception plutôt que la règle.
François a également éliminé la procession des offrandes à sa messe d'installation, où l'on voit généralement de nombreux catholiques ou des groupes de catholiques apportant directement des offrandes au Pape assis. Ainsi le Pape François semble vouloir se retirer du centre de la scène liturgique.

Pour sa part, Benoît XVI a également voulu recentrer la liturgie. Dans l'interview qui est devenue le livre Le Rapport Ratzinger (ndt: en français, "Entretiens sur la foi", de Messori) , le Cardinal Ratzinger a affirmé que «derrière des façons différentes de concevoir la liturgie, il y a, comme d'habitude, différentes façons de concevoir l'Eglise, et ainsi Dieu, et la relation de l'homme avec Dieu».
Durant son mandat en tant que pape, Benoît XVI a apporté quelques légères modifications à la liturgie. Il a augmenté la disponibilité de la Messe Traditionnelle en latin, mais le plus central de son attitude liturgique a été de souligner que le Christ - qui est le centre de la messe - doit être plus visible.
Ainsi, Benoît a déplacé la croix du côté au centre de l'autel, afin que les fidèles puissent regarder plus facilement vers la croix, et non pas simplement vers le prêtre. Il voulait que ceux qui recevraient la communion du Pape le fassent à genoux et sur la langue, pour souligner le caractère sacré de l'instant. Il a demandé quelques instants de silence et de prière après la communion. Il a tenu à souligner l'universalité de l'Eglise à l'aide de la langue latine, au moment de la consécration.

D'un autre côté, il y a aussi des signaux de discontinuité entre Benoît et François.
Depuis son tout premier discours depuis la loggia des bénédictions, à la foule rassemblée sur la place Saint-Pierre après son élection, le pape François a toujours fait référence à lui-même comme «Évêque de Rome», et s'est référé au pape Benoît XVI comme «Évêque émérite de Rome».
En fait, le titre que le Vatican a donné a Benoît XVI est «Pape émérite», mais pour l'instant le Pape François n'a pas fait référence à son prédécesseur en tant que tel. (François est particulièrement réticent à se référer à son propre ministère comme à celui de Pape, et il ne l'a pas fait publiquement durant les premières semaines de son pontificat).

Benoît XVI, d'autre part, est très conscient de l'importance du rôle du Pontife Romain. Personne timide et humble, il n'a jamais aimé être au centre de la scène. Mais, comme il le fallait, il a tenu à souligner que ce n'était pas parce qu'il était le Pape, mais en raison du rôle universel du Pontife romain.
C'est l'une des raisons pour lesquelles il a restauré certains vêtements liturgiques anciens - comme le fanon qu'il portait le 21 octobre 2012, lors d'une messe de canonisation, et encore le jour de Noël 2012, et le 6 janvier 2013. (Un fanon est un vêtement réservé au seul pape et pour être utilisé uniquement lors d'une messe pontificale, et il se compose d'une cape doublée de soie blanche ornée d'étroites tissées bandes dorées, alternant le blanc et l'or ).
Le Pape Benoît a également tenu à souligner qu'il est «Pontife romain», même dans son tout dernier discours en tant que Pape, depuis le balcon de la villa pontificale de Castel Gandolfo, le 28 février.

De son côté, le Pape François semble introduire l'Eglise vers une nouvelle manière de pratiquer le ministère pétrinien.

Jusqu'à présent, le Pape François toujours tenu ses discours en italien
. Il a parlé en italien en s'adressant aux ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège, alors que traditionnellement, le discours est en français. Il a également parlé en italien à la première messe qu'il a célébrée en tant que Pape, dans la Chapelle Sixtine, alors que selon la tradition, le Pape utilise le latin pour s'adresser aux cardinaux. Et il a parlé de l'ambon, et non du siège papal ( ex cathedra ), et il a prononcé une simple homélie, alors que tout le monde attendait un discourd sur la façon dont il entend gouverner.
Sandro Magister, un observateur de premier plan du Vatican, a écrit sur son site web : «François est un pape aux sorties imprévues. Et l’on s’attend à ce que, tout ou tard, il intervienne pour expliquer quelle conception il a de son rôle. Mais, pour le moment, il arrive que ceux qui, dans l’Église et en dehors, souhaitent la diminution, quand ce n’est pas la disparition, de la primauté du pape voient en lui l’homme qui pourrait satisfaire leurs attentes. Des attentes qu’ils fondent bien souvent sur un présumé "esprit" du concile» (http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350480?fr=y )

François semble aussi se diriger vers une sorte de décentralisation du pontificat, le conduisant à être de plus en plus considéré comme celui de l'évêque de Rome, plus que celui du Pape. Cela permettrait d'améliorer le dialogue œcuménique.
D'autre part, si la primauté de la papauté est mise en discussion, la base du Concile Vatican II (dont la nouveauté consistait juste à intégrer le pouvoir de primauté du pape avec le pouvoir du collège des évêques dont il fait partie, et pas à affaiblir la primauté, comme il est dit dans la constitution dogmatique de l'Église, Lumen Gentium, l'une des quatre constitutions émises par le Concile Vatican II) pourrait être en danger.
Le Pape François n'a pas encore précisé ce que sera son accent. Mais beaucoup dans l'Eglise attendent son prochain mouvement. Certains vont même jusqu'à se demander: va-t-il initier un Concile Vatican III?