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Double scandale en Italie

Le cardinal Bagnasco, président de la CEI et ex-papabile, accepte de célébrer les obsèques de don Gallo, prêtre médiatique en rebellion ouverte contre le Magistère... et donne la communion à un transsexuel! Peut-on dire pour autant que le président de la CEI a été "dans les périphéries" existentielles? (31/5/2013)

Pour situer don Gallo, sorte de "croisement" improbable entre "Mgr" Gaillot et l'Abbé Pierre, on lira son éloge funèbre dans l'Humanité.

Extrait

Son fidèle chapeau et sa chapka ne seront plus des défilés de la gauche italienne. Le prêtre Don Andrea Gallo est mort, mercredi, à l’âge de 84 ans. C’était une figure du camp progressiste aujourd’hui mal en point. Il était de toutes les grandes manifestations, mais dans la rue, il côtoyait surtout les exclus, les prostituées et les toxicomanes de Gènes.
Au sein de l’Église, il prêchait un discours singulier. En mars, il a donné une messe en l’honneur du président défunt vénézuélien, Hugo Chavez. Alors qu’une femme déposait sur l’autel un sweat-shirt aux couleurs de la patrie de Bolivar, symbole vestimentaire du leader de la gauche vénézuélienne, le prêtre a lancé : « El Pueblo, unido, jamas sera vencido ! »

A plusieurs reprises, il a pris position en faveur des homosexuels. Quand Benoît XVI renonce à sa charge, il lance cette provocation : un « pape homosexuel serait une chose magnifique ». Don Gallo se contentera du pape François qu’il salue comme le pape des pauvres. Il était drôle, facétieux, et surprenant. A l’occasion d’une rencontre littéraire en en décembre dernier, il surprend ainsi l’auditoire en lançant : « selon moi, parmi les apôtres, au moins cinq étaient homosexuels ». Fait du hasard : il est mort au lendemain de l’adoption par le conseil municipal de sa ville, Gènes, d’un registre des unions civiles, notamment pour les homosexuels.

Né en 1928, Don Gallo a, par ses engagements progressistes, été affublé de nombre de surnoms. Il était « partisan de l’évangile », après avoir été « partigiano » avec son frère, pendant la résistance. Car, selon ses dires « partisan veut dire celui qui choisi de quel côté être. Et Jésus est du côté des derniers, pas du pouvoir ». Andrea Gallo a officié ces dernières années dans la communauté de San Egidio, à Gênes, où il sera appelé « prêtre des derniers », même s’il se définissait lui-même comme un « prêtre de trottoir ». « Je trouve le christianisme chez les athées, chez les prostituées, chez mes très chers clochards », dira-t-il. « Je trouve en eux la bonne nouvelle. Est évangéliste celui qui m’apporte la bonne nouvelle, pas celui qui me dit non à l’avortement, non aux divorcés, non aux homosexuels. C’est mon aimée Eglise qui est devenue misogyne et sexophobe ».

Outre ses engagements sociaux et sociétaux – il s’était également prononcé en faveur de la pilule du lendemain -, Don Gallo était engagé en politique. A la fin de sa vie, il s’est rapproché du mouvement antilibéral Gauche écologie et liberté. Il a participé au mouvement pour l’eau publique. Il était des rendez-vous altermondialistes comme de ceux de la Fiom, le turbulent syndicat des métallurgistes. Il était communiste et ne l’a jamais caché, citant l’un des fondateurs du Parti communiste italien, Antonio Gramsci, lors d’entretiens télévisés.
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Les obsèques de don Gallo

Je viens de lire le récit des obsèques de don Gallo dans Il Messaggero, dont sont extraites les éloquentes photos ci-dessus.
Résumé:

Poings fermés, applaudissements et le chant Bella Ciao (ndt: le chant des partisans italiens, de nos jours associé à la mouvance anarchiste, un peu comme "Le temps des cerises" pour nous) ont accueilli la sortie du cercueil de don Gallo de l'église, au terme de la cérémonie funèbre où l'archevêque de Gênes a été plusieurs fois interrompu, tandis qu'il prononçait son homélie, par des cris, et (encore) le chant de bella Ciao.
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Bagnasco a rendu hommage à don Gallo "qui a accompli son ministère sacerdotal avec le regard et le coeur attirés par ceux qui portaient avec le plus d'évidence les blessures du corps et de la vie, celles de l'âme. Comme le samaritain de l'évangile, et comme la mission de chaque prêtre, il a cherché à adoucir les douleurs de ceux qu'ils rencontraient avec l'huile de la consolation et le vin de la fidélité, redonnant l'espérance pour regarder vers le lendemain".

Bagnasco a alors été contraint de s'interrompre: tandis qu'il évoquait "l'attention aux derniers" de don Gallo, de l'extérieur de l'église a éclaté le chant "Bella ciao", repris par l'assistance au milieu des applaudissements. C'est "la" secrétaire du défunt qui a dû prendre la parole pour ramener le calme, et permettre à l'évêque de reprendre son homélie:

"Il a commencé presque au compte-gouttes - a dit le cardinal - ouvrant la porte à ceux qui frappent et cherchaient à éprouver de la chaleur. La communauté, de refuge initial, est devenu étreinte féconde de ceux qui se sentaient ou semblaient être aux marges, peut-être sans nom... Don Andrea savait que la sienne était une réponse à ceux qui, pour diverses raisons, sont malmenés par la vie. Une réponse à toutes ces maladies qui les privent de la lumière mais pas du désir de rechercher ou d'attendre un sourire et une caresse. Il savait que c'était sa réponse et ne prétendait pas que c'était celle de tous, parce que l'imagination du bien est grande et est parcourue avec un sacrifice généreux par beaucoup".

L'homélie a été suivie par une lecture de la transexuelle Vladimir Luxoria, dont les paroles ont été accueillies par des applaudissements. La même à laquelle le cardinal a donné la communion....

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Voici la réaction de Alessandro Gnocchi et Mario Palmaro, sur le site Corrispondenza Romama

Le cardinal Bagnasco aux funérailles de Don Gallo: Tout se déroule selon un scénario écrit à l'avance
Alessandro Gnocchi et Mario Palmaro
http://www.corrispondenzaromana.it/il-card-bagnasco-al-funerale-di-don-gallo-tutto-secondo-copione/
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Les catholiques les plus avertis, désormais réduits à une réserve indienne faite en grande partie de simples fidèles, avaient commencé à trembler quand l'archevêque de Gênes, le cardinal Angelo Bagnasco, avait exprimé son désir de célébrer les funérailles de Don Andrea Gallo. Avec un peu de sensus fidei et un peu de connaissance du monde, les pauvres simples fidèles avaient deviné comment cela finirait.

Tout selon un scénario écrit par le monde, dans un climax savant culminant dans la communion donnée par le cardinal au Signore Vladimiro Gadagno, plus connu comme le "transgenre" Vladimir Luxuria, une personne avec un problème moral évident connu de tous, une personne qui non seulement est dans l'erreur, comme tous les pécheurs de ce monde, mais qui théorise et exhibe avec ostentation depuis des années la légitimité morale de son erreur objective.

Le silence embarrassé de beaucoup ne parvient pas cacher à le scandale que cette histoire suscite chez les fidèles. Et la presse catholique officielle, si peu libre qu'elle ne peut pas critiquer, même pas quand elle comprend qu'il y a à critiquer, avec sa version rassurante, ne parvient pas à dissiper les nuages sombres produits par le mécontentement qui circule parmi les croyants.

Il est difficile d'être rassurant face à ce qui s'est passé au cours de la cérémonie funèbre du prêtre génois. Et le cardinal Bagnasco est beaucoup trop intelligent pour ne pas avoir calculé les conséquences implicites de sa décision. Célébrer les funérailles de Don Gallo voulait dire, avant tout, accepter préventivement un scénario liturgique bâclé, ressemblant davantage à une manifestation politico-révolutionnaire qu'au sacrifice du Christ.
Et, ponctuellement, sont arrivées les plaintes verbales adressées à l'évêque de la part de plusieurs des présents: un prince de l'Église entraîné dans un chahut indigne et qui aurait pu être évité.

Mais il y a bien autre chose. L'archevêque qui célèbre les funérailles dit explicitement à l'opinion publique que pour l'Eglise catholique, don Gallo a représenté une conception légitime de la prêtrise. Le Curé d'Ars et don Gallo seraient donc les deux faces d'une même médaille: le premier, un modèle ancien, dépassé, le second une version toute nouvelle, une version actuelle, plus ouverte et moins rigide.

Sur cette pente, l'homélie du Cardinal confirme le climat de "dédouanement" du curé de rue, se transformant en célébration post-mortem d'un personnage qui, à vrai dire, a vécu en prêchant aux antipodes de la doctrine catholique sur les questions les plus importantes qui concernent la morale et le bien commun, le droit et la royauté sociale du Christ. Du reste, si l'on tient tellement compte du monde, peut-on aller aux obsèques d'un personnage aussi encombrant en prononçant une homélie teintée de censure contre le défunt?

Don Gallo était devenu depuis longtemps un phénomène médiatique et, par conséquent, si l'on accepte la logique des médias, inattaquable. En outre, en tant que phénomène médiatique, il attirait autour de lui le cortège habituel de célébrités du spectacle qui ne pouvaient manquer de se manifester à ses funérailles. Ce fait était connu et, par conséquent, il était tout aussi prévisible qu'il y aurait les habituels «incidents» embarrassants sur l'accès légitime (ou non) à la communion de la part de certains VIP. En ce sens, la photo de Vladimir Luxuria recevant la Sainte Communion du Cardinal Bagnasco est l'icône, le symbole très fort du «rituel» auquel le président de la Conférence épiscopale a décidé de participer. Dans les paroisses, des centaines de prêtres de bonne volonté s'égosillent tous les dimanches à expliquer aux fidèles divorcés remariés qu'ils ne peuvent pas recevoir la communion. Et l'archevêque de Gênes, que fait-il? Si la logique n'est pas une opinion, il fait le contraire.

Pour expliquer tout cela, on pourrait faire appel à la loi fondamentale de l'Église, à cette "salus animarum" oubliée par la théologie officielle des cinquante dernières années. En d'autres termes: un prêtre, et donc aussi un cardinal, s'il sait qu'il y a même une âme à sauver, ne s'arrête à rien, et il va au bout du monde du monde. S'il faut confesser, visiter une personne malade, donner une sépulture chrétienne à un mort, rechercher une âme rebelle, le prêtre doit faire sa part, allant même chez Matthieu, le publicain. Mais cet apostolat admirable, le prêtre ne le fait pas sous l'œil obscène et vulgaire du "Grand frère" (Big Brother), sous le regard pervers et manipulateur des moyens de communication de masse.

Envers don Andrea Gallo, il fallait accomplir tous les actes de piété possibles et imaginables, mais à condition d'échapper à la scène mondaine et inquiétante du système médiatique. On pouvait célébrer des obsèques privées et confidentielles et éviter des paroles de louange qui résonnent comme franchement scandaleuses à tous ces catholiques qui se battent chaque jour contre le relativisme et le nihilisme anti-catholique montant dans la société. On devait défendre le Corpus Christi de la profanation qui s'accomplit si l'on accepte à la communion quelqu'un qui, notoirement, n'a pas la condition subjective pour le faire. Sans oublier que dans les églises catholiques de cette modernité tragique, certains prêtres refusent la communion à un fidèle qui ose simplement s'agenouiller pour la recevoir.

Accepter de devenir protagoniste du spectacle offert par les médias pour les funérailles d'un personnage public comme Don Gallo: c'est la faute lourde du cardinal. Chose bien différente de celle d'accomplir le bien, l'action salvifique du prêtre. Accepter la logique du monde propagée par ses médias conduit à des situations grotesques dans leur essence, mais aussi dans le détail. Un catholique, pour prendre un exemple, ne peut accepter d'être réduit à l'état de schizophréne, qui d'un côté se bat contre l'avortement, et de l'autre est forcé de voir "béatifié" le prêtre qui ne faisait pas mystère de prostituées d'accompagner les prostituées à l'hôpital pour se faire avorter.

Mais, tout compte fait, le soupçon vient que le Cardinal ne s'est pas rendu aux funérailles de Don Gallo en dépit des médias de masse, mais en raison de leur présence. Lui aussi victime de ce pathétique complexe d'infériorité qui pousse des prélats de caractère et de degré hiérarchique variés, à rechercher un consensus et l'attention du monde. Les évêques et les cardinaux rédigent des discours et effectuent des actions dans l'espoir de pouvoir «passer» dans les nouvelles et les images du JT de 20 heures. "Eminence, nous sommes sur TG3", jubilent les secrétaires des pasteurs qui ont crevé l'écran, pensant ainsi avoir rendu un grand service à l'Eglise.
Du reste, il suffit de répondre honnêtement à la question suivante: si Don Gallo avait été exactement le même type de prêtre, mais inconnu, inconnu aux journaux et à la télévision, sans Vladimiri Luxuria prête à pleurer à son enterrement, s'il avait été un prêtre révolutionnaire mais résolument anonyme, le président de la CEI se serait-il donné la peine d'aller à son enterrement?

     

Pour conclure, dans son dernier billet, Sandro Magister (http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350527?fr=y), relatant la première visite de François à une paroisse romaine et soulignant les "nouveautés" introduites par le Pape François, relève:

Quatrième nouveauté. La communion. Habituellement, le pape Bergoglio ne la donne à personne. Il ne veut pas – et il l’a dit – que se présentent devant lui, pour la recevoir, des personnes qui cherchent à se faire de la publicité ou, pire encore, dont la position vis-à-vis de la doctrine et de la morale de l’Église n’est pas claire. C’est-à-dire qu’il ne veut pas qu’il lui arrive, en tant que pape, ce qui s’était produit, par exemple, quelques heures plus tôt, le samedi 25 mai à Gênes, au cours des funérailles du père Andrea Gallo, lorsque le célèbre transsexuel Vladimir Luxuria s’est présenté pour recevoir la communion des mains du cardinal Angelo Bagnasco, ce dont on a pu voir la photo dans les journaux.

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Certes, Benoît XVI donnait toujours la communion, lors des messes qu'il célébrait, les seules fois où il ne l'a pas fait, c'est après sa fracture du poignet, en juillet 2009, dans le Val d'Aoste: mais les gens admis au bonheur de recevoir la communion de ses mains ne devaient rien au hasard: la liste, établie selon des critères bien précis, avait été remise au préalable, et passée au crible.