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François, la Curie et les Conférences épiscopales

Les enjeux de la "nouvelle gouvernance" à travers deux articles en italien. Une piste intéressante: la réforme de la Curie sera-t-elle jésuite? Et le rôle des Conférences épiscopales. (31/3/2013)

     

Lu sur internet

Un concentré de ce qu'on a pu lire sur la presse généraliste dans les jours précédant et suivant le Conclave... Comme si réformer la Curie suffirait à résoudre tous les problèmes.
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(...) Tous les espoirs de changement seront vains si François n'arrive pas à s'attaquer à l'essentiel : la réforme de la curie.
Le mode de fonctionnement de ce gouvernement de cardinaux (???) , confortablement installés à Rome, est marqué par l'opacité, le secret, les intrigues et l'immobilisme ; sa capacité de nuisance est connue. « La tâche qui attend le pape François est immense. L'Église catholique est comme un navire qui ne peut pas changer de cap du jour au lendemain. Mais le pape a la latitude pour donner un cap », rappelle Brice Bado, jésuite et politologue burkinabè. N'étant pas issu du moule habituel, le nouveau pape osera-t-il « purifier » cet univers ? Toute la question est là. Pour l'abbé José Mpundu, « le pape doit réformer la curie romaine pour qu'au lieu d'un gouvernement central du Vatican elle devienne une instance pastorale ». Mgr Philippe Ouedraogo archevêque de Ouagadougou) renchérit : « Nous avons assisté, de loin, impuissants, à tous les scandales. C'est malsain. Il faut aller dans le sens du concile Vatican II, privilégier la collégialité dans l'action. Le carriérisme n'a pas lieu d'être. »
On reproche également à la curie romaine une centralisation paralysante.
Pour y remédier, il faudra donner aux Églises locales beaucoup plus d'autonomie. Et, pourquoi pas, délocaliser les synodes, voire créer des conciles régionaux. Les problèmes sont nombreux et les défis à relever importants.
(source)

     

Dans les pensées du Pape Bergoglio, la grande réforme de la Curie est jésuite
Matteo Matzuzzi
http://www.ilfoglio.it/soloqui/17532
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Réformer la Curie romaine sera «une tâche difficile», disait il y a quelques jours le cardinal brésilien Claudio Hummes, ancien archevêque de Sao Polo et préfet émérite de la Congrégation pour le Clergé.
La nécessité d'une «réforme structurelle» avait déjà été ressentie dans les jours précédant immédiatement le conclave, quand plus d'un cardinal était intervenu en référence à la gestion de la Curie dans les années où elle était dirigée par Tarcisio Bertone, le secrétaire d'Etat choisi par le pape Benoît XVI et confirmée par François «donec aliter provideatur» (jusqu'à dispositions contraires).
Beaucoup avaient pris la parole, qui pour accuser l'ancien archevêque de Gênes d'avoir centralisé trop de pouvoirs dans les mains (comme le préfet pour les religieux, le Brésilien Joao Braz de Aviz), qui pour défendre les dirigeants du Saint-Siège (comme l'archevêque de Sao Paulo Odilo Pedro Scherer, pasteur avec un passé de fonctionnaire curial à la Congrégation pour les évêques). Pour changer, il faut du temps, et la première chose que le nouveau pape devra faire sera de «choisir les personnes adéquates pour l'orientation d'une Église qui soit celle que le Pape veut, une Eglise missionnaire, avec davantage de dialogue» (??), a ajouté Hummes. Une Église qui, comme l'a expliqué François hier (mercredi27 mars), lors de l'audience générale sur la Place Saint-Pierre, «va chercher la brebis perdue dans les périphéries de l'existence».

Jorge Mario Bergoglio, ces jours-ci, étudie les projets qu'avaient déjà préparé le cardinal Francesco Coccopalmerio, apprécié canoniste et président du Conseil pontifical pour les Textes législatifs, et le cardinal Attilio Nicora, président de l'Autorité d'information financière. Un plan visant à rationaliser la bureaucratie vaticane, combinant certains dicastères et améliorant la coopération entre les congrégations et les conseils pontificaux.
Au centre de tout, l'objectif de donner plus de poids aux conférences épiscopales locales «pour quitter les basses eaux du centralisme romain», comme l'a demandé à plusieurs reprises l'aile du Collège des Cardinaux liée à Walter Kasper et Karl Lehmann.
François sait que la réforme de la Curie est une priorité, et dans ses entretiens privés entre Sainte Marthe (où il réside en ce moment) et l'étage 'noble' du Palais Apostolique du Vatican avec les différents cardinaux, il prend note des exigences et des suggestions qui lui sont données. Mais ensuite, il décidera en complète autonomie. Et il se serait convaincu que le projet Coccopalmerio-Nicora n'est pas suffisant: il doit être approfondi, et ne peut être que la base sur laquelle élaborer une réflexion plus profonde sur l'organisation de la machine du Vatican toute entière.

Selon nos informations, le Pape envisagerait ces jours-ci la possibilité d'une réforme similaire au modèle organisationnel de la Compagnie de Jésus: à côté du Supérieur (préposé) Général (la plus haute autorité de la Compagnie), il y a dix assistants nommés par la Congrégation générale qui coordonnent des groupes de provinces homogènes par la langue et la nationalité.
En suivant ce schéma, François redimmensionnerait la curie, donnant plus de poids aux archevêques résidentiels. Le fonctionnement de la machine du Vatican, coordonné par la Secrétairerie d'Etat, resterait comme structure technique de jonction entre les dicastères et les épiscopats locaux.
Sans surprise, parmi les projets du pape, il y aurait aussi le renforcement du rôle du président du Gouvernorat de la Cité du Vatican, charge aujourd'hui détenue par le cardinal Joseph Bertello, au premier rang pour succéder à Tarcisio Bertone en tant que Secrétaire d'Etat. En plus d'obtenir cette réduction de la bureaucratie, que vise le Pape, on rendrait de fait permanent le Synode des Évêques, tel que requis par de larges secteurs de l'Église, en particulier non-Européens depuis l'époque de Vatican II, et qui avait trouvé dans le cardinal Giuseppe Siri son adversaire le plus tenace («Je ne sais même pas ce que signifie le développement de la collégialité épiscopale. Le Synode ne pourra jamais devenir une institution délibérative dans l'Église, car il ne figure pas dans la constitution divine de l'Eglise», avait-t-il déclaré dans une interview à la veille du second conclave de 1978, qui élut Jean-Paul II).

     

L'évêque de Rome et les conférences épiscopales
Leandro Mariani
http://www.corrispondenzaromana.it
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Et si, contrairement à ce qu'affirme la vague médiatique, les obstacles les plus coriaces à l'action du nouveau pape ne venaient pas de la Curie romaine, mais du reste du monde catholique?
Bien sûr, il est trop facile de supposer la résistance de la bureaucratie vaticane à tout type de réforme qui en mette en doute la conservation.
Mais combien de bureaucraties similaires se trouvent-elles dans le reste du monde ecclésial? Il suffit d'imaginer, même approximativement, combien de conférences nationales et régionales vivent leur vie propre, ou presque, depuis des décennies, souvent comme si Rome n'existait pas.

La bureaucratie est toujours une méchante bête pour tout innovateur. Que dire alors quand elle se manifeste dans des centaines d'exemplaires qui fonctionnent en sens inverse par rapport à leur tâche d'origine. Conçues et nées comme courroies de transmission du gouvernement romain dans les régions les plus diverses, les Conférences épiscopales se sont transformées en organismes qui se permettent d'envoyer leurs exigences à Rome. Et même, littéralement, elles se permettent de mettre aux voix ce qui est déterminé par Rome. Et qu'on ne parle pas d'une Conférence perdue quelque part dans la région équatoriale.

Il suffit de penser de la Conférence épiscopale italienne, la seule à avoir un président qui n'est pas élu par ses membres, mais directement nommé par le pape. Une sécurité, me direz-vous. Et pourtant, pas plus tard qu'en 2010, la CEI a soumis au vote l'Instruction de la Congrégation pour le Culte Divin qui, sur indication du pape, exigeait que dans les missels nationaux la traduction «pour tous» soit remplacée par celle, plus correcte «pour beaucoup» dans la formule de consécration du Sang de Notre-Seigneur, là où le texte latin récite «pro multis». Résultat: sur les 187 votants, seuls 11 se sont exprimés en faveur de ce qui était demandé au nom du Pape.

Au-delà du sujet, évidemment très grave, on ne peut pas taire la méthode. Et si cette méthode est utilisée en Italie pour un sujet aussi délicat que la formule de la consécration des espèces eucharistiques, on devient songeur sur ce qui pourrait arriver dans le reste du monde sur d'autres questions, à commencer par celles morales. Il y a un peu plus d'un mois, la Conférence épiscopale allemande, présidée par Mgr Robert Zoellitsch, a exprimé un avis favorable à l'utilisation de ce qu'on appelle la pilule du lendemain aux femmes qui en font la demande après avoir été victimes de viol.

Mais la résistance à laquelle devra faire face une action du nouveau Pape ne concerne pas tant les cas individuels, que l'origine de cette attitude. Désormais, les Conférences épiscopales se sont transformées en organismes qui visent à leur propre survie, exprimant à la majorité une ligne dont il n'est pas possible de dévier et usurpant aux évêques individuels l'autonomie qui avait toujours caractérisé leur action. Soustrait de fait à la relation avec Rome, un évêque finit par s'adapter à la ligne décidée lors d'une session plénière, ou dans quelque commission dont il ne connaît même pas l'existence, ou le fonctionnement. Tout cela, loin d'être un instrument qui appuie et renforce l'action du pape, se montre de plus en plus un obstacle à une gouvernance efficace de l'Eglise.

Le fait que François insiste sur sa qualité d'évêque de Rome pourra peut-être l'aider dans ses relations avec la Conférence épiscopale italienne, dont il doit désigner le président. Mais on peut se demander si le fait de souligner cet aspect ne le mettra pas dans une situation encore plus difficile avec les autres Conférences épiscopales.
À moins que, au nom et pour le compte de la pauvreté franciscaine qui semble avoir soudainement gagné un consensus unanime à l'intérieur et à l'extérieur de l'Eglise, les Conférence n'acceptent de s'auto-démanteler et d'économiser sur le coût des nombreux bureaux qu'elles conservent.
Mais le charisme du Pape François y suffira-t-il?