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Jean XXIII, saint, et Juste parmi les nations?

A propos d'un billet de Sandro Magister, et d'une info datant du mois dernier.(16/7/2013)

     

Dans son dernier billet (http://chiesa.espresso.repubblica.it), Sandro Magister revenait sur les canonisation expresses décidées ces jours-ci par le pape François: Oscar Romero, Pierre Favre (1506-1546), un français, l’un des fondateurs de la compagnie de Jésus (selon une modalité très inhabituelle, la « canonisation équipollente », utilisée pour des personnalités mortes depuis longtemps, comme cela avait le cas récemment pour Hildegarde de Bingen), et deux papes : Jean Paul II, et Jean XXIII ; quant à la béatification de Pie XII (*), à laquelle Benoît XVI avait pourtant donné le feu vert le 19 décembre 2009, par un geste de grand courage qui lui avait valu la condamnation unanime des medias (cf. http://benoit-et-moi.fr/2009), elle n’est semble-t-il plus à l’ordre du jour.
Sandro Magister note sur un ton légèrement critique (?), que ces canonisations qui relèvent du « fait du prince », peuvent étonner de la part d'un pape qui répugne à s’appeler « pape » mais qui n’en gouverne pas moins, selon lui, comme un souverain absolu:
« Mais la décision la plus spectaculaire que le pape François ait prise dans ce domaine est certainement celle de procéder à la canonisation de Jean XXIII sans qu’il y ait eu de miracle attribué à son intercession et ayant eu lieu après sa béatification.
...
En pratique, donc, le pape François a utilisé au plus haut degré le pouvoir pontifical dont il dispose en tant que chef de l’Église universelle pour prendre une décision qui paraît être sans précédent en ce qui concerne les procès qui ne concernent pas des martyrs.
».

Et il conclut, non sans malice:
« Le pape François a donc concédé à Jean XXIII ce que Jean-Paul II n’a pas accepté pour Mère Teresa. Mais on peut penser que, au paradis, la religieuse albanaise ne se disputera pas à ce sujet avec le pape bergamasque. »

Le pape du Concile a donc le vent en poupe. Il va être fait saint, et dans la foulée, il pourrait aussi devenir Juste parmi les Nations.
Il m’est revenu à ce sujet en mémoire une nouvelle passée assez inaperçue à l'époque, parue sur Vatican Insider début juin.

* * *

(*) Dossier « Pie XII vénérable » ici: benoit-et-moi.fr/2009

     

Le Pape Roncalli sera-t-il «juste parmi les Nations»?
En Israël, on commémore la figure de Jean XXIII, et on travaille pour lui attribuer, en raison de son engagement en faveur des juifs, l'importante distinction honorifique.

Giorgio Bernardelli
http://vaticaninsider.lastampa.it
3/06/2013
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Israël aussi a voulu commémorer il y a quelques semaines les cinquante ans de la mort de Jean XXIII. Sur une initiative de la Fondation Raoul Wallenberg, le 29 avril dernier, s'est tenue à Jérusalem un congrès sur l'héritage du Pape Roncalli, concernant les relations avec le peuple juif et Israël. Mais l'initiative a été aussi l'occasion de soulever à nouveau la question: comment se fait-il qu'à Angelo Roncalli - dont l'engagement en faveur des juifs persécutés par les nazis, à l'époque où il servait à la nonciature d'Istanbul - le mémorial de la Shoah Yad vashem n'ait jamais attribué le titre de Juste parmi les nations?
Ce n'est pas un hasard si c'est la Fondation Wallenberg qui a soulevé la question: c'est en effet justement cet organisme qui, déjà en 2001 avait présenté à l'institut de Jérusalem un dossier sur les «certificats d'immigration » en Palestine remis par l'ex-nonce à Istanbul à plusieurs juifs, à travers le courrier diplomatique du Vatican.
En outre, il intervint directement en faveur des juifs slovaques et bulgares.
La Fondation Wallenberg - créée par le juif Baruch Tenenbaum pour rappeler le diplomate suédois Raoul Wallenberg, un des plus connus des Justes parmi les nations, que les russes ont fait disparaître en Hongrie en 1945 après qu'il ait aidé des milliers de juifs - a une dette particulière envers Roncalli: le nonce apostolique d'alors à Istanbul collabora en effet avec Wallenberg dans l'opération de sauvetage des juifs. Et justement Tenenbaum l'a rappelé dans un article publié le 29 avril sur le Jérusalem Post: «C'est dommage - a-t-il écrit - que le public israélien sache aussi peu de chose sur Roncalli, étant donné qu'il a été un des plus grands amis du peuple juif. Il a accompli des actions extraordinaires, pour le temps et le contexte où il vivait, pour aider les juifs alors persécutés».

Si tout cela est vrai, pourquoi - douze ans après la présentation de la documentation - le Yad Vashem n'a-t-il pas encore attribué à Jean XXIII le titre de Juste parmi les Nations? C'est à cette question qu'a répondu au nom de la Fondation Wallenberg, le responsable du Bureau de Jérusalem, Danny Raiser, dans une interviewe accordée au site gariwo.net qui, depuis Milan, promeut dans le monde entier la culture des Justes.
« Il n'y a jamais eu de réponse officielle de la part du Yad Vashem - a expliqué Rainer - mais, du point de vue des principes, je crois que le motif de l'opposition réside dans le fait que (selon eux) Roncalli, dans ses actions, ne fit jamais rien de contraire aux ordres de ses supérieurs. Et c'est l'un des critères que le Yad Vashem considère toujours quand il examine les candidatures. En outre, bien qu'il s'agisse d'une haute personnalité
qui devait par la suite devenir Pape, il y a le poids du jugement de Yad Vashem sur l'action de Pie XII ».

De la conférence qui s'est tenue à Jérusalem, il a malgré tout émergé un autre aspect intéressant et peu connu sur les rapports entre Roncalli et les juifs. « Quand il était nonce à Paris - a encore rappelé Rainer - il a aidé l'Agence juive dans son action en faveur de la naissance de l'Etat d'Israël. En particulier, il a fait en sorte que Moshe Sneh - un représentant de l'organisation - soit reçu au Vatican pour chercher à convaincre le Pape de veiller à ce que les pays d'Amérique latine ne s'opposent pas aux Nations Unies lors du vote fondamental sur la partition de la Palestine». Ce qui advint ensuite en novembre 1947, ouvrant la voie à la naissance de l'état d'Israël.