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La prédiction de Messori

Il voit dans le choix d'un pape sud-américain - qu'il qualifie de géopolitique, et qu'il avait prévu - une nécessité stratégique: enrayer la saignée opérée par les sectes parmi les catholiques d'Amérique latine (28/3/2013)

Dans un article publié le 14 mars, Vittorio Messori raconte qu'il avait "deviné", avant l'annonce du 13 mars, l'identité du nouveau Pape.
Il ne s'agit pas d'une énième élucubration de prophète lisant dans l'avenir... après que les faits se soient produits.
Il l'avait confié à un ami, Michele Brambilla, journaliste à la Stampa, avec qui il a co-écrit dans le passé un livre.
Vittorio Messori voit dans le choix d'un pape sud-américain une nécessité stratégique, née de la nécessité de lutter contre la saignée opérée par les sectes parmi les catholiques d'Amérique latine.
C'est une interprétation intéressante, et il est vraisemblable qu'elle a pesé dans le choix des cardinaux.
Mais elle n'explique pas l'allégresse des médias planétaires, après une modeste première attaque, vite retombée.
Quant aux premiers gestes de François... disons que l'article ne peut pas en tenir compte, car il ne date que du lendemain de l'élection.

>>> Article en italien: http://www.et-et.it

>>> A propos de l'influence des sectes et des pentecôtistes en Amérique latine, on trouvera des éléments dans les pages consacrées au voyage de Benoît XVI au Brésil en mai 2007 (http://beatriceweb.eu) en particulier les commentaires de John Allen et de Sandro Magister.

Un nouveau François, pour récupérer le «continent de l'espérance»
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Je m'excuse de commencer par un épisode personnel. Mais, comme nous le verrons, sur le fond, il y a un problème très grave qui concerne l'Église tout entière et que, par conséquent, François I (sic!) devra traiter en priorité. J'espère donc que l'on me pardonnera le personnalisme apparent.

Dans le mois qui s'est écoulé depuis l'anniversaire fatidique de Notre-Dame de Lourdes, le 11 Février, de nombreux collègues italiens et étrangers m'ont demandé une prédiction sur le cardinal que ses frères allaient élire pour succéder à Benoît XVI. Toujours, sans exception, je me suis dérobé, je n'ai rien dit à personne, rappelant que pour un chrétien, il n'est pas licite de voler son travail au Saint-Esprit; et évoquant des épisodes, vécus personnellement dans les rédactions des journaux, où les indications des papabili de la part des experts ont été régulièrement démenties. Pour cette raison, tout en m'excusant, je n'ai participé à aucun des divertissements (en français dans le texte) des collègues du "Corriere", dont chacun, en souriant, a indiqué son tiercé.

J'ai fait une exception à la réserve que je m'étais imposé avec un collègue - qui est aussi un ami de longue date et avec qui j'ai écrit un livre sur la foi - Michele Brambilla, maintenant à "La Stampa" , mais formé dans notre journal ("Il Corriere", donc) et bien versé dans les questions religieuses. Lui demandant de garder la chose pour lui, jusqu'à la fin du conclave, je lui ai proposé en plaisantant de me servir de notaire (ndt: en lui confiant un testament) et je lui ai donné un nom, un seul: Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires.
Le collègue ami m'a téléphoné hier (13 mars!), sous le déluge de la Place Saint-Pierre, où l'on attendait la fumée blanche, et il m'a rappelé ma prédiction, me demandant si je la confirmais: je lui ai dit que je pensais que je pouvais le faire. Michele m'a rappelé que Bergoglio n'était pas parmi ceux que la majorité de mes collègues donnaient comme papabili: au moins, dans ce conclave, tandis que dans celui qui avait élu Joseph Ratzinger, il semble avoir été celui qui a eu le plus grand nombre de voix, après l'élu. Mais huit ans se sont écoulés, le cardinal Bergoglio a maintenant 76 ans, tout le monde attendait un pape en pleine force. Une limite que certains avaient fixé en dessous de 65 ans. Entre autres choses, il aurait été le premier jésuite à devenir pape, dignité à laquelle la Société n'a jamais aspiré, selon la recommandation de son fondateur Ignace. Pourtant, j'avais insisté sur cette candidature argentine.

Don de divination, confidences du Paraclet, liens occultes avec les cardinaux des Salles Sacrées?
Mais non, rien de tout cela, juste un peu de connaissance de la réalité de l'Eglise aujourd'hui.
J'avais d'ailleurs dit à mon ami: «Dans le conclave, où l'on connaît l'état de l'Église dans le monde entier, on pourrait se décider pour un choix "géo-politique", comme pour Karol Wojtyla. Un choix heureux: non seulement l'un des meilleurs pontificats du siècle, mais il jeta dans la panique toute la Nomenklatura de l'Union soviétique, et de tout l'Est, qui prévoyaient des ennuis avec un pape polonais. Ils n'avaient pas tort d'avoir peur. En fait, vinrent Walesa, Solidarnosc, les chantiers navals Lénine de Gdansk, les grèves ouvrières que pour la première fois un régime communiste n'osa pas réprimer dans le sang. C'est cette fissure qui en s'élargissant fit à la fin s'écrouler tous les murs de l'Empire. Mais rien n'aurait été possible sans un pape polonais, de cette trempe et de ce prestige!, qui surveillait et conseillait depuis le Vatican».
Eh bien, poursuivis-je le raisonnement, un choix géo-politique, aujourd'hui pourrait aller dans deux directions: appeler à la chaire de Pierre, le premier Chinois dans l'histoire à participer à un conclave, l'archevêque de Hong Kong, John Tong Hon. La panique, cette fois, ne serait pas à Moscou ou à Varsovie, mais à Pékin, la capitale de la superpuissance de demain, où le gouvernement - ne pouvant extirper les catholiques, coriaces à la persécution - a tenté de créer une Église nationale, indépendante de Rome, en nommant même les évêques. Et les croyants fidèles au Pape sont réduits à la clandestinité. Comment continuer à les garder dans les catacombes ou dans les camps, avec l'un d'eux devenu Pape?

Mais l'Église ne se presse jamais, elle juge selon les temps des «longues durées», comme les historiens des Annales; le tour de la Chine viendra probablement dans un futur conclave, lorsque, comme cela arrive dans tous les régimes totalitaires, le système commencera son déclin et sera affaibli, prêt pour le coup de grâce.
Et alors, le Conclave dans tout cela?
Alors, je pensais qu'il y avait de la place pour un autre choix géopolitique et cette fois vraiment urgent, voire très urgent, même si en Europe on ne connaît pas la gravité de l'événement.
Il arrive, en fait, que l'Église romaine est sur le point de perdre ce qu'il considérait comme le «continent de l'espérance», le continent catholique par excellence dans l'imaginaire populaire, celui grâce auquel l'espagnol est la langue la plus parlée dans l'Église. L'Amérique du Sud, en effet, abandonne le catholicisme au rythme de milliers d'hommes et de femmes chaque jour. Il y a des chiffres qui tourmentent les épiscopats de ces terres: depuis le début des années quatre-vingt jusqu'à l'heure actuelle, l'Amérique latine a perdu près d'un quart des fidèles. Où vont-ils? Ils entrent dans les communautés, les sectes, les petites églises évangéliques , les pentecôtistes, qui, envoyés et soutenus par les grands bailleurs de fonds nord-américains, réalisent le vieux rêve du protestantisme aux États-Unis: en finir, dans ce continent, avec la superstition "papiste". Il faut dire que les grands moyens économiques dont disposent ces missionnaires attirent les nombreux dédhérités de ces terres et les induisent à entrer dans des communautés où tous sont soutenus, y compris économiquement. Mais il y a aussi le fait que les théologies politiques des dernières décennies, prêchées par des prêtres et des moines devenus des militants idéologiques, ont éloigné du catholicisme ces foules, désireuses d'une religiosité vivante, colorée, chantée, dansée. Et c'est précisément dans cette optique que le pentecôtisme interprète le christianisme et attire des flux de transfuges du catholicisme.

Par conséquent, les Pères du conclave allaient probablement évaluer l'urgence d'une intervention, selon un programme proposé et géré par Rome elle-même, l'installation d'un Pape venu de ce continent. Mais l'hémorragie concerne surtout le Brésil et l'Amérique andine: pourquoi, si un Pape d'Amérique du Sud devait être, pourquoi un argentin, archevêque d'un pays moins touché par l'exode vers les sectes? A probablement joué le fait que le cardinal Bergoglio (indépendamment de la haute qualité de l'homme, de la formation théologique, de l'expérience) est à la fois ibéro-américain et européen. Sa famille est une famille d'immigrés récents, originaire de la région d'Asti, l'italien est sa seconde langue maternelle: parce que pour l'Eglise, les problèmes urgents ne sont pas seulement outre-Atlantique, mais aussi une forte réorganisation de la Curie, il fallait un homme qui sache faire face à certaines situations vaticanes.
En somme, de ma part, il ne s'agissait pas d'une prédiction, mais d'un simple raisonnement.
Mais de nombreux autres arguments sont nécessaires, à commencer par choix du nom, François, sans précédent dans l'histoire de la papauté.
Mais il est tard, le temps presse. Il sera temps de reprendre le discours.