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Lampedusa, un mois après

Le 8 juillet dernier, le pape se rendait à Lampedusa. Son geste, très médiatisé, avait appelé une unanimité de commentaires élogieux de la presse... et de la gauche politique, notamment italienne (actuellement aux affaires). Aujourd'hui, les drames en mer se poursuivent, dans la plus parfaite indifférence. Deux articles, pour réfléchir... (7/8/2013)

>>> Dossier ici: Lampedusa

Aujourd'hui, à Lampedusa
Un article de Riccardo Cascioli dans "La Bussola"

Lampedusa, où est le «gouvernement du faire» (1)?

Riccardo Cascioli
06.08.2013
http://www.lanuovabq.it/it/articoli-lampedusadove-il-governodel-fare-7028.htm
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L'autre soir sont arrivés à Lampedusa 250 migrants secourus en mer par la Garde côtière. Samedi après-midi dans le canal de Sicile, toujours la Garde côtière a secouru un bateau avec 90 Somaliens à bord, qui ont parlé de 3 femmes mortes pendant le voyage (et abandonnées en mer); la nuit précédente, 176 autres immigrants avaient été sauvés.
La saison des débarquements à Lampedusa se poursuit en grand, il y avait longtemps qu'on n'avait pas vu un afflux aussi nombreux et les centres de premier accueil sont près d'exploser. Pourtant, dans les journaux et aux nouvelles télévisées, il est difficile de trouver trace de ces drames.

Quand on pense qu'il y a quelques semaines, ils étaient tous là à être émus des mots et de la présence du pape François à Lampedusa, pour pour avoir attiré l'attention sur le drame humain : les gros titres des journaux, des reportages interminables au JT, des politiciens de gauche jubilant - et plutôt pathétiques - qui pouvaient crier «Faites entrer tous les immigrants, le Pape le veut». Peu importe si le pape ne l'avait pas vraiment dit, ayant seulement fait résonner certaines questions («Adam, où es-tu?», «Caïn: Où est ton frère?») et expliqué que certaines situations viennent du fait d'avoir rejeté Dieu.

Le Pape à Lampedusa: il semble que des années soient passées, ni les journaux ni les politiciens n'accordent plus la moindre attention au véritable drame humain qui se déroule tous les jours. Au moins jusqu'à la prochaine grande tragédie; alors recommencera le ballet qui permettra de vendre plus de journaux et aux politiciens de quatrième zone de se présenter comme les champions des pauvres et des exploités.

C'est la preuve que des pauvres migrants, de leur humanité blessée et souffrante, peu se soucient. Leur douleur, leur misère, est une marchandise tout juste bonne pour leurs intérêts et leurs calculs politiques.
Sinon, une quelconque initiative - nationale et internationale - aurait été pensée, mise en œuvre, une orientation politique aurait été donnée pour répondre le problème de l'immigration, en particulier de l'immigration clandestine. On aurait également valorisé les efforts de nos forces armées qui, ces dernières années ont permis de sauver des milliers de vies en Méditerranée.

Face à cette nouvelle vague de débarquements, il convient alors de rappeler qu'il faut faire tout ce qui est possible pour qu'il n'y ait plus ces aventures en mer; à part le devoir de secourir les personnes en danger, et de leur prêter secours, la seule façon possible de prévenir les tragédies en Méditerranée est de faire en sorte qu'on ne laisse plus partir ces bateaux: accords avec les gouvernements des Etats d'où les bateaux partent, accords avec le Haut Commissaire pour les réfugiés pour effectuer le dépistage dans les pays concernés (pour déterminer qui a le droit à l'asile politique et qui ne l'a pas), interventions politiques et économiques sur les pays d'où fuient les migrants: ce ne sont que quelques-unes des initiatives possibles pour traiter de manière sérieuse le problème. Mais le «gouvernement du faire» et les très occupés présidents des chambres ont des choses plus importantes à penser.

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(*) C'est apparemment le nom-slogan que se donne le nouveau gouvernement Letta, ou qu'on lui donne, de l'autre côté des Alpes.

Le Pape à Lampedusa: pour sanctifier les immigrants
Les avertissements d'Antonio Margheriti Mastino, le 5 juillet dernier

Je reproduis la traduction partielle d'un article du blogueur Antonio Margheriti Mastino, déjà croisé dans ces pages (La sacoche du Pape ).
Article original ici: http://www.qelsi.it/2013/il-papa-a-lampedusa-a-santificare-i-clandestini/ .
Ce que je n'ai pas traduit n'est pas lié directement au thème de Lampedusa.

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Le Pape à Lampedusa. Pour sanctifier les clandestins
5 juillet 2013

Tout comme il avait voulu assister au match Roma-Lazio (ndt: ce serait l'équivalent de PSG-Marseille, en France), avec toute la guerrilla urbaine qui s'ensuit à chaque fois, sans se rendre compte des risques auxquels il aurait soumis lui-même, des milliers de gens, la ville, la police et même ses gardes du corps - de la même façon, le pape François a annoncé à l'improviste son voyage sur la petite île de Lampedusa. Pour la plus grande joie des tiermondistes, des photographes et des belles âmes...
Le préfet de la République compétent dans cette terre tourmentée n'a pas eu la force du préfet de Rome pour opposer, à cette nouvelle trouvaille médiatique du Pape argentin, un «non» qui aurait pourtant été politiquement opportun pour la sécurité publique non seulement de l'île, non seulement de l'Italie, mais même des aspirants immigrants. Et à défaut de lui, c'est le ministre de l'Intérieur qui aurait dû s'en charger: comment avoir ce courage?

François n'a probablement pas réalisé toutes les implications politiques de ce voyage-éclair, et ce n'est pas la première fois qu'il sous-estime certains «gestes», ou peut-être les évalue-t-il mais qu'ils lui conviennent. A lui. Il y va, à ce qu'il dit, parce que c'est une terre d'«urgence humanitaire». Certes. Mais en attendant, en violation des lois italiennes, il sanctifie entre les lignes précisément le phénomène qui le peine tellement: l'immigration. C'est juste. Mais quand elle est clandestine, il faut y aller avec "des pieds de plomb". Parce qu'on risque non seulement de la dédouaner, mais de l'encourager et de l'augmenter, et de façon subliminale, c'est bien le message qui passe. Et qui arrivera tout droit en Afrique noire, aux yeux et aux oreilles - avant même des aspirants clandestins - des trafiquants, ces criminels marchands de chair humaine qui n'hésitent pas une seconde, s'ils le jugent nécessaire, à jeter en mer des hommes, des enfants, des femmes enceintes, avant de déguerpir. Au cours des dernières années, cela s'est produit des milliers de fois, et des milliers de milliers flottent sur les eaux tumultueuses de Lampedusa; et s'ils n'ont pas été jetés à la mer, ils ont été transportés dans des «charettes de la mer», non seulement dans un état pitoyable, mais en fin de vie. Après leur avoir vidé les poches.

A cela s'ajoute le martyre quotidien des habitants de l'île, dont la vie a été rendue impossible depuis désormais une décennie d'«état de siège» permanent, de la part des immigrants illégaux et des forces de l'ordre. Je ne sais pas comment ils réagiront au rappel assuré à la «solidarité» dictée par le sentiment qui a inspiré cette visite imprudente, une fois de plus à l'usage des caméras.

Il y a plus: le pays étant incapable de digérer un tel flux d'immigration en le redistribuant comme main-d'œuvre, beaucoup de ces immigrés clandestins qui arrivent et vont se multiplier à la suite de la visite du pape, finiront, comme ils ont déjà fini, par grossir le crime organisé, le travail au noir et surtout le trafic des stupéfiants (il suffit de tourner le soir autour de Termini [la grande gare de Rome?], à Florence, à Pérouse, pour se rendre compte du gigantesque traffic de drogue géré par les immigrés clandestins africains). Et bien sûr, la prostitution: même dans les petites villes, aujourd'hui, on voit des choses jamais vues auparavant dans les banlieues: en plein jour, des dizaines de prostituées africaines en attente des clients. Spectacle qui autrefois était l'apanage des grandes villes. Trafiquants de drogue, travailleurs au noir, prostituées qui envahissent l'Italie, tous sont passés par Lampedusa.

Mais ce pape, provenant d'une terre composée en grande partie d'immigrants comme l'Argentine, lui-même fils d'immigrés italiens, en imagine une typologie qui n'existe plus. Parce que les raisons profondes de cette immigration clandestine africaine sont très éloignées des motifs qui ont poussé les Italiens à chercher «fortune» en Argentine. Tout d'abord, il n'est pas vrai qu'ils cherchaient «fortune»: ils étaient à la recherche d'un endroit pour ne pas mourir de faim, et mettre leur famille en sécurité, en travaillant dur; et comme l'Italie libérale sous la monarchie des Savoie était le dernier endroit où l'on pouvait obtenir ces choses de base, le cœur déchiré, ils partaient.

Pour une bonne partie, l'immigration illégale aujourd'hui n'est pas ainsi. Il est désormais avéré que, dans leurs villages et villes en Afrique, ils ont non seulement de quoi vivre et manger, mais aussi de quoi travailler, et on aurait besoin d'eux; mais ils décident leur départ vers Lampedusa sur des chimères entièrement «matérialistes», «occidentales» : la recherche d'une vie «à l'occidentale» disent-ils, qu'ils imaginent facile, agréable, riche, anarchiste, consumériste, tous les privilèges matériels que nous autres aurions. Autrement dit, si nous nous limitons aux milieux catholique et musulman - qui sont les croyances que la majorité des immigrés clandestins professent, s'ils en professent une - tous ces excès que le christianisme, l'islam et la prédication de François condamnent.

Une fois de plus: cui prodest?
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Antonio Margheriti Mastino
© 2013 Qelsi (pour le texte italien)