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La sacoche du Pape

Oui au Pape, non à l'Eglise, c'est le message des médias. Un blogueur italien "de droite", Antonio Mastino, s'interroge lui aussi sur l'engouement médiatique dont jouit François. Cui prodest? La question ne peut être éludée, même parmi ses partisans les plus convaincus (3/8/2013)

Sandro Magister, dans son dernier billet (http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350569?fr=y ), y va d'un commentaire légèrement ironique (je suppose que l'affaire Ricca lui est restée en travers de la gorge):

Sagement, le pape François a reporté à la fin de son voyage, au vol de retour qui l’a ramené de Rio de Janeiro à Rome, l’échange de questions et de réponses avec les journalistes qui l’accompagnaient.
S’il l’avait fait pendant le voyage aller, des sujets comme les lobbies, les homosexuels, les divorcés, la curie, l’IOR auraient inévitablement monopolisé l'attention des médias. Alors que ceux-ci, à peine arrivés Rio, ont pu s’intéresser en premier lieu au véhicule pontifical, bloqué dans un embouteillage par suite d’une erreur et soumis à l’assaut des fans, qui se penchaient à l’intérieur de l’habitacle, dont la fenêtre avait été baissé sans crainte du danger.

Antonio Margheriti Mastino (1)- qui se définit lui-même comme ratzingérien, ceci pour le situer - s'est intéressé quant à lui à la sacoche noire que le pape portait lui-même, pour monter à bord de l'avion qui l'emmenait vers Rio.
L'article date du 22 juillet, jour du départ.
Son analyse renvoie (quoique au point diamètralement opposé) à celle-ci: Le médium est le message.

     

La sacoche noire du Pape
La bourse (2) ou l'Eglise
Quelques notes inquiètantes sur le voyage, saccoche à la main, du pape au Brésil
Antonio Margheriti Mastino
www.qelsi.it/2013/dal-bagaglio-a-mano-al-bergoglio-a-mano/
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J'étais à table quand j'ai vu l'image sans le son qui se déplaçait sur l'écran de la télévision, et j'ai levé les yeux au ciel, désormais résigné: le pape avec sa sacoche à la main montant dans l'avion pour atterrir au Brésil. Sans avoir besoin de remettre le son, j'avais déjà tout compris, tout ce qui se disait et tout ce dont on jacassera dans les prochaines heures et tout au long de ce voyage, qui devait être apostolique et risque d'être seulement médiatique. Et il sera réduit à une question de sacoche.
Bergoglio avec son bagage à la main, donc. Depuis un certain temps, je me demande s'il s'agit de trouvailles médiatiques quotidiennes de lui, ou de quelque conseiller, consultant en «image». Je ne dis pas qu'elles n'ont pas quelque chose de génial, non, mais je veux être sûr que ce n'est pas surtout une perte de phosphore, d'effort et de temps, sinon d'argent; et même qu'elles ne sont pas, en fin de compte plus inutiles qu'utiles, fin en soi, voire nocives, et c'est tout. Qu'elles soient sincères et «spontanées», comme le gotha médiatiques nous le serine, je n'y crois pas, qu'elles soient stratégiques et voulues, oui.

Devant ma réaction agacée, un de mes voisins de table me dit: «des papes comme ça, il n'y en a jamais eu, c'est le meilleur de tous».
Meilleur pour quoi, exactement?
Le truc habituel: bague en or, voiture, pôooovres. Autrement dit, à un examen moins hypocrite et superficiel des faits, toutes les choses pour lesquelles nous vivons et sans lesquelles il nous semble qu'il ne vaut pas la peine de vivre et que nous ne voulons pas arrêter: or, voitures de luxe et ne pas devenir comme les «pauvres», ayant en horreur la pauvreté, que, contrairement aux saints, nous prétendons pour les autres mais pas pour nous-mêmes, comme il se doit. Et puis, la sympathie, il y a aussi ça. Et là, vous réalisez que pour juger un successeur de Pierre, on utilise les mêmes paramètres que pour juger les politiciens et peut-être les «amis» de Maria De Filippi (présentatrice de télévision italienne). Et cela en dit long sur la valeur de ces jugements plus ou moins télécommandés.


Oui au Pape, non à la papauté; oui au Pape, non à l'Eglise
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A moi, cette idolâtrie médiatique pour le personnage du pape irait parfaitement. Si elle comprenait également le Magistère, si elle était en faveur du pape en tant que Pierre, pas du pape en tant que Bergoglio. Ou plutôt: ce que les médias, en l'instrumentalisant, ont fait de Bergoglio ... même si, souvent, il y met du sien. Je serais enthousiaste, parce que cela nous éviterait à nous, catholiques plumitifs et «apologistes», le mal d'avoir à défendre le pape avec tout le reste sur ces mêmes médias qui mettent le reste de l'Eglise au pilori. Je serais enthousiaste si je ne voyais pas que ce culte est basé sur l'équivoque, parfois sur la manipulation, sinon le mensonge pur et simple, indépendamment de la volonté du pape. Et en effet, c'est le développement suivant de ce que Pie XII, désenchanté, avait dit des derniers siècles de l'histoire chrétienne et anti-chrétienne:

« D'abord, "oui au Christ, non à l'Eglise" (Réforme protestante); ensuite "oui à Dieu, non à l'Eglise" (déisme des Lumières); puis "non à Dieu, oui au Christ" (agnosticisme libéral-maçonnique du Christ "grand sage", mais pas divin), jusqu'à ce cri impie: "Dieu est mort, et même, il n'a jamais été" (athéisme marxiste)».
A présent, nous en sommes à "oui au pape, non à l'Eglise, Dieu peut-être" ... mais chacun à sa guise. A condition qu'on fasse dire au Pape ce qui nous plaît, qu'on le libère de ce qu'est l'Église, et que Dieu soit un «moi» comme les autres, et pas celui incarné et révélé par les Ecritures et proposée par le Magistère.
C'est ce que je crains des laudatores médiatiques de François, et cette crainte trouve des échos tous les jours: Oui au Pape, non à la papauté, non à Rome, non à la doctrine, oui à l'avortement, aux lois contre nature, à tout le programme libéral-radical; non à la doctrine morale et sociale de l'Église. Beau résultat!


A bas les carnivores (ndt: référence à l'Eucharistie?), vive l'avortement! A bas l'Église, vive le Pape!
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De ce malentendu ou cette mauvaise foi qui fait résonance à la possible "stratégie médiatique" de François, j'ai eu la preuve immédiate aujourd'hui, alors que j'étais en voiture, et que je zappais entre les stations de radio. Toutes parlaient élogieusement de la "saccoche à main du pape". Les mêmes stations qui une minute plus tôt faisaient la propagande pour tous les fétichismes libéraux-radicaux (nous dirions peut-être "gauchisants"), y compris le végétarisme taliban, pour qui une cuisse de poulet est une «cuisse arrachée à un cadavre», et peu de temps après, un enfant avorté «est juste un foetus, ce n'est pas un être humain »(ils ont réellement dit ça!). Eh bien, tous parlaient de François. Avec abondance de tous les superlatifs. Non pas pour dire quoi que ce soit de catholique, mais pour parler de «cet homme humble qui spontanément apporte son propre bagage à main».
(...)

Ce n'est pas que tout cela m'inquière. Ce qui m'inquiète un peu plus, c'est que la papauté soit réduite à une question de «bagage à main» et donc un voyage qui devait être apostolique. Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est le mépris apertis verbis avec lequel tous ces radio-dj et radio-journalistes ont liquidé tous les prédécesseurs, et la papauté elle-même «avant ce François qui depuis l'élection porte des chaussures noires, une montre en plastique, a refusé la papamobile et surtout rejeté la croix et tout symbole de la papauté ». Et ils ajoutent: « Une rupture totale salutaire avec cette Église désormais vieille, hors du temps, avec des théories désormais privées de sens, que le pape a liquidées ». Une autre station, si je ne me trompe, celle des talibans du végétarisme, parle d'un pape «qui a dépassé l'Eglise», et qui s'apprête à en fermer définitivement les portes «avec autant de dignité que possible».
Voilà ce qui a été dit.

Que recueillerons-nous après tout cela? Que sommes-nous en train de cultiver? Que restera-t-il? Bergoglio mort, que ferons-nous du culte bergoglien (tout comme aujourd'hui, nous ne savons pas quoi faire avec l'ancien culte des jeunes pour Wojtyla)? Cui prodest? (à qui cela profite-t-il?)


Message subliminal: culte de CE Pape et haine du catholicisme
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Le message subliminal qui a été perçu , ou qu'on a laissé passer, ne laisse aucun espoir: une haine furieuse envers tout ce qu'on sait incontestablement catholique, toute tradition catholique, tout ce que l'Église est et représente, rejetée avec dédain jusque dans ses apparences ... mais "ce" (et ils soulignent "ce") pape, n'est pas quelque chose d'infect comme tout ce qui est catholique, lui, au contraire, est une bonne chose, et même il est «bon» parce qu'il est «comme nous» (et en soi, cela ne devrait pas être grand chose! ...). Et surtout il n'est pas - c'est ce qu'ils disent entre les lignes mais aussi ouvertement - comme «les autre», papes et catholiques, non, il est «autre», des papes, des catholiques, du catholicisme.
Mais que diable est-il, alors? Le personnage est «bon», c'est tout, et peu importe ce qu'il dit ou représente, ce qui compte, ce sont les «gestes», clairement interprétés selon la vulgate du monde. Il va sans dire que tout le reste est «mauvais». Ce message a été perçu, il est passé, il est dans le domaine public. Ce pape, disent-ils tous, est une «rupture». Il rompt clairement avec des choses intrinsèquement mauvaises. Comment, précisément, l'«Eglise», le Magistère, les prédécesseurs ... y compris l'ancienne idole de ces mêmes laudateurs professionnels des médias: Jean-Paul II, en son temps également utilisé comme «rupture» de quelque chose. Même Wojtyla est devenu «mauvais». Sic transit gloria mundi!



Autrefois, le bon Pape était celui qui était mort, pas celui qui était vivant, désormais, c'est le contraire
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Patience si beaucoup de catholiques sincères, par simple amour de la papauté, feignent encore de ne pas s'apercevoir de ce qui se passe réellement. De ce qu'est vraiment ce cirque médiatique. Il vont peut-être même se plaindre de moi, à cause de cette licence critique envers le pontife. Mais qu'ils se fassent une raison: une certaine papolâtrie dit qu'on ne peut même pas discuter du sac de l'évêque de Rome. Mais loin d'être du zèle, c'est de l'idiotie: les symboles deviennent des pensées, qui deviennent des paroles, les paroles des gestes, les gestes se font histoire, dans le bien et dans le mal. Je me suis acharné - inquiet, mais avec le sourire - sur le sac du pape, tout comme les progressistes sur ses chaussures à cause de leur couleur. Pour ne pas avoir à m'acharner sur tout le reste, sur les choses importantes: celles qui visent les médias et certains louangeurs médiatiques intéressés. Allez, rions encore, tant que nous pouvons: pour quand il n'y aura plus matière à rire, quand tout ce château s'effondrera sur nous.
Il convient de noter que nous assistons à un phénomène étrange , anormal, s'il ne s'était pas déjà enregistré sous Jean XXIII bien quen termes beaucoup plus catholiques et selon des paramètres bien plus orthodoxes et moins frivoles. En tout temps, le «bon» pape avait toujours été celui qui venait de mourir, jamais le vivant; à orésent le «bon» pape est celui vivant et ceux qui sont morts sont tous «mauvais», et surtout le toujours vivant, mais "heureusement" plus pape, Ratzinger, l'ennemi public numéro 1 de la Pensée Unique Dominante et de tous les lobbies, et dela caste libérale-radicale longa manus des maîtres du monde, et de la presse, les faiseurs d'"opinions" publiques.


Et Jésus lui dit: Ne prenez pas de bourse (3) avec vous. Le Pape le dit aussi
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Je pense au commentaire inquiétant d'un ami sur ma page Facebook, Filippo, un catholique bien préparé et fidèle au pape. Lequel me rappelle ce qui est arrivé au Christ moins d'une semaine avant la crucifixion: il fut accueilli à Jérusalem monté sur un âne, pas un pur-sang, comme il convenait au roi des rois, et pourtant, il fut salué et encensé avec plein de palmes et de salamalecs. Alors que déjà la mort,et la mort en croix se dressait, que la coupe de l'amertume était sur le point de déborder et de se déverser sur sa tête. Mon ami se demande alors, et il affirme presque: «Ceci est le signe que quelque chose de gros se prépare. En bien ou en mal. L'«après-François» ou bien sera notre persécution ou bien sera notre résurrection. Ou peut-être les deux. Le Pape après lui sera de nouveau roi ou sera de nouveau en croix». Pour l'instant, déjà son prédécesseur a fini en croix.
(...)
Personnellement, j'attends beaucoup de feux d'artifice, plein de fumée et peu de rôti. Tandis qu'un applaudissement général submergera tout et fera descendre le rideau sur une représentation médiatique de la réalité qui n'est pas la réalité.
Je souris quand je repense à une homélie récente du pape François (ndt: pas de référence...): «Jésus a dit à ses disciples de ne pas apporter de bourse avec eux».

Notes

(1) Antonio Margheriti Mastino.
Il se présente ici.
Il collabore au blog Papale papale que, comme beaucoup d'autres sites, j'ai découvert au hasard d'une recherche (soit dit en passant, c'est LA façon de découvrir des trésors - prudence et feeling requis, bien sûr).
Les articles de lui que j'ai lus sont percutants, bien écrits, bien documentés, d'un humour décapant, et ses centres d'intérêt, sur certains sujets, rejoignent les miens: parmi ses inspirateurs, il cite Vittorio Messori et... Joseph Ratzinger. Et son premier "site ami": La Bussola. Pas mal!!
Malheureusement, ils sont très longs, et donc pas évidents à traduire.

Il se présente en ces termes (il parle de lui à la troisième personne, pas par vanité, mais comme si c'était une autre personne qui parlait de lui), expliquant son parcours chaotique puisqu'il vient du catholicisme de gauche, et qu'il avait donc (dit-il) cessé de croire.

A appris à penser avec les livres de Vittorio Messori. A appris à croire avec ceux de Joseph Ratzinger. S'est reconverti à la tradition et au catholicisme quand en 2004, il tomba par hasard sur le livre de Rtzinger et Messori "Entretiens sur la foi". Depuis lors, rien ne fut plus pareil dans sa vie. Il est même devenu férocement anti 'catho-communiste' (en français: catho de gauche!).
A Vittorio Messori, il doit tout comme laïc catholique, et à Joseph Ratzinger, comme catholique laïc.
Aime à la folie, de manière jalouse, jusqu'à en être agressif, aux limites de l'idolârie un seul homme: Benoît XVI. Et est obsédé par l'idée, par le soupçon, par le pressentiment, qu'il n'est pas éternel, et que son Pontificat ne durera pas jusqu'à la fin des temps. Et à la vérité, il nourrit les mêmes craintes pour Messori.

Bien entendu, il y a de l'humour... mais pas seulement. Et je me reconnais très bien, au moins dans la première de ses craintes.
Il ne faut évidemment pas oublier que cet auto-portrait est bien antérieur au 11 février, jour de l'annonce de la démission, qui reste encore pour moi une épine dans le coeur.

(2) En italien, borsa désigne à la fois la bourse et le sac.

(3) Luc 10:1-4
1. Après cela, le Seigneur en désigna soixante-douze autres et les envoya devant lui, deux à deux, dans toute ville et en tout lieu où lui-même devait se rendre.
2 Il leur disait : La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson.
3 Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
4 Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin.