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Le Patriarche de Moscou en Chine

Du 10 au 15 mai, le Patriarche Cyrille était en visite officielle en Chine. Deux articles, pour essayer de comprendre les manoeuvres politiques sous-jacentes aux sourires et aux belles déclarations (15/5/2013)

     

1. Un article sur Vatican Insider

Chine: quand le gouvernement cligne de l'œil à l'Eglise orthodoxe
Grands honneurs et grand écho médiatique pour la tournée chinoise du patriarche orthodoxe de Moscou Cyrille qui n'a pas mentionné la question de la liberté religieuse

Alessandro Speciale
http://vaticaninsider.lastampa.it

Grand écho médiatique et des honneurs similaires à ceux normalement réservé à un chef d'État: la nouvelle direction à Pékin, à commencer par le Président Xi Jinping, a voulu donner une grande visibilité à la tournée chinoise du patriarche de Moscou Cyrille, le premier leader religieux étranger à visiter la Chine communiste.

Cyrille est arrivé en Chine le 10 mai dernier et y séjournera pendant une semaine, avec un itinéraire qui, en plus des rencontres officielles à Pékin, comprend une étape dans la ville septentrionale de Harbin, où il y a une grande communauté russe, pour se terminer à Shanghai.

La nouvelle de la rencontre entre Cyrille et Xi - dans le Grand Hall du Peuple à Pékin, où les dirigeants communistes reçoivent habituellement des dignitaires étrangers - a été mise en première page du quotidien officiel People's Daily, qui a souligné combien la visite du patriarche orthodoxe «contribuera à améliorer la compréhension mutuelle entre Moscou et Pékin».
Et toute la visite de Cyrille doit sans doute être lue davantage avec les yeux de la politique étrangère qu'avec ceux de la religion: le patriarche n'a pas mentionné la question de la liberté religieuse dans le pays du Dragon, sinon pour demander la reconnaissance de la petite église orthodoxe chinoise ( environ 15 000 fidèles et aucun prêtre indigène après la mort de l'archiprêtre Alexandre Du Lifu il y a dix ans) en tant que religion officielle, à côté du catholicisme, du protestantisme, de l'islam, du taoïsme et du bouddhisme.
Cyrille est arrivé à Pékin après qu'en mars dernier Xi Jinping ait choisi Moscou comme destination de son premier voyage à l'étranger après son investiture, dans le but de renforcer les relations entre la Chine et la Russie pour faire contrepoids au refroidissement progressif des relations des deux pays avec les États-Unis.
Pour le gouvernement chinois, le clin d'œil à l'orthodoxie russe est aussi un moyen de vider la critique occidentale contre la limitation de la liberté des Église catholique et protestante, montrant que Pékin est très heureux de collaborer avec ces chrétiens ne veulent pas interférer avec ses affaires. Ce n'est pas un hasard si Cyrille, lors de sa rencontre avec Xi, a souligné que les peuples russes et chinois «ont à coeur la souveraineté et l'indépendance nationale».

Pour le patriarche de Moscou, la Chine et la Russie ont un «devoir moral commun» face au «déclin moral radical» de la «civilisation occidentale» - un déclin qui «va conduire à l'effondrement de tout le système des relations humaines, l'humanité va se suicider». Si en Occident on voit se propager des signes de décadence tels que le mariage homosexuel et l'euthanasie, la Russie, grâce à l'Eglise orthodoxe, et la Chine - a dit Cyrille aux leaders religieux chinois lundi - sont au contraire un rempart de résistance et de moralité parce qu'ils sont tous deux des pays qui «ne violent pas les principes moraux de la vie, mais au contaire promeuvent la spiritualité dans leur pays». (!!!!)

Musique à l'oreille des dirigeants chinois, qui ont également vu légitimée leur approche des communautés religieuses, à travers la rencontre de Cyrille non seulement avec les dirigeants des communautés chrétiennes «officielle», mais aussi avec les dirigeants du ministère chinois des Affaires religieuses.

     

Une analyse sur ReL (traduction de Carlota)

PJ Ginés, fait une très intéressante analyse (original www.religionenlibertad.com) sur la visite du Patriarche Cyrille en Chine, alors que l’on sait combien les catholiques et les prélats fidèles à Rome ont des difficultés avec les autorités de ce pays.

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Le Pape leur fait peur, Cyrille, non.
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Le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies, Cyrille, Pasteur de quelques 150 millions d’orthodoxes (bien qu’à peine 3% vont à l’église avec régularité) est en visite en Chine, alors que se trouvent à peine 15 000 membres de cette dénomination et qu’il n’y a aucun prêtre orthodoxe qui s’en occupe.
À Pékin, le Patriarche Cyrille rencontrera les responsables du gouvernement chinois, des responsables religieux et les officiels chargés de superviser les affaires des religions, c'est-à-dire les censeurs qui s’assurent d’avoir des membres du clergé dociles et sous contrôle.
Comment est-il possible que le Patriarche Cyrille puisse se rendre en visite en Chine alors que c’est inconcevable pour le Pape François, - ou à tout autre pape, à ce jour ?
Il y a au moins cinq raisons à cela:

1- Il n’y a presque pas de fidèles orthodoxes en Chine, mais il y a quelques 12 millions de catholiques dont la moitié sont clandestins.
L’Église Orthodoxe en Chine n’existe presque pas. Avec des missionnaires là-bas depuis 1713, en 1949, ils comptaient sur plus de 100 paroisses (ndt se rappeler aussi les nombreux immigrés blancs de l’après 1917, qui transitèrent un temps par la Chine, avant de rejoindre d’autres lieux), mais est arrivée la Révolution (ndt cette fois chinoise) et les communistes ont tout rasé. En 2003 est mort le dernier prêtre orthodoxe de Chine. Il y a quelque 15 000 fidèles entre la Mongolie intérieure, la province de Heilongjang, celle de Xinjiang, et les deux plus grandes villes, Shanghai et Pékin.
Ce ne sont aucunement une menace pour le régime, Cyrille a quelques Chinois étudiant dans ses séminaires et il veut les envoyer s’occuper des quelques fidèles du pays (ndt autochtones et expatriés russes ?). Pour lui, ce serait déjà beaucoup.
Au contraire, l’Église Catholique a une signification: 12 millions de fidèles, la moitié de clandestins. En outre, il y a plusieurs évêques fidèles au Pape dans la clandestinité, et d’autres « disparus » en prison ou dans des centres de rééducation…, le dernier, le récemment nommé évêque auxiliaire de Shangaï (ville qui à ce jour manque d’évêque). Ce ne serait pas élégant une visite du Pape avec des évêques en prison, disparus, rebelles au régime (ou à Rome), etc.

2 – Cyrille est une pièce diplomatique pour la Chine avec la Russie.
Le géant chinois a intérêt à avoir un bon rapport avec le géant russe, et d’autant avec un voisin commun impétueux, comme la Corée du Nord, qui imprévisible, fait montre de bellicisme et d’armement nucléaire.
La visite du Patriarche est ainsi une faveur de la Chine au président Poutine, lequel considère que le vide moral laissé par le communisme ne peut seulement se combler qu’avec des valeurs “patriotiques” qui incluent la racine religieuse orthodoxe.
3.- La Chine présume d’un dialogue avec le christianisme… (avec le type de christianisme qui lui paraît le moins menaçant).
La Chine peut présumer, en accueillant la visite de Cyrille, de dialoguer avec les religions et avec le christianisme. Elle peut aussi dire au monde (et au Vatican) « avec les chrétiens orthodoxes qui ne causent pas de problèmes, nous avons un bon rapport, c’est de votre faute si vous les catholiques de Rome, vous êtes aussi intraitables ». Comme nous l’avons dit, la Chine ne perd rien avec Cyrille et l’orthodoxie.

4 – L’Église Orthodoxe n’a pas un État qui reconnaît Taiwan, l’Église Catholique, oui.
Pour le Saint Siège, le vrai état chinois c’est Taiwan, une île du système démocratique et capitaliste. Le Saint Siège (avec quelques pays, la majorité hispano-américains) reconnaît Taiwan, immunisé contre les menaces que le géant communiste lance contre tout pays reconnaissant le régime de cet état-île. C’est un écueil diplomatique que Cyrille n’a pas à traiter car il n’est pas à la tête d’un État, le Pape, oui.

5.- Paradoxalement, la Chine pourrait aider les chrétiens orthodoxes…en terres d’Islam.
Le Patriarche Cyrille est le chef de l’unique église orthodoxe réellement puissante, aux nombreux fidèles et en bonne relation avec le pouvoir politique, et il considère qu’il doit faire ce qui peut pour les autres chrétiens orthodoxes, beaucoup parmi eux vivent dans des pays de l’Islam, surtout au Moyen Orient.
L’Islam est autant un défi pour la Chine que pour la Russie, tous deux craignent que l’islamisme violent fomente le terrorisme ou des sentiments indépendantistes. Pour Cyrille, il serait bon que la Chine fasse pression sur tel ou tel pays musulman pour plus protéger les minorités chrétiennes. Des pays comme la Syrie et l’Iran ont été des alliés traditionnels de la Chine et leurs minorités chrétiennes bénéficieraient d’une Chine « ami » des orthodoxes.

[…]
Cyrille présentera aussi l’édition en chinois de son livre « Liberté et Responsabilité : à la recherche de l’harmonie, les droits humains et la dignité de la personne ». Pour très « doux » que soit le livre, il ne semble pas que les autorités chinoises puissent permettre qu’il circule trop. En fait le livre a été publié par le Patriarcat de Moscou.

Cyrille célébrera la Divine Liturgie à la cathédrale orthodoxe de Harbin, une zone avec une importante présence russe. À Pékin il saluera le personnel de l’ambassade russe, où à Noël et à Pâques, vient un prêtre orthodoxe depuis la Russie pour célébrer deux fois l’an la liturgie dans les ambassade et consulats.
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Notes
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Voir des photos du voyage sur le site du Patriarcat de Moscou: www.patriarchia.ru/db/photo/
Voir aussi l’article sur le site français orthodoxie.com .