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Le retour de la confession

... au moins en Italie. On a parlé d'effet François, mais le mouvement est antérieur à son élection. Un article intéressant de Paolo Rodari. (14/5/2013)

Image ci-contre: La confession, Giuseppe Molteni (1800-1867)

Voir aussi: L'effet François est aussi un effet Benoît

Il ne faut pas oublier que Rodari écrit dans La Repubblica, d'où le petit couplet obligé sur l'accueil que l'Eglise doit réserver à tous "avec amour", avec l'allusion appuyée aux divorcés remariés.

L'article s'appuie sur un article paru dans la revue des jésuites italiens Civiltà Cattolica, le 16 février 2013. La date est importante.

   

L'Italie retourne se confesser à l'église comme chez le thérapeute
Original ici: http://www.finesettimana.org/pmwiki/uploads/Stampa201305/130513rodari.pdf

Paolo Rodari
"La Repubblica", 13 mai 2013
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Point de rupture. Ou nouveau départ.
Depuis un an, les églises italiennes, sanctuaires mariaux en tête, enregistrent un phénomène qui semble ne pas connaître de pause: le retour de la confession. Des hommes, des femmes, surtout entre 40 et 50 ans, reviennent se mettre à genoux devant un prêtre qui, comme l'écrivait au treizième siècle, le clerc anglais Thomas de Chobham, «siège dans le confessionnal comme Dieu et non pas comme un homme».
Ils reviennent demander pardon - dit le père jésuite Francesco Occhetta - parce qu'ils voient dans ce sacrement uniquement le prétexte pour rompre avec le passé, recommencer à zéro, renouveler leur propre existence. Il ne s'agit donc pas de la simple expiation des péchés. Aussi, mais pas seulement. Ni de trouver une «nouvelle éthique» où vivre le quotidien. Il s'agit, avant tout, de «changer de chemin une fois pour toutes». Souvent, dit Occhetta, «les péchés sont des douleurs qui macérent au plus profond de soi. Des avortements jamais confessés, par exemple. Le sacrement permet de démarrer à nouveau, même si la douleur persiste. Mais les péchés sont différents. Et aujourd'hui, comme il y a des siècles, c'est toujours le décalogue, qui n'est pas observé».
Mgr Gianfranco Girotti, durant des années numéro deux de la Pénitencerie apostolique explique:
«Au-delà des graves péchés du passé - et parmi eux aussi les trahisons, les mensonges proférés au détriment des autres, les torts commis avec l'intention de blesser et de faire mal - les fidèles chutent essentiellement sur les sept péchés capitaux. Il en est ainsi depuis toujours: l'orgueil, l'avarice, la luxure (ici, s'adonner au plaisir et au sexe), l'envie, la gourmandise, la colère et la paresse (qui n'est pas la dépression, mais plutôt se laisser aller à l'engourdissement l'âme jusqu'à éprouver de l'ennui pour les choses spirituelles) meublent la plupart des confessions aujourd'hui».

Avant même l'élection au trône de Pierre de José Mario Bergoglio,
les églises italiennes ont vu une augmentation des personnes demandant à se confesser, autour de vingt pour cent. Des chiffres certains n'existent pas, parce qu'il n'y a pas de registres à ce sujet dans les diocèses. En Février, toutefois, La Civiltà Cattolica - la revue historique des jésuites italiens - concluait un numéro avec un article intitulé justement «Le retour de la confession». Le point de départ était l'augmentation des pénitents renntrés dans les principales basiliques romaines, ainsi que dans les sanctuaires italiens.
Une augmentation circonscrite à la dernière année, visible à l'œil nu, simplement en comptant les heures que les confesseurs ont dû passer enfermés dans le confessionnal. «La crise économique est avant tout une crise des valeurs», expliquent les jésuites de l'Eglise de Jésus, dans le centre de Rome. «Nous vivons dans une société où manque la figure paternelle. Ces derniers mois, la souffrance causée par cette lacune s'est inexorablement aggravée. Et nos confessionnaux ont recommencé à se remplir. Derrière ce phénomène, il y a une nouvelle demande de spiritualité. La demande est pressante, jusqu'à rompre les digues et implorer une réponse». Point break, disent les surfeurs. «Le point de rupture d'une âme en quête de Dieu», ainsi que le définit le père Occhetta.

Saint Grégoire de Narek, poète, moine, théologien et philosophe mystique arménien, dit que «même dans la citerne la plus sombre, brûle toujours une petite flamme. Voulue par Dieu». C'est cette petite flamme qui pousse à sortir de chez soi et à entrer dans un confessionnal.
Mais pour dire quoi? Quels sont les péchés récurrents? La réponse n'est pas simple.
Il y a quelques jours, le pape François a rappelé que le confessionnal «n'est pas une laverie». Beaucoup, bien sûr, l'utilisent ainsi. Un endroit où laver ses péchés, indiquant l'un après l'autre lequel des dix commandements a été ignoré. «Très souvent - dit Bergoglio - nous pensons que la confession, c'est comme aller à la laverie pour nettoyer la saleté sur nos vêtements. Mais Jésus dans le confessionnal n'est pas une laverie. Se confesser est une rencontre avec Jésus, mais avec ce Jésus qui nous attend, mais nous attend comme nous sommes».
Se confesser ne se réduit pas pour tous à enlever la salété des vêtements dans une laverie automatique. Il y a aussi une tendance inverse: la confession comme s'il s'agissait d'une séance d'analyse par le psychologue.
Mgr Mario Canciani, qui fut entre autre le confesseur de Giulio Andreotti (ndt: récemment décédé, figure controversée et sans doute très calomniée de la politique italienne) a écrit de nombreuses pages sur le thème , expliquant que les pénitents parlent surtout de «stress, impatience et dépression». Il dit: «Ils s'en excusent presque. Sans se rendre compte que ce ne sont pas des péchés».
Girotti explique encore que «de plus en plus le confessionnal est utilisé comme un lieu pour parler de soi, de ses problèmes, en fait, un peu comme si l'on était à une séance d'analyse. Mais au-delà de ces cas et des cas de ceux qui confessent des péchés que nous pourrions appeler improprement "classiques", je note que l'on offense Dieu par d'autres moyens, par exemple par des actions de pollution sociale, ruinant l'environnement, réalisant des expériences scientifiques moralement discutables. Sans parler de la sphère de l'éthique publique, où entrent également en jeu de nouveaux péchés comme la fraude fiscale, l'évasion fiscale, la corruption».
Mais quel est le péché le plus confessé? Girotti n'a aucun doute: «Toujours lui, le péché contre le sixième commandement: Tu ne commettras point d'actes impurs. La sphère sexuelle semble être la plus difficile à apprivoiser, ou peut-être ronge-t-elle la conscience plus que d'autres offenses».
Canciani le dit aussi: «Au-delà de tout, le péché le plus commis est celui ralatif au sixième commandement. C'est un péché qui se réfère à la vie privée des gens. Dans ce domaine, malheureusement, il y a un écart entre ce que l'Eglise enseigne et le désordre dans lequel de nombreuses personnes vivent. Je ne me réfère pas seulement à la sphère sexuelle, mais aussi aux divorcés et à des situations familiales ou complexes. L'Eglise doit pourtant accueillir tous avec amour».

Récemment, le Centre d'études pour les nouvelles religions (ndt: le CESNUR de Massimo Introvigne, voir L'effet François est aussi un effet Benoît) a publié une étude sur le sacrement de pénitence après l'élection du pape François. L'insistance du pape sur le mot «miséricorde» a poussé beaucoup de gens à aller se confesser, dans le sillage de la tendance précédant l'élection. Parmi ceux-ci, dit l'enquête, de nombreux couples, «irréguliers» pour l'Eglise, qui poussés par le «feu» de Bergoglio se sont décidé pour un nouveau chemin.

Les pénitents augmentent, certes, mais les confesseurs diminuent. La crise des vocations sacerdotales risque de plus en plus de faire en sorte que l'Eglise ne sache plus comment répondre à la demande. Ainsi, dans certains diocèses, certains esquissent des solutions nouvelles. L'une d'elles, très discutée, mais prévue par le canon 961 du Code de Droit canonique, est l'absolution aux pénitents, sans confession individuelle préalable. Le code dit qu'elle [l'absolution] ne peut pas être donnée s'il n'y a pas danger imminent de mort et si le ou les prêtres n'ont pas assez de temps pour entendre les confessions des pénitents. En même temps, elle peut être accordées si «il y a une grave nécessité, c'est-à-dire, compte tenu du nombre de pénitents, il n'y pas assez de confesseurs disponibles pour entendre, comme convenu, les confessions individuelles dans un délai approprié».
La pratique communautaire (de la confession) est née en Belgique en 1947-48, dans une paroisse ouvrière. Durant la messe, les fidèles, à l'invitation du prêtre, réfléchissaient sur leurs péchés, s'ils s'étaient repentis et s'ils avaient été collectivement absous. Après quoi le Concile Vatican II recalibra l'impulsion (???), insistant sur le fait que la confession auriculaire est la seule voie de rémission des péchés graves.
Mais en attendant, le retour à la confession individuelle de la part de nombreux fidèles laisse en arrière-plan d'autres différends. Parce que, comme l'écrit toujours Civiltà Cattolica, ceux qui reviennent à la confession le font après avoir parlé «avec leur conscience».

La revue dit: «Nous assistons à un retour silencieux mais significatif à la confession de la part de la génération des quadragénaires et des quinqugénaires, qui redonnent valeur au sacrement, parfois après des années d'éloignement. Ceux qui reviennent à confession affirment l'avoir fait après avoir relu l'Evangile, dialogué avec la voix de leur conscience, rencontré des témoins croyants et crédibles»