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L'éclat de Benoît illumine la nouvelle encyclique

Le Père De Souza, éditorialiste et ex-correspondant à Rome du National Catholic Register, propose sa lecture de Lumen Fidei (11/7/2013)

     

Une lumière (pour les) fidèle(s): l'éclat de Benoît illumine la nouvelle encyclique
Avec sa première encyclique, le pape François facilite l'achèvement de la trilogie de son prédécesseur sur les vertus théologales.
http://www.ncregister.com (ma traduction)
Père Raymond J. DE SOUZA
07/10/2013

A la veille de son élection à la papauté en 2005, le cardinal Joseph Ratzinger avait parlé de la «dictature du relativisme». Il a passé les huit années suivantes à revenir sur le thème, expliquant que, si rien n'est reconnu comme objectivement vrai, alors des points de vue divergents ne peuvent pas être évalués par rapport aux standards de la vérité pour juger ce qui est valide. A la place, le seul moyen de résoudre les différends devient une affirmation de pouvoir - qu'il soit tyrannique ou habillé des processus démocratiques - et, partant, la porte à la dictature est ouverte.

Qu'est-ce qui peut alors nous libérer de cette dictature? La vérité peut nous libérer, et connaître la plénitude de la vérité sur l'homme et sa place dans le monde requiert la foi ou la connaissance de ces vérités qui doivent nous être révélée.

A la fin de son pontificat, Benoît XVI travaillait à une encyclique sur la foi, pour compléter la «trilogie» sur les vertus théologales, ayant écrit les deux précédentes sur l'amour (Deus Caritas Est, 2005) et l'espérance (Spe Salvi, 2007). Après sa renonciation à la papauté, il laissa le texte à son successeur, et le pape François, après avoir apporté quelques amendements mineurs, l'a publié comme sa première encyclique, sous le titre Lumen Fidei (La Lumière de la Foi).

Lumen Fidei est clairement l'oeuvre de Benoît, écrit dans le style sublime perfectionné par Joseph Ratzinger au cours d'une vie de travail théologique limpide et de prédication biblique. C'est la plus belle encyclique «de Benoît», même si elle porte le nom de François. On a beaucoup parlé de l'humilité du pape François dans des choses inutiles, comme les chaussures qu'il porte ou pourquoi il fait des choses que son staff pourrait gérer pour lui. Une marque plus impressionnante d'humilité est qu'il publie comme première encyclique le travail d'un autre homme, un homme dont l'écriture et la perspicacité sont uniques dans sa génération.


Le sombre paysage de relativisme
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Lumen Fidei esquisse d'abord le sombre paysage laissé par la dictature du relativisme, qui considère la foi avec suspicion, car elle voit comme une menace toute prétention à connaître la vérité avec certitude.

«Il devient évident que la lumière de la raison autonome n'est pas suffisante pour éclairer le futur; en fin de compte, l'avenir reste sombre et angoissant, avec la peur de l'inconnu», écrit le Saint-Père. «En conséquence, l'humanité a renoncé à la recherche d'une grande lumière, la Vérité elle-même, se contentant de petites lumières qui éclairent le moment fugace mais se révèlent incapables de montrer la voie. Pourtant, en l'absence de lumière, tout devient confus, il est impossible de discerner le bien du mal, ou la route vers notre destination d'autres routes qui nous mènent dans des cercles sans fin, n'allant nulle part ».

Si, en l'absence de vérité, il ne peut y avoir conflit qu'entre ceux qui errent dans des directions confuses et contradictoires, quest-ce qui peut nous libérer des limites de notre propre raison et de la destruction de notre volonté?

«Il y a alors un besoin urgent de voir à nouveau que la foi est une lumière, car une fois que la flamme de la foi meurt, toutes les autres lumières commencent à faiblir», poursuit Lumen Fidei. «La lumière de la foi est unique, car elle est capable d'éclairer tous les aspects de l'existence humaine. Une lumière de cette force ne peut pas venir de nous-mêmes, mais d'une source plus primordiale: en un mot, elle doit venir de Dieu. La foi naît de la rencontre avec le Dieu vivant, qui nous appelle et nous révèle son amour, un amour qui nous précède et sur lequel nous pouvons nous appuyer pour notre sécurité et pour la construction de nos vies. Transformés par cet amour, nous gagnons une vision neuve, de nouveaux yeux pour voir; nous nous rendons compte qu'il contient une grande promesse d'accomplisement et qu'une vision de l'avenir s'ouvre devant nous. La foi, reçue de Dieu comme un don surnaturel, devient une lumière pour notre chemin, pour guider notre voyage dans le temps».

Ici, le Saint-Père tisse ensemble les trois vertus théologales comme éléments d'une seule vision. La foi naît de la rencontre avec Dieu, qui à son tour nous donne confiance pour notre voyage à travers l'histoire. La foi n'est pas un simple raccourci vers la connaissance, un chemin plus rapide pour assembler des faits bruts. Elle englobe toute la personne, car elle découle de la rencontre avec le Dieu qui est amour et, par conséquent, offre un avenir plein d'espérance.

Des raisons de croire
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Reprenant un thème énoncé par le bienheureux Jean-Paul dans son encyclique de 1991, Centesimus Annus, qu'«au centre de toute culture se trouve l'attitude que l'homme prend devant le mystère le plus grand, le mystère de Dieu» (§24) Lumen Fidei observe que chaque personne et chaque culture doit vivre par la foi en quelque chose. La foi est une connaissance que nous acceptons parce que nous faisons confiance à celui qui nous la transmet, sans la capacité de la vérifier entièrement par nous-mêmes. Nous ne pouvons pas choisir de vivre sans la foi, mais nous pouvons choisir à quoi ou en qui nous mettons notre foi.

«Dans de nombreux domaines de notre vie, nous faisons confiance à d'autres qui en savent plus que nous», note Lumen Fidei. «Nous faisons confiance à l'architecte qui a construit notre maison, au pharmacien qui nous donne les médicaments pour nous soigner, à l'avocat qui nous défend devant les tribunaux. Nous avons aussi besoin de quelqu'un digne de confiance et de compétent, là où Dieu est concerné. Jésus, le Fils de Dieu, est celui qui nous fait connaître Dieu».

La différence spécifique de la foi chrétienne, c'est que nous ne croyons pas à cause de réputations, ou de compétences ou d'autorité, mais à cause de la révélation de l'amour de Dieu. Dieu est amour, et parce qu'il nous aime - ce qu'il a pleinement révélé sur la croix - alors nous pouvons lui faire confiance pour nous enseigner la vérité. Tout le monde a besoin de la foi en quelque chose, mais seule la foi chrétienne procède d'un amour parfaitement fiable.

La foi qui propose la vérité sans amour n'est pas fiable, ce qui explique pourquoi le monde se méfie d'elle, et à juste titre, étant donné l'expérience des derniers siècles.

«La vérité aujourd'hui est souvent réduite à l'authenticité subjective de l'individu, valable seulement pour la durée de vie de l'individu», note Lumen Fidei, expliquant en quoi le relativisme pourrait être attrayant. «Une vérité commune nous fait peur, parce que nous l’identifions avec l’imposition intransigeante des totalitarismes» (§34)


«Une vérité de l'amour»
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La foi chrétienne n'est pas cette vérité menaçante, même si, comme l'explique Lumen Fidei dans le passage qui est peut-être le plus directement adressé à un monde qui a peur de croire et peur des croyants:

«Mais si la vérité est la vérité de l’amour, si c’est la vérité qui s’entrouvre dans la rencontre personnelle avec l’Autre et avec les autres, elle reste alors libérée de la fermeture dans l’individu et peut faire partie du bien commun. Étant la vérité d’un amour, ce n’est pas une vérité qui s’impose avec violence, ce n’est pas une vérité qui écrase l’individu. Naissant de l’amour, elle peut arriver au coeur, au centre de chaque personne. Il résulte alors clairement que la foi n’est pas intransigeante, mais elle grandit dans une cohabitation qui respecte l’autre. Le croyant n’est pas arrogant ; au contraire, la vérité le rend humble, sachant que ce n’est pas lui qui la possède, mais c’est elle qui l’embrasse et le possède. Loin de le raidir, la sécurité de la foi le met en route, et rend possible le témoignage et le dialogue avec tous.».

Lumen Fidei apporte une contribution séduisante et convaincante à ce dialogue. Si un monde qui se méfie de la foi est intéressé, cela reste à voir. Suspicion et peur sont les alliées des dictatures, y compris la dictature du relativisme, dont Benoît, et maintenant, François, veulent nous libérer.