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Que reste-t-il des JMJ?

Une analyse du sociologue Massimo Introvigne (31/7/2013)

Dans tout cela, il ne faut quand même pas oublier que ces JMJ ont été convoquées par Benoît XVI: on avait assez dit, à l'époque, que les JMJ de Cologne n'étaient pas les siennes, mais celle de JP II !

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«Soyez révolutionnaires, faites des choix définitifs»
Massimo Introvigne
30-07-2013
http://www.lanuovabq.it/it/articoli-siate-rivoluzionari-fate-scelte-definitive-6980.htm
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Le Pape François est rentré en Italie après avoir salué les volontaires des JMJ et les avoir encore une fois invités à dépasser la «culture du provisoire». Partageant avec les jeunes l'histoire de sa vocation sacerdotale, le Pape a affirmé que «Dieu appelle à des choix définitifs». Si certains - aujourd'hui encore, même si percevoir l'appel de Dieu s'est fait plus difficile - sont appelés au sacerdoce et à la vie religieuse, d'autres sont appelés à «se sanctifier en constituant une famille grâce au sacrement du mariage. Il y en a qui disent qu'aujourd'hui le mariage est "démodé". Il est démodé? [Non...]. Dans a culture du provisoire, du relatif, beaucoup prêchent que l'important est de "jouir" du moment, que ça ne vaut pas la peine de s'engager pour toute la vie, de faire des choix définitifs, "pour toujours", parce qu'on ne sait pas ce que demain réserve. Moi, au contraire, je vous demande d'être révolutionnaires, je vous demande d'aller à contre-courant (ndt: cf. Continuité: aller à contre-courant ); oui, en cela, je vous demande de vous rebeller contre cette culture du provisoire qui au fond, croit que vous n'êtes pas en mesure de vous assumer des responsabilités, que vous n'êtes pas capables d'aimer vraiment».
Et dans une interview à la radio diocésaine de Rio, il a ajouté que «la famille est importante, elle est nécessaire pour la survie de l'humanité. La famille, que cela plaise ou non, est la base».

Que reste-t-il des JMJ?
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La première donnée sur laquelle il faut réfléchir est celle quantitative.
Dans la sociologie des religions, les nombres sont toujours importants: c'est un domaine où - comme le dit Rodney Stark (sociologue des religions américain) - «celui qui ne compte pas ne compte pas», celui qui néglige la donnée numérique finit par faire des affirmations insignifiantes. Personne aujourd'hui en Occident - le monde islamique, l'Inde, et aussi les Philippines catholiques ont parfois des nombres encore plus grands - n'est capable de rassembler 3 millions de personnes. Et l'Eglise, aux JMJ, les a rassemblées, pour la prière et la messe, pas pour un concert rock. Que cela plaise ou non, dans un moment de crise qui n'est pas seulement économique, à la fin, l'Eglise apparaît comme la seule présence crédible.

A chaque JMJ, on assiste à l'habituelle litanie de commentaires journalistiques, selon lesquels tout cela ne change rien, on va voir le Pape comme une quelconque superstar de la musique ou du sport, de retour à la maison, ces jeunes continueront à vivre en païens, à ne pas aller à l'église et à se moquer de la morale catholique. Ce sont des commentaires vieux. Ils négligent des dizaines d'études sociologiques sur la façon dont «la génération JP II» - celle des grandes JMJ - a effectivement inversé les statistiques et les nombres, freinant l'hémorragie de la présence des jeunes dans les églises, et offrant à l'Eglise un grand nombre de jeunes non seulement présents, mais engagés.

Il est certainement possible que parmi les trois millions de personnes, il y ait de simples curieux. Mais il y a eu aussi des milliers de confessions. Certes, les JMJ n'ont aucun effet magique ou miraculeux. Pour que changent l'Eglise et la société - par exemple pour que de ce consensus autour de l'Eglise naissent aussi des conséquences politiques qui amènent à s'opposer aux lois immorales comme celles sur l'avortement, les unions homosexuelles, l'homophobie - il faut d'infinies médiations, et il faut aussi une classe politique bien formée - qui, comme eut l'occasion de le dire Benoît XVI, «ne s'improvise pas» .
Toutefois, un intellectuel très critique envers le christianisme comme Alain de Benoist, à propos de l'océanique «Manif pour tous» en France, a affirmé que ces foules - que personne n'a convoquées, et dont les nombres restent un mystère pour beaucoup de commentateurs - étaient en grande partie les «générations JMJ», sauf qu'il les a critiquées parce que, en tant que chrétiennes et non violentes, elles se sont laissées malmener par les policiers plutôt que d'attaquer les casernes de la police, comme il l'aurait préféré.

Le Pape est conscient des risques, mais aussi des possibilités. Il a répété que les JMJ ne sont pas finies, elles commencent maintenant. Il a proposé aux jeunes une «révolution copernicienne»: renverser la table de la postmodernité, où la culture dominante nous séduit en nous murmurant qu'il est juste de mettre au centre le «moi», tout changer et mettre au contraire au centre Dieu. Et «sortir», sortir, sortir - un verbe répété cent fois par le Pape François - cesser de rester dans les paroisse, dans les mouvements, dans les réunions sans fin de Conférences épiscopales qui souffrent d'«éléphantiasis» pour aller évangéliser la majorité qui ne va plus à l'église. Parce que même trois millions, c'est peu, par rapport aux dizaines de millions qui sont loin de l'Eglise.

Dans le discours le plus important qu'il ait prononcé au cours de son pontificat, aux évêques latino-américains du CELAM, François a affirmé que le moment de l'évangélisation ne peut être que le présent. Il a critiqué l'utopisme de ceux qui vivent dans d'improbables futurs, demandent les prêtres mariés, les femmes prêtres, et la communions aux divorcés, et ne se rendent pas compte que ce ne sont pas là les thèmes qui intéressent l'immense peuple des désespérés, laissés seul par la mondialisation qui a pourtant - a dit François - des «aspects positifs». Et il a critiqué aussi l'utopie du passé, qui pense qu'il est possible de retourner en arrière, à une époque qui n'est plus. Avec une référence historique sans doute susceptible d'approfondissements, le Pape François a qualifié l'utopie progressiste du futur de «gnostique», et celle ultra-conservatrice, de «pélagienne». Il est n'est pas immédiatement évident comment la référence à l'hérésie de Pélage (360-420), le moine irlandais qui considérait qu'il est possible de se sauver par le seul effort intellectuel et les bonnes œuvres, sans besoin de la grâce, est pertinent pour les ultra-conservateurs d'aujourd'hui. Mais il est possible que François le déduise de Joseph Ratzinger, lequel avait parlé lui aussi de pélagianisme en référence à ceux qui dans l'Eglise «cherchent non pas l'espérance mais la sécurité. Avec un dur rigorisme d'exercices religieux, avec des prières et des actes, ils veulent se procurer un droit à la béatitude» (1)

Au-delà des références historiques, nous devons être attentifs à saisir l'essentiel du message de François, sans suivre imprudemment ceux qui cherchent dans les paroles du Pape un soutien à leur faction ou à leur courant, ou au contraire se sentent visés, et se vexent. Quand nous plaçons notre confiance dans notre science et nos connaissances plutôt que dans la doctrine de l'Église, nous sommes tous gnostiques, et quand nous pensons nous sauver par nos œuvres et nos certitudes - fussent-elles "traditionnelles" - au lieu de nous répéter tous les jours que seule la grâce de Dieu sauve, nous sommes tous pélagiens. Et dans les deux cas, nous allons continuer à nous parler à nous-mêmes, à considérer comme fondamentales des choses qui n'intéressent que nous et quelques autres, alors qu'il y a là, dehors, tout un monde désespéré à évangéliser. Restant dans nos conventicules auto-référentiels, quel que soit leur signe idéologique - nous ne réussirons à «sortir», ce qui est ce que le Pape nous demande. Et le zèle amer ne nous rend pas heureux. «Osez être heureux», a dit François aux jeunes. C'est la leçon la plus profonde des JMJ.

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(1) Ndt :
Dans un cours d’exercices spirituels tenus en 1986, et publiés en France sous le titre « Regarder le Christ…», Joseph Ratzinger faisait allusion au « pélagianisme des pieux ».
Cité par Andrea Tornielli… en défense de François: le 11 juin dernier, au cours de la conversation impromptue avec les dirigeants de la CLAR, ce dernier avait évoqué le "pélagianisme" en parlant de groupes "restaurationistes, s'attirant ainsi semble-t-il, les foudres de certains tradis. Tornielli se hâtait de prouver que, sur ce point aussi, il y avait continuité entre François et Benoît XVI (cf.La bombe du Pape François )