La bombe du Pape François

dans un bref passage il confirmerait l'existence d'un lobby gay au sein de l'Eglise. Carlota a traduit, non sans mal (car c'est de l'oral, formellement assez décousu) l'échange avec les délégués du CLAR publié sur un site chilien progessiste (11/6/2013, mise au jour)
----

Interrogé, le Père Lombardi a dit qu'il s'agissait d'une conversation privée, et qu'il n'avait donc pas de commentaires à faire.
Mais c'est tout le problème: est-ce qu'un Pape peut parler en privé, dire des choses très graves, ensuite reprises dans un site, avec inévitable effet boule de neige?

J’ai traduit ce texte que m’a indiqué par Béatrice et qui provient du site chilien « Reflexión y Liberación » (original: http://www.reflexionyliberacion.cl) qui se dit le portail de la Pensée Libératrice Latino-américaine (tout un programme !).
Ce mouvement a été fondé par Rafael Agustín Gumucio Vives (Santiago du Chili 1909 - 1996), un avocat et homme politique chilien, nous dirons démocrate chrétien, qui quitta son pays en 1973 (arrivée du général Pinochet au pouvoir). Le portail internet met en lien un site espagnol www.periodistadigital.com/religion/ dirigé par (une vieille connaissance) José Manuel Vidal, pour lequel je prends parfois un certain recul avant de digérer les informations.

Le document raconte un entretien qu’a eu le Pape François avec des membres de la CLAR (conférence Latino-Américaine et Caribéenne des Religieuses et Religieux). Il a eu lieu sans aucun doute en espagnol, et le Pape François ou tout au moins les mots qui y sont repris, sont comme d’habitude avec notre nouveau Souverain Pontife, un langage très parlé, et ses phrases elliptiques - donc très difficile à traduire.
Je ne crois pas qu’il s’agisse pour les « catholiques adultes » d’un « adoubement » par « leur » Pape François enfin venu ; et pour les catholiques « non adultes » une déclaration de guerre, même si certains y voudront voir cela. L’on y trouve cependant des éléments d’importance, notamment sur le « lobby gay » mais aussi la vocation religieuse.
Je ne sais pas s’il y aura un communiqué de presse pour cette rencontre.
Mais le texte qui suit est à méditer, pour que chacun de nous, selon nos personnalités et sensibilités, avancions au mieux, dans un monde où son prince diviseur, ne n’oublions jamais, fait tout pour nous empêcher de cheminer vers notre Unique Sauveur.

Le Pape François dialogue comme un frère de plus avec la CLAR
N’ayez pas peur de courir des risques en allant vers les pauvres et les nouveaux sujets émergents sur le Continent

Dans un geste sans précédents, le Pape François a dialogué durant une heure avec la responsable de la Confédération Latino-Américaine et Caribéenne des Religieuses et Religieux (CLAR). Ils ont conversé, installés en rond, entre égaux, comme c’était à l’époque des premières Communions fondées par Jésus…

Dans une ambiance de confiance et de simplicité, François a encouragé les responsables de la CLAR à ne pas avoir peur de continuer à porter leur mission aux limites et aux frontières… « Courage ! Avancez pour de nouveaux horizons ! N’ayez pas peur de courir des risques en allant vers les pauvres et les nouveaux sujets émergeants sur le Continent”, a signalé le Pape Bergoglio, qui à la fin de la rencontre a rendu grâce avec emphase pour la vie religieuse - un « signal et un témoignage de l’Évangile » dans beaucoup d’endroits d’Amérique Latine et des Caraïbes.

Nous offrons à nos lecteurs, en exclusivité, cette brève synthèse de cette rencontre historique qui a eu lieu au Saint Siège.

* * *

Audience avec le Pape François
CLAR, 06.06.13

Ouvrez les portes… ouvrez les portes!

Vous allez vous tromper, vous aller faire des gaffes, ce sont des choses qui arrivent ! Peut-être que même va vous arriver une lettre de la Congrégation pour la Doctrine (de la foi) disant que vous avez dit telle ou telle chose...Mais ne vous inquiètez pas. Expliquez ce que vous devez expliquer, mais continuez à aller de l’avant… Ouvrez des portes, faites quelque chose là où la vie est clameur. Je préfère une Église qui se trompe parce qu’elle fait quelque chose qu’une Eglise qui tombe malade parce qu’elle reste enfermée…

(sur son élection) Je n’ai perdu la paix à aucun moment. Savez-vous ? Et ce n’est pas de moi ; moi, je suis plus [du genre] à me préoccuper, à me rendre nerveux. Mais je n’ai perdu la paix à aucun moment. Cela me confirme que c’est de Dieu.

(à propos de l’espérance que nous ont apporté les gestes de l'époque; il est fait référence au fait qu’il soit resté vivre à Sainte Marthe)… ces gestes…ils ne sont pas venus de moi. Cela ne m’est pas arrivé à moi. Je n’avais pas tracé un plan, ni que je m’en sois fait un dès qu’ils m’ont élu. Je l'ai fait parce j’ai senti que c’était ce que le Seigneur voulait. Mais ces gestes ne sont pas les miens. Il y a un Autre ici… cela me donne confiance.
Je venais juste avec mes affaires de la journée, ce qu’il fallait pour la nuit et d’un coup, cela… Je n’avais aucune possibilité! Dans les paris à Londres, j’étais à 44 contre un, vous vous rendez compte ! Celui qui a parié sur moi a gagné beaucoup, beaucoup, évidemment… ! Cela ne vient pas de moi…

Il faut que la situation change. Ce n’est pas une nouvelle qu’à Ottaviano (ndt: station de métro de Rome, près du Vatican) un vieux meure de froid dans la nuit, ou qu’il y ait tant d’enfants sans éducation ou qui ont faim, je pense en Argentine… Par contre, les principales bourses [financières] du monde montent ou descendent de trois point et c’est un événement mondial. Il faut inverser cela ! Cela ne peut pas être. Les ordinateurs ne sont pas faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, ce sont des instruments, certes, mais rien de plus. L’argent n’est pas à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il n’y a que la personne qui est à l’image et à la ressemblance de Dieu. … C’est l’évangile.

Il faut aller aux causes, aux racines. L’avortement est mal, c’est clair. Mais qu’y a-t-il derrière l’approbation de cette loi, quels intérêts sont derrière…ce sont parfois les conditions que mettent les grands groupes pour appuyer avec de l’argent… (*) Savez-vous? Il faut aller aux causes, nous ne pouvons pas en rester aux symptômes. N’ayez pas peur de dénoncer (ndt dans le sens de proclamer la vérité, bien sûr !)…. Vous allez le voir passer, vous allez avoir des problèmes, mais n’ayez pas peur de dénoncer, c’est la prophétie de la vie religieuse.

Je vais partager deux préoccupations avec vous.
L’une est le courant pélagien qu’il y a dans l’Église en ce moment. Il y a certains groupes restaurationnistes J’en connais quelques-uns, il m’est arrivé de les recevoir à Buenos Ayres. Et l’on sent que c’est comme revenir 60 ans en arrière ! Avant le Concile… On se sent comme en 1940… Une anecdote, seulement pour illustrer, ce n’est pas pour rire, je l’ai prise avec respect, mais cela me préoccupe ; quand ils m’ont choisi, j’ai reçu une carte de l’un de ces groupes, et ils me disaient ; « Votre Sainteté, nous vous offrons ce trésor spirituel, 3525 rosaires » Pourquoi ne disent-ils pas nous prions pour vous, nous demandons… mais ce fait de tenir le compte… Et ces groupes reviennent à des pratiques et à des disciplines que j’ai vécues, vous non, car aucun n’est vieux, à des disciplines, à des choses qui a ce moment-là se vivaient, mais maintenant non, maintenant ils ne sont plus…(*).

La seconde est le courant gnostique. Ces panthéismes… Les deux sont des courants d’une élite, mais c’est d’une élite la plus formée… J’ai appris d’une supérieure générale qu’elle encourageait les sœurs de sa congrégation à ne pas prier le matin mais à se donner un bain spirituel dans le cosmos, des choses comme cela… Elles me préoccupent car elles sautent l’incarnation ! Et le Fils de Dieu s’est fait notre chair, et le Verbe s’est fait chair, et en Amérique latine nous avons de la chair à revendre ! Qu’est ce qui se passe avec les pauvres, les douleurs, c’est cela notre chair…

L’évangile ce n’est pas la règle antique, ni non plus ce panthéisme. Si tu regardes à la périphérie ; les indigents… les drogués ! La traite des personnes…C’est l’évangile. Les pauvres sont l’évangile. (**)


(faisant écho de la difficulté de la prise en charge de la Curie romaine et de la commission des cardinaux qui l’appuiera, etc.)
Eh oui, c’est difficile. À la Curie il y a de saintes personnes. Mais il y a aussi un courant de corruption, oui, il y en a un aussi, c’est vrai. On parle d’un « lobby gay », et c’est vrai, il est là…Il faut voir ce que nous pouvons faire…

La réforme de la Curie romaine est quelque chose que nous les cardinaux demandons presque tous lors des congrégations qui précédent le Conclave. Je l’ai demandé aussi. La réforme je ne peux pas la faire, moi… ces affaires de gestion… Moi je suis très désorganisé, je n’ai jamais été bon en cela. Mais les cardinaux de la commission vont faire avancer cela. Il a Rodríguez Maradiaga, c’est un Latino-américain, qui porte la baguette (ndt du chef d’orchestre), il y a Errázuriz, ils sont ordonnés. Celui de Munich aussi est très ordonné. Ils vont porter en avant l’affaire.

Priez pour moi … que je me trompe le moins possible
Aparecida n’est pas terminée. Aparecida n’est pas un document. Cela a été un événement (ndt en référence à la reunión des Évêques d’Amérique latine et des Craïbes, dans cette ville du Brésil)
Aparecida a été quelque chose de différent. Au départ parce qu’il n’y a pas eu de document de travail. Il y a eu des apports mais pas un document. Et en se terminant, il n’y avait pas non plus de document. Oui, le jour précédant nous avions 2300 « modes » (ndt je pense d’actions)…Aparecida a envoyé à la mission du continent. C’est là que s’est terminé Aparecida, dans une impulsion à la mission.
Ce qu’il y a eu de spécial à Aparecida c’est que cela n’a pas eu lieu dans un hôtel, une maison de retraites… mais dans un Sanctuaire Marial. Pendant une semaine nous avons célébré l’eucharistie et il y avait quelque 250 personnes, parce que c’était un jour normal de travail. Mais les fins de semaine c’était plein… ! Le peuple de Dieu, accompagnait les Évêques en demandant l’Esprit Saint…

Je voyais, - je le nomme lui, parce que je le vois plus guindé, plus comme cela, bon, c’est ainsi, je voyais le préfet, João (ndt il fait référence au cardinal João Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique depuis 2011.), qui sortait avec sa mitre, et les gens s’approchaient de lui, et les enfants s’approchaient de lui, et il saluait et il les serrait dans les bras comme cela… Ce même évêque ensuite votait. Il n’a pas pu voter de la même façon que s’il avait été dans un hôtel!

Nous avions les salles de réunions sous le Sanctuaire. Ainsi la musique de fond c’était les chants, les célébrations dans le Sanctuaire…Cela a donné quelque chose de très spécial.

Il y a quelque chose qui me préoccupe, bien que je ne sache comme le lire. Il y a des congrégations, des groupes très, très petits, quelques personnes, des gens très âgés… Ils n’ont pas de vocations, je ne sais pas, l’Esprit Saint ne veut pas qu’ils continuent, peut-être qu’ils ont déjà accompli leur mission dans l’Église, je ne sais pas… Mais ils sont là accrochés à leurs édifices, accrochés à l’argent… Je ne sais pas pourquoi cela se passe, je ne sais comment le lire. Mais je vous demande de vous préoccuper de ces groupes… le maniement de l’argent… c’est quelque chose sur lequel il est nécessaire de réfléchir.

Profitez du moment que nous vivons à la Congrégation pour la Vie Consacrée…C’est un moment de soleil… Profitez-en. Le Préfet (João) est un bon. Et le Secrétaire, qui est celui de votre « lobby » ! Non, pas vraiment, en étant le président de la USG (ndt pour Unione Superiori Generali) . La logique était que ce soit lui ! Quoi de mieux…

Mettez toute votre persévérance dans le dialogue avec les Évêques. Avec le CELAM (ndt conseil épiscopal latino-américain) avec les conférences nationales… (***). Je sais qu’il y en a qui ont une autre idée de la comunion, mais…Parlez, conversez avec eux, dîtes-leur…

(*) J’insiste encore en disant qu’il s’agit d’une anecdote et d’une réflexion du pape, cela n’est pas plus, mais pas moins. Même si je suppose que certains vont monter sur leurs grands chevaux. Le pape n’aime pas ces comptes-là, comme peut-être le nouveau commandant d’un navire, ne va pas forcément aimer autant qu’un autre, que ses subordonnées, le saluent avec fort claquement de talon, et préférera leur dire de venir lui parler à la pause, autour d’un café (certains n’aimeront pas parce que le commandant c’est le commandant !). Ce n’est globalement pas une affaire. Ceux qui aiment compter les rosaires, ont peut-être besoin aujourd’hui de ces comptes, même si le pape les pense d’un autre âge. L’attrait de ce que l’on n’a pas connu peut-être aussi pour les plus jeunes une aide pour revenir à la foi. Les comptes et les disciplines d’un autre âge pour ceux qui n’ont connu ni ordres ni disciplines c’est une révolution ! Le pape évident, peut avoir une vision différente du fait justement de son âge.
Je crois qu’il ne faut pas s’emballer sur la « retranscription » effectuée par le CLAR qui est bien sûr plus dans le sens « progressiste » que traditionnaliste. Ce qu’il faut, c’est que quelles que soient nos sensibilités, nous n’oublions pas que nous ne marchandons pas avec le Seigneur, mais que nous L’adorons.

(**) N’oublions pas non plus que le Pape a dit que l’Église n’était pas une ONG, et si évidemment il parle des pauvres à ne pas oublier, - il s’adresse là à des représentants de l’Amérique latine et des Caraïbes, nous savons que la pauvreté morale qui touche en ce moment nos gouvernants a de bien graves conséquences aussi. Et les drogués ne sont pas que ceux qui prennent des joints ou des piqures, mais aussi les « drogués » idéologiques.

(***) Je comprends que le Pape François voudrait plus de relations entre les conférences épiscopales et les congrégations religieuses.

Je constate que la bombe ne suscite pour le moment pas de réaction particulière des médias, sinon la satisfaction, très prévisible, de voir dénoncée la corruption de l'Eglise.
Je viens à l'instant d'entendre Frédéric Mounnier expliquer benoîtement que "il y a des personnes homosexuelles (sic!) dans l'Eglise"... Sous-entendu: et alors?
François est au fond inattaquable: le critiquer, ce serait critiquer ouvertement les pauvres!! Les medias n'en ont rien à faire, des pauvres, mais ils tiennent à faire étalage de leur générosité et leur sollicitude.

J'ajoute deux choses:
- On nous avait annoncé la nécessité d'élire comme successeur de Benoît un pape relativement jeune, et ayant suffisamment d'énergie pour réformer la Curie: il a 76 ans, et pour le second point, il le dit lui-même, il n'est pas l'homme de la situation. Les questions d'organisation ne l'intéressent pas davantage que Benoît XVI (auquel, pourtant, on reprochait cette carence).
- il laisse entendre que ce n'est pas si grave de désobéir à la CDF. Ce qui renvoie forcément au problème doctrinal posé par la LCWR, et justifie d'une certaine façon sa "rebellion" contre le magistère, ditTeresa

---

Carlota m'écrit toutefois une interprétation (apaisante) possible:

Je comprends d'une façon plus nuancée. Allez de l'avant, peut-être que vous ferez des erreurs. La CDF vous le fera savoir. Vous vous expliquerez. (Sous-entendu, s'il y a une erreur, vous prendrez un nouveau cap).
Mais je comprends ou veux comprendre que c'est une façon pour le pape d'encourager non pas à la faute, mais à l'action.
Dans un système administratif et hiérarchisé d'une structure de plus d'un milliard de fidèles (et ceux qui travaillent dans l'administration savent bien combien les initiatives "innovantes" et les énergies se tarissent facilement devant l'inertie, même si le Vatican n'est pas une administration dans le sens classique), il faut mieux agir, que d'attendre que votre projet d'action soit validé.
Dans le langage courant, l'on pourrait dire: "il n'y a que ceux qui ne font rien qui ne risquent pas de se tromper".
Le Pape a dit sur ce point ce que ces interlocuteurs avaient envie d'entendre pour se sentir encourager... C'est tout François! C'est son style de "commandement".

• beatrice@benoit-et-moi.fr