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Réformes en vue

Le pape travaillerait sur le document qui doit redéfinir le rôle de la Curie. L'homélie de la messe du 29 juin fait déjà beaucoup parler. (30/6/2013)

>>> Cf. Collégialité et primauté selon Benoît XVI

     

Avant tout, il faut lire la (brève, mais non moins riche) homélie prononcée hier par le Saint-Père lors de la messe d'imposition du pallium (www.vatican.va):

Le Pape commence par ces mots: «Un merci particulier au Chœur de la Thomaskirche de Lipsa - l’église de Bach – qui anime la liturgie et qui constitue une présence œcuménique supplémentaire». D'aucuns y ont vu une sèche réponse à ceux qui l'avaient accusé de snober la musique classique. Disons que c'est le service minimum.
Après quoi il développe son argument en «Trois pensées sur le ministère pétrinien, à partir du verbe "confirmer": En quoi l’Evêque de Rome est-il appelé à confirmer ? »
Les deux premiers points, plutôt à caractère théologique ("confirmer dans l'amour", et "confirmer dans l'Unité") ont suscité peu de commentaires, sinon que le pape est revenu sur son thème récurrent: «nous voyons le danger de penser à la manière du monde».

A ce propos, je note ce passage, qui semble reprendre l'homélie prononcée par Benoît XVI en 2012, mais en réalité donne une interprétation différente des mots de l'Evangile:

François: Dans la seconde partie de l’Evangile d’aujourd’hui nous voyons le danger de penser à la manière du monde. Quand Jésus parle de sa mort et de sa résurrection, de la route de Dieu qui ne correspond pas à la route humaine du pouvoir, la chair et le sang reprennent le dessus chez Pierre : « il se mit à lui faire de vifs reproches : cela ne t’arrivera pas » (16,22). Et Jésus a une parole dure : « Passe derrière moi Satan ! tu es un obstacle sur ma route » (v. 23). Quand nous laissons prévaloir nos pensées, nos sentiments, la logique du pouvoir humain, et que nous ne nous laissons pas instruire et guider par la foi, par Dieu, nous devenons pierre d’achoppement.

Benoît: (..) quand Jésus annonce sa passion, mort et résurrection, Simon Pierre réagit vraiment à partir de « la chair et du sang » : il « se mit à lui faire de vifs reproches : … cela ne t’arrivera pas » (16, 22). Et Jésus réplique à son tour : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route » (v. 23). Le disciple qui, par don de Dieu, peut devenir un roc solide, se manifeste aussi pour ce qu’il est, dans sa faiblesse humaine : une pierre sur la route, une pierre contre laquelle on peut buter- en grec skandalon. Apparaît ici évidente la tension qui existe entre le don qui provient du Seigneur et les capacités humaines ; et dans cette scène entre Jésus et Simon Pierre, nous voyons en quelque sorte anticipé le drame de l’histoire de la papauté-même, caractérisée justement par la coexistence de ces deux éléments : d’une part, grâce à la lumière et à la force qui viennent d’en-haut, la papauté constitue le fondement de l’Église pèlerine dans le temps ; d’autre part, au long des siècles, émerge aussi la faiblesse des hommes, que seule l’ouverture à l’action de Dieu peut transformer.

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Le troisième point développé par François dans son homélie d'hier, que je reproduis ci-dessous, et dans lequel le Pape se réfère explicitement au Concile a déjà, lui, fait couler beaucoup d'encre.
Mais nous devrons attendre un peu, pour savoir comment cela va se traduire concrètement, et surtout beaucoup, pour voir ce que cela donnera sur le long terme (la seule échéance pour juger une réforme de ce type).
Pour le moment, la distinction entre collégialité et synodalité risque d'échapper au catholique lambda, et de passer pour un débat d'initiés.

3. Confirmer dans l’unité.
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Ici je m’arrête sur le geste que nous avons accompli.
Le Pallium est symbole de communion avec le successeur de Pierre, « principe et fondement perpétuels et visibles d’unité de foi et de communion » (Conc. Œcum. Vat. II, Lumen gentium, 18). Et votre présence aujourd’hui, chères confrères, est le signe que la communion dans l’Eglise ne signifie pas uniformité.
Vatican II, se référant à la structure hiérarchique de l’Eglise, affirme que le Seigneur « en fit ses Apôtres, leur donnant forme d’un collège, c'est-à-dire d’un groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux » (Ibid., 19).
Confirmer dans l’unité : le Synode des évêques, en harmonie avec la primauté. Nous devons avancer sur cette voie de la synodalité, grandir en harmonie avec le service de la primauté.
Et le Concile continue : « par sa composition multiple, ce collège exprime la variété et l’universalité du Peuple de Dieu » (Ibid., 22).
Dans l’Eglise la variété, qui est une grande richesse, se fonde toujours sur l’harmonie de l’unité, comme une grande mosaïque dans laquelle les tesselles s’assemblent pour former l’unique grand dess(e)in de Dieu. Et cela doit nous pousser à dépasser toujours les conflits qui blessent le corps de l’Eglise. Unis dans la différence : il n’y a pas d’autre manière catholique de s’unir. C’est cela l’esprit catholique, l’esprit chrétien : s’unir dans la différence. Voilà la route de Jésus ! Le Pallium, s’il est le signe de la communion avec l’Evêque de Rome, avec l’Eglise universelle, avec le Synode des évêques, est aussi un engagement pour chacun de vous à être instrument de communion.

Le théologien progressiste Alberto Melloni a immédiatement tweeté: "C'est un tabou historique qui tombe: le Pape lie synode et primauté, et explique la synodalité. Ceux qui croient que la nouvelle est l'IOR sont des idiots"...

Voici, parmi d'autres, le commentaire du vaticaniste du Corriere:

     

Une réforme qui a des traits de révolution

Le pape travaille sur le document qui va redéfinir le rôle de la Curie
Gian Guido Vecchi
"Corriere della Sera",
30 Juin, 2013
(Texte ici: http://www.finesettimana.org)
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Le document de François sera publié dans quelques jours. Il s'agira d'un texte central (??) du pontificat, parce qu'il encadrera du point de vue juridique, le «groupe» des cardinaux qu'il a nommés le 13 Avril pour «le conseiller dans le Gouvernement de l'Église universelle» et étudier un projet de réforme de la Curie. A l'époque, c'est un communiqué du Saint-Siège qui en annonçait la mise en place, à présent, le pape va mettre noir sur blanc le rôle du «groupe», comme il l'a fait pour la commission d'enquête sur l'IOR.

Mais le sens de la réforme est déjà tout entier dans les phrases prononcées a braccio hier à Saint-Pierre (après avoir averti: «Si la logique du pouvoir l'emporte sur celle de Dieu, nous devenons pierres d'achoppement »). Paroles en apparence uniquement «techniques»: le pape qui rappelle le Concile et parle du «Synode des Évêques en harmonie avec la Primauté de Pierre », qui explique comment «nous devons aller sur ce chemin de la collégialité, grandir dans harmonie avec le service de la primauté», annonce en substance le sens d'une réforme qui a des traits de révolution, repense la façon dont le Pape exerce sa «primauté» et redéfinit réellement le rôle de la Curie romaine dans l'Église. Une Eglise plus collégiale, avec un rapport plus direct et plus continu entre l'évêque de Rome et les autres évêques du monde. Et un style qui favorise les relations avec d'autres chrétiens: hier, à l'Angelus, François a voulu réciter avec les fidèles un "Je vous salue Marie" pour le Patriarche orthodoxe Bartholomée Ier.
De l'autre côté du Tibre, on explique que le Cardinal australien George Pell, membre du «groupe» des cardinaux (cf. Un drôle de ratzingerien!), a proposé que le Conseil de la Secrétairerie du Synode, composé de 15 évêques, devienne un organe consultatif pour le pape. Mais il y a plus. L'évêque Marcello Semeraro, secrétaire du «groupe», explique au "Corriere" que «le mot "collégialité" se réfère aux évêques, mais "synodalité" a une portée plus large: le mot indique une manière d'agir en harmonie, dociles à l'action de l'Esprit. Il n'y a aucune opposition avec la Primauté».

Pendant ce temps l'attente grandit au Vatican pour les nomminations au sommet de la Curie, elle a été déçue hier, mais les choses bougent: le pape aurait dit (??) à l'archevêque de Madrid Rouco Varela que son successeur dans la capitale sera le cardinal espagnol Antonio Cañizares Llovera, actuellement Préfet de Culte Divin. Pour le cardinal Mauro Piacenza, actuellement au Clergé, il était question de Bologne, mais pas plus tard qu'hier, le Diocèse a annoncé que le pape avait prorogé le mandat de l'archevêque Carlo Caffara pendant encore deux ans.