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Un drôle de ratzingerien!

Le cardinal Pell est l'un des huit cardinaux choisis par le Pape François pour le conseiller. Il répond aux questions de Gerard O'Connell, pour Vatican Insider. Il donne sa version des fameux «100 jours», et dit comment il voit la réorganisation de la Curie (29/6/2013).

     

Ratzingérien: c'est ainsi que l'on a longtemps présenté le cardinal Pell, l'archevêque de Sidney - né en 1941, créé cardinal par JP II en 2003. Il était même donné comme papabile au dernier conclave.
Avec tout le respect dû à la pourpre qu'ils portent, j'ose à peine imaginer comment étaient les non (ou anti) -ratzingériens!
Déjà, après la démission de Benoît, il avait publiquement exprimé sa désapprobation (1).

Dans l'interviewe ci-dessous, qui date du 24 juin - donc deux jours après le fameux concert de la chaise vide, quand François aurait dit qu'il ne voulait pas se comporter comme un prince de la Renaissance - et dont Dieu est totalement absent, il s'exprime comme un collaborateur de haut niveau d'une multinationale - de l'aire anglo-saxonne, ce qui est censé garantir efficacité et pragmatisme - mais on a du mal à imaginer en quoi les mesures, voire les mesurettes, qu'il suggère vont permettre à l'Eglise de sortir de la crise. Et surtout, il tient sur Benoît XVI des propos pour le moins ambigus, relayant tous les lieux-communs médiatiques sur le nouveau Pape (Sainte-Marthe, pauvreté, Harley-Davidson, etc..) pour l'opposer superficiellement à son prédécesseur.

Ma traduction d'après le texte en anglais (le texte en italien est une version tronquée): vaticaninsider.lastampa.it
Mes remarques en italique, dans le texte.

     

Pell: «Le pape ne veut pas que le Vatican soit vu comme une cour de la Renaissance»
L'un des huit cardinaux conseillers de François, partage ses impressions sur les 100 premiers jours de François, et envisage «une reconfiguration majeure de la Curie romaine».
Gerard O'Connell
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Le cardinal archevêque de Sydney, George Pell, à Rome pour plusieurs réunions au Vatican, m'a accordé cette interviewe le 24 Juin: il partage ses impressions sur les 100 premiers jours du pape François, et il discute de la réforme de la Curie romaine.
«Nous avons un autre type de pape» qui «fait très bien», dit-il. Mais il a aussi exprimé une certaine préoccupation pour la santé du pape en raison du «rythme épuisant» avec lequel il a commencé son travail.
Pell, l'un des huit cardinaux conseillers du pape dit qu'il envisage «une reconfiguration majeure» de la Curie romaine et espère que sera mise en place une meilleure procédure pour sélectionner les personnes à tous les niveaux de postes.

- François est pape depuis 100 jours. Quels sont les deux ou trois choses qui émergent de cette période, dans votre esprit?
- Je pense que sa récente rencontre avec les motards en Harley Davidson était emblématique. Des milliers d'entre eux sont venus avec ces énormes motos, le dimanche matin, pour obtenir une bénédiction de François. Le pape était parfaitement à l'aise avec eux, il les a bénis. Ils lui ont donné deux grosses motos, qu'il va vendre, pour donner le produit aux pauvres.
Je pense que c'est emblématique du fait que nous avons un type différent de pape. C'est un pape qui comprend très bien l'importance des symboles, et il est enclin à parler à travers des histoires et des paraboles.
Il a pris le nom de François. Saint François d'Assise s'est distingué pour beaucoup de choses, y compris une phrase qui lui est attribuée, où il dit à ses frères. «Prêchez (l'Evangile) par des actes et, s'il le faut, utilisez les mots». Maintenant, je pense que le Saint-Père comprend très bien cela, et donc son style d'enseignement est tout à fait différent de celui du pape Benoît. On a dit Benoît était un grand maître pour les intellectuels, les évêques et les prêtres, mais François est beaucoup plus immédiat et direct, et pour les gens ordinaires. Là encore, dans un autre acte symbolique, il est monté dans le bus avec les autres évêques après avoir donné sa première bénédiction au peuple après son élection. Et, bien sûr, il a décidé de vivre à Sainte Marthe.

- Que pensez-vous de sa décision de rester à Sante Marthe?
- Je pense que c'est évidemment le geste d'un homme qui aime la compagnie. C'est vraiment l'acte d'un pape qui ne veut pas être isolé et, si je peux risquer une hypothèse, je soupçonne que c'est l'acte d'un homme qui ne veut pas être contrôlé. Je suis tout à fait favorable aux papes qui font les papes (ce n'est pas très clair: si je comprends bien le cardinal, faire le pape, c'est refuser d'être "contrôlé").

- Y a-t-il autre chose qui vous frappe, dans ses 100 premiers jours?
- Eh bien, je crois qu'il devrait faire attention à sa santé. Ce n'est pas un jeune homme et il semble travailler sans cesse (et Benoît XVI se reposait, sans doute?). Il est évidemment très dur et fort après des années de travail, mais je pense que c'est dans l'intérêt de tout le monde qu'il ne travaille pas trop dur, ou plutôt qu'il travaille dur d'une manière qu'il puisse le supporter. Mais il va certainement à un train d'enfer.

- Comme vous le savez, il va rester à Rome pour les vacances, et n'ira pa à Castel Gandolfo.
- Le pape émérite Benoît XVI ira à Castel Gandolfo (eh non, Eminence, vous êtes mal informé! Et en lisant cela, on comprend à quel point Benoît est sage d'avoir décliné l'offre de son successeur. Que n'aurait-on entendu!!), et je crois que c'est une des raisons pour lesquelles François a décidé de ne pas y aller. Castel Gandolfo est un endroit magnifique et je voudrais bien voir le Pape prendre ses vacances là-bas, mais le Saint-Père est un jésuite ancien style, il a fait un voeu de pauvreté et il le prend au sérieux. Beaucoup d'entre nous n'ont pas fait vœu de pauvreté, mais lui l'a fait, et je pense que c'est immensément à son crédit qu'il le vive.

- Par son engagement à une vie simple, marquée par la pauvreté, le pape François fixe un style pour la façon d'être prêtre, d'être évêque, d'être pape. Pensez-vous que de nombreux évêques et prêtres vont revoir leur propre style de vie à la lumière de son exemple?
- Il n'y a aucun doute à ce sujet, le style de la papauté, le contenu de l'enseignement, la façon dont vit le pape, tout cela influe sur la vie de l'Église tout entière. Je pense que la direction générale que prend le Saint-Père est très bonne. Il ne veut certainement pas que le Vatican soit considéré comme une cour de la Renaissance ou même une cour du 18e siècle, mais plutôt comme un endroit où les gens prennent au sérieux le service du Christ, le service du peuple. Il n'est certainement pas dans la pompe. Donc pour répondre à votre question, oui, je pense que son exemple et son style de vie auront un effet.

- Vous êtes l'un des huit cardinaux conseillers du pape François. Quels sont les deux ou trois principales réformes que vous aimeriez vraiment voir se réaliser au Vatican aujourd'hui?
- Eh bien, je viens du monde anglophone, où nous sommes des gens "non-imaginatifs", pragmatiques, donc, plutôt que de commencer avec une grande re-configuration de la Curie - incidemment, je pense que dans une certaine mesure elle se produira - je pense que nous devrions essayer d'examiner les problèmes particuliers tels que, par exemple, avons-nous suffisamment de dactylos au Vatican? Combien de personnes titulaires d'un doctorat passent leur temps à taper? Maintenant, ce n'est qu'un petit exemple des problèmes pratiques qui existent aujourd'hui.

- En d'autres termes, il y a un manque d'organisation managériale appropriée à la Curie?
- Oui, mais c'est seulement un petit exemple du genre de chose que je veux dire. La discipline et la morale doivent aussi être améliorées, à la Curie. Maintenant, les fuites ont cessé, et je remercie Dieu pour cela! D'une façon ou d'autre, nous aurons à traiter avec le contenu du rapport des trois cardinaux; pas besoin de le faire au son des trompettes, mais s'il y a là des choses importantes, alors elles doivent être abordées. Je pense beaucoup que le Saint-Père le fera.
Le Pape François s'occupe de la banque, l'IOR, je pense que des progrès très significatifs ont été fait là, mais probablement beaucoup plus doit être fait. Je pense que les finances du Vatican, et les allégations de malentendus et ainsi de suite avec Mgr Vigano, doivent être abordés et mis en ordre. Pour être plus précis, des audits annuels externes devraient être faits ici, comme cela se passe partout dans le monde anglo-saxon. De grands progrès ont été réalisés dans le monde des communications au sein du Vatican, mais je pense toujours qu'il y a d'énormes chevauchements, ainsi qu'un manque de coordination, et peut-être trop de dépenses dans certains organismes particuliers. Ce ne sont que quelques-uns des domaines pratiques que nous devons régler.

- Une question que plusieurs personnes m'ont mentionnée, c'est l'absence d'une politique (de gestion) du personnel au Vatican: comment choisissez-vous les gens qui vont travailler à la Curie romaine ou au Saint-Siège?
- Un mécanisme doit exister au Vatican pour s'assurer et vérifier que toutes les personnes travaillant dans la Curie sont capables et ont les capacités appropriés pour les postes spécifiques. Je ne sais pas dans quelle mesure cela existe déjà, mais on pourrait envisager un petit comité de cardinaux, avec un petit groupe à leur service, qui serait en mesure de présenter au Saint-Père des «Ternas» (trois noms) pour les postes supérieurs de la Curie romaine, comme cela se fait actuellement pour les diocèses. Et, bien sûr, s'il veut aller en dehors de la «terna», il pourrait le faire aussi. Je pense que cela permettrait de s'assurer que l'on a des gens fidèles, croyants, des gens compétents aux différents postes de la Curie. Les meilleures structures du monde peuvent être endommagés si vous avez des chevilles carrées dans des trous ronds.

Note

(1) Selon Andrea Tornielli, tout en convenant que «Ratzinger est un grands théologien» il avait perfidement ajouté qu'il préférait «quelqu'un qui sache conduire l'Eglise». Et il avait donné comme motif de sa désapprobation: «Il pourrait y avoir des gens qui, étant en désaccord avec un futur Pape, pourraient monter une campagne contre lui pour le pousser à la démission».
(http://vaticaninsider.lastampa.it/vaticano/dettaglio-articolo/articolo/dimissioni-22793)

Mais n'est-ce pas ce qui s'est passé avec Benoît XVI, justement?
Sans céder le moins du monde à la théorie du complot, il est légitime de penser que la démission est - au minimum - le résultat d'une lassitude physique créée par huit années de harcèlement sans trêve.