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Sur la prédication de François

Dans le prolongement de ce que j'écrivais ce matin, voici une analyse absolument remarquable du site "ami" Il vaticanista, déjà rencontré avec plaisir dans ces pages (30/5/2013)

>>> Cf. Les homélies informelles de François

La barque de Pierre semble voguer sur une mer d'huile. Elle a navigué parmi les flots démontés, essuyé de terribles tempêtes, et depuis que le capitaine a changé, la mer est lisse, sans une vague.
Mais cela cacherait-il chez certains ennemis, internes et externes, de l'Eglise, des intentions malicieuses? Et celles-ci passeraient-elles par une sur-interprétation des "homélies impromptues" du Pape?

Il me revient à l'esprit une réflexion de John Allen, après le discours de Ratisbonne: Qui dira non à Benoît? (cf. beatriceweb.eu)
On pourrait dire aujourd'hui: "Qui dira non à François?" .

Du même auteur:
>>> Critiques des traditionalistes au Pape François

     

Sur les homélies du Pape à Sainte Marthe
http://www.ilvaticanista.it
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Le 22 mai, dans l'homélie prononcée lors de la messe du matin, le pape François a abordé le thème de la rédemption; le site du Saint-Siège a rapporté ce passage:

Il Signore ha redento tutti con il sangue di Cristo, «tutti, non soltanto i cattolici. Tutti» ha ricordato il vescovo di Roma. E gli atei? «Anche loro, tutti. È questo sangue che ci fa figli di Dio». Ecco perché «tutti noi abbiamo il dovere di fare il bene».

Cette expression du Pontife a suscité un certain débat, en particulier aux Etats-Unis, où le Huffington Post a publié un article intitulé: «Les athées qui se comportent bien sont rachetés, et pas seulement les catholiques».
Eh bien, ceci a fait "tordre le nez" à plus d'un catholique, puiqu'une interprétation littérale (du titre du Huffington, pas des paroles du Pape) serait incompatible avec le principe extra Ecclesiam nulla Salus (selon lequel, en dehors de l'Église catholique il ne peut y avoir de salut) également confirmé par l'ex-préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Joseph Ratzinger, dans le document (très contesté, au moment de sa publication) Dominus Iesus.

Ce n'est pas le moment de faire l'exégèse de l'article du Huffington, qui contient des exagérations et des enchaînements logiques infondés, mais c'est une bonne occasion de faire une réflexion générale sur la prédication du pape François.

Pour ce faire, nous voyons que ce rapporte Radio Vatican à propos de l'homélie «incriminée» se trouvent dans les phrases non reproduites sur le site du Saint-Siège: en l'occurrence, Radio Vatican écrit: «Le Seigneur, tous, tous, nous a rachetés par le sang du Christ : tout le monde, pas seulement des catholiques. Tous! "Mais, mon père, et les athées?". Eux aussi. [...] Si nous, chacun de notre côté, nous faisons du bien aux autres, là nous nous rencontrons, en faisant le bien, et nous faisons lentement, adagio, piano piano, nous faisons cette culture de la rencontre: nous en avons tellement besoin. Se rencontrer en faisant le bien. 'Mais je ne crois pas, mon père, je suis athée!". Mais fais le bien: rencontrons-nous là!». (ndt: ci incontriamo là: "c'est là que nous nous rencontrons"?)

Le noeud de la question tourne autour de l'expression «ci incontriamo là»: le Pape voulait-il dire que nous nous rencontrons comme des frères en faisant le bien, ou que nous nous rencontrons "di là" .... dans l'au-delà? On ne sait pas. (ndt: on voit l'extrême complexité de la transcription... et encore plus de la traduction).

Sur la question est également intervenu le Père Rosica (ce sympathique Révérend qui à l'époque de la Vacance du Siège assistait le Père Lombardi, dans les relations avec les journalistes anglophones) qui dans son blog (en plus de confirmer la doctrine catholique de toujours sur l'unicité et l'universalité salvifique du Christ et de l'Église) a fait des réflexions pour nous éclairantes.

En substance, le discours du Père Rosica est que l'on doit garder à l'esprit le contexte dans lequel les homélies sont prononcées: ce ne sont pas des discours officiels, mais de courtes homélies a braccio (que le Pape - pourrions-nous ajouter - ne souhaiterait peut-être même pas rendre public) dans lesquelles, avec un esprit essentiellement pastoral, le Pape tente de faire passer des éléments de réflexion, mais ne cherche pas à engendrer des débats théologiques.
(fin de la réflexion du Père Rosica)

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Les réflexions à faire sont, selon nous, au nombre de trois:

1) Autour de ce pontificat se sont créées des attentes déraisonnables et "surchauffées", souvent créées à dessein, comme si d'un moment à l'autre, le Pape François allait prendre une énorme massue et commencer à détruire le bâtiment de l'Eéglise que nous connaissons et embrasser le sécularisme en vigueur.
Et ainsi chaque mot, chaque geste et chaque choix du Pontife est interprété et mis en évidence, parfois en toute bonne foi, d'autres fois pour le tirer de son côté ou l'attaquer.
Le plus inquiétant, toutefois, est que certains commencent à comparer ce climat d'expectatives pour les nouveautés avec celui que l'on respirait avant (et pendant) le Concile Vatican II: les attentes étaient telles (et orchestrées avec une telle force) que, comme l'avait dit Paul VI «nous attendions le printemps, et c'est la tempête qui est venue».

2) Nous sommes mal habitués (c'est-à-dire trop bien): nous sommes habitués au Pape Paul VI entouré de très grandes (et parfois injustifiées) attentes, mais qui n'a presque jamais improvisé; à Jean-Paul II, un pape qui en quelques occasions a parlé a braccio, mais qu'au cours des 27 années de son pontificat, nous avons appris à bien connaître, ne courant donc pas le risque de nous méprendre; et Benoît XVI, peut-être l'un des plus grands théologiens depuis l'époque de Thomas d'Aquin.
Nous sommes donc habitués à faire l'exégèse des paroles et des gestes des Papes, et à analyser chaque mot et chaque phrase, et nous avons toujours eu de bons motifs pour cela.

Le Pape François, toutefois, est différent: cela, pour les homélies de Santa Marta, on ne peut pas le faire, ce ne sont pas des textes théologiques, ce sont des textes de pure pastoralité, ils sont toujours doctrinalement corrects en soi, mais si nous commençons à les interpréter, nous risquons même de tomber dans des erreurs doctrinales ou d'en mettre dans la bouche du Pape

3) Nous devons savoir donner le juste poids aux paroles du Pape. Aujourd'hui, au cours de l'audience générale, le Pape a commencé un cycle de catéchèse sur l'Eglise. La différence de style entre la catéchèse et les homélies du matin est évidente pour tout le monde. Il n'y a pas de concepts effleurés, de phrases un peu «jetées là», visant davantage à remuer les consciences qu'à stimuler l'intellect: il y a des concepts profonds, bien expliqués et difficiles à interpréter à sa guise.
Il y a quelque temps, bavardant avec des amis, nous nous demandions même si les homélies de Santa Marta pouvaient être considérées comme Magistère ordinaire, et nous avions conclu que oui; aujourd'hui, nous sommes en train de réexaminer cette conclusion, étant donné la grande différence de portée théologique entre ce qui a été dit à Santa Marta et le début de cette catéchèse.
La question reste ouverte, avec l'espoir que quelqu'un de plus expérimenté que nous nous aide à donner une réponse.

En conclusion: il serait opportun d'abaisser les attentes, d'apprendre à connaître le Pape, et d'essayer de ne pas faire l'exégèse de ses paroles, au moins pour celles qui sont prononcées dans des contextes non-officiels.