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Témoignage d'une religieuse de Mater Ecclesiae

Dans l'OR, en août 2009. La vie des bénédictines du Monastère où Benoît XVI doit bientôt se retirer: nous nous sentons appelées à vivre plus profondément notre maternité spirituelle. (22/4/2013)

>>> Images ici: http://benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/la-ou-il-vivra.php
>>> Voir aussi: Un monastère au Vatican

     

Evidemment, ce témoignage a tout pour faire tressaillir d'horreur les militantes du sacerdoce féminin, qui refusent de croire à un charisme spécifique à leur sexe, fait d'humble service et de prière: elles ne veulent pas admettre que l'on puisse faire des choses uniquement par amour. La broderie, le jardinage, les confitures, l'entretien des soutanes et la confection de mitres sont pour elles autant de provocations à leur soif d'égalité.

     

La vie des bénédictines du Monastère Mater Ecclesiae au Vatican
Religieuses par vocation , et pour le pape, également cultivatrices et couturières

Nicola Gori
L'Osservatore Romano, 26 août 2009
Ma traduction
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Le temps est venu du bilan pour la communauté bénédictine du monastère Mater Ecclesiae après cinq ans de résidence au Vatican. Années vécues comme un appel à servir de plus près le Pape, fidèle au charisme de l'ora et labora. Un style de vie basé sur la prière et la lectio divina, sans oublier le travail manuel: de la petite activité de jardinage au soin de la soutane blanche du pape, à la broderie de mitres et d'étoles, à la confection de parchemins et d'objets miniatures, et à la culture du «jardin du pape». Fidèle à l'esprit bénédictin, les religieuses ne se sont pas dérobées au travail de la terre. Un chapeau de paille sur la tête, un tablier, beaucoup de bonne volonté. Et les fruits de leur travail ne manquent pas: des légumes toujours frais pour la table du Pape, mais aussi des confitures confectionnées selon une recette très spéciale - jalousement gardée par les religieuses - et des fleurs fraîchement cueillies. Le tout obtenu à l'aide de méthodes absolument naturelles: aucun engrai chimique mais seulement organiques provenant directement des Villas pontificales de Castel Gandolfo, comme le révèle la Mère abbesse Maria Sofia Cichetti dans cet entretien accordé à notre journal.

- Pouvez-vous tracer un bilan de ces cinq années du monastère Mater Ecclesiae au Vatican?
- Pour nous, c'était une bénédiction et un privilège d'être ici, dans le centre de l'Eglise, surtout à côté du Pape et de ses collaborateurs. C'était une expérience d'ouverture du cœur à l'Église universelle. Il est vrai que dans les monastères, on prie toujours pour le Pape et pour l'Eglise universelle, mais ici, il y avait aussi une proximité physique. Notre présence était une présence monastique, mais tout en restant dans notre monastère, nous avons essayé de vivre plus pleinement notre consécration au Seigneur et, surtout, d'offrir la prière quotidienne pour le Pape, pour son ministère, de ses intentions, les besoins de l'Eglise et du monde entier. En outre, cela a été une expérience enrichissante et joyeuse, parce que - depuis le 7 Octobre 2004, où nous sommes arrivées ici - nous avons pu rencontrer le pape, qui à trois reprises est venu célébrer la messe dans notre chapelle: la première fois c'était le 2 Juillet 2005, la deuxième, le 21 Mars 2006 et la dernière le 3 Juillet 2009. À ces occasions, nous avons pu le rencontrer, lui parler et recevoir sa bénédiction.

- Quelques souvenirs plus significatifs de ces années de vie en commun?
- Nous sommes une communauté composée de sept moniales bénédictines de différents continents: une philippine, une américaine, deux françaises et trois italiennes. La vie communautaire était très belle, mais non sans difficulté, parce que tout en suivant toutes le même esprit bénédictin, la même règle, le même idéal, nous avons des façons différentes de penser, venant de différentes cultures et nations. Pour réaliser la communion, nous avons dû nous engager d'une manière particulière. Nous sommes convaincues que c'est le Saint-Esprit qui a fait l'unité, mais il a fallu notre collaboration.
Une autre belle expérience a été l'hospitalité envers des frères qui ont frappé à notre porte. En effet, bien qu'étant cloîtrées, séparées du monde, nous ne sommes pas spirituellement détachées de nos frères: et même, nous sommes ici justement pour leur salut, pour leur bien. Toute notre offrande est pour eux et étant bénédictines, l'hospitalité est pour nous structurelle, essentielle. Saint Benoît dit: l'hôte est pour nous le Christ lui-même qui vient nous rendre visite. Nous parlons avant tout de l'hospitalité du cœur, c'est-à-dire de s'ouvrir aux besoins des autres, dans la prière et l'affection. Ensuite, il y a l'accueil des personnes, que nous recevons bien sûr dans la maison d'hôtes et non à l'intérieur du monastère, étant donné l'exiguïté de l'espace et la loi de la clôture. Cet accueil a toujours été simple, fraternel et joyeux. Beaucoup de gens sont venus demander des conseils, des prières et, surtout, d'être accueillis et entendus. Nous notons que dans le monde d'aujourd'hui, il y a peu de temps pour l'écoute: on court, on se hâte trop. Parfois, les gens n'avaient besoin que de quelqu'un pour écouter fraternellement leurs peines, leurs difficultés. Nous avons ainsi tissé des amitiés que nous allons continuer à cultiver avec la prière quand nous rentrerons chez nous. Un autre élément positif est l'hospitalité offerte aux groupes de tous les pays qui viennent prier dans notre chapelle. Ils s'arrêtent pour l'adoration eucharistique, le chapelet, la messe et à la fin de la prière, ils demandent une pensée, un mot.

- Quelle signification a une communauté monastique à l'intérieur du Vatican?
- C'est d'abord une vocation, parce que nous avons été appelées par le Pape. C'est aussi une grâce et un privilège. C'est se donner nous-mêmes, vivre notre vie de consécration religieuse dans ce contexte particulier, le Vatican, dans la maison du Pape, en essayant de tout faire avec amour, avec joie et sacrifice.

- Quelles sont les sources de subsistance pour la conduite du monastère?
- Il y a, tout d'abord, l'aide du pape et ensuite le produit de notre travail. Il est juste que nous contribuions à notre subsistance, à la fois pour imiter la Sainte Famille de Nazareth, et aussi pour notre dignité religieuse, fidèles au charisme bénédictin, marqué par le « ora et labora . Le travail manuel principal est ce que nous faisons dans le jardin, d'où nous tirons les légumes et les légumineuses pour le Pape et pour la communauté. Nous réalisons des traductions, des broderies sur des objets liturgiques pour notre église et sur commande, des miniatures et des parchemins. Ces travaux nous permettent d'avoir des revenus, de sorte que nous-même avons la joie de subvenir à nos besoins. Un autre travail que nous faisons ici et qui nous honore, c'est de prendre soin de la soutane blanche du pape

- Vous avez mis en place un réseau d'amitiés dans ces cinq années?
- Au cours des dernières années, nous avons tissé de nombreuses amitiés avec des gens généreux. Nous sommes vraiment touchées par cette bonté. Nous avons reçu en cadeau tellement de choses, notamment de la nourriture, ainsi que des meubles et d'autres objets. Nous ne voulions pas accumuler des choses inutiles, et c'est pourquoi nous avons décidé de tout partager avec les pauvres. Deux réalités, en particulier, ont fait l'objet de notre partage: la Casa Dono di Maria, où il y a les sœurs de Mère Teresa de Calcutta, qui accueillent beaucoup de gens pauvres tous les jours, et le dispensaire pédiatrique de Santa Marta, qui est responsable de la prise en charge des enfants malades de toutes les nationalités et religions. Nous connaissons aussi des familles qui, en ces temps de crise, ont besoin d'aide et donc, nous partageons avec eux ce qu'on nous donne. Je voudrais souligner qu'il ne s'agit pas de charité, mais de partager ce que nous avons - vêtements, nourriture, jouets - avec nos frères.

- A propos du jardin, quel genre de travail requiert-il et qu'y cultivez-vous?
- L'expérience de l'entretien du jardin est très belle, parce qu'il nous met en contact avec la nature et avec l'auteur de la nature, qui est Dieu. Cultiver est une prière faite avec les mains, c'est aussi un éloge de la beauté de la nature et du Créateur. Voir les graines qui poussent peu à peu, observer les plants qui deviennent grands, découvrir d'abord les fleurs et puis les fruits, suivre les différentes étapes du développement de la vie végétale: tout cela nous aide aussi dans la prière et la contemplation.
Piocher, bêcher, arroser, est sans aucun doute dur, mais c'est un sacrifice qui est remboursé lorsque le potager nous fournit des tomates, des poivrons, des courgettes, des choux, des odeurs, de la menthe. Tout est cultivé de façon naturelle, fertilisé avec du fumier - et non pas avec des produits chimiques - qui vient directement des Villas pontificales de Castel Gandolfo. Dans le jardin, nous avons de nombreux arbres fruitiers, mais seulement des citroniers et des orangers, à partir desquels nous faisons de la confiture avec une recette typique de notre monastère. Cette confiture n'est pas à vendre, mais nous la donnons au pape, qui l'aime beaucoup, et à nos bienfaiteurs. Nous avons aussi un jardin où nous cultivons les fleurs que nous mettons dans notre église pour le service liturgique. Nous cultivons principalement des roses de deux variétés: "Beatrice d'Este", de couleur chair, et "Jean Paul II", blanches et odorantes. En mai, chaque semaine nous en envoyons au Pape. Nous savons qu'il les apprécie beaucoup.

- Que répondez-vous à ceux qui affirment que la clôture est désormais anachronique?
- Tout simplement, le cloître est un appel. C'est une vocation spéciale qui vient tout d'abord de Dieu, qui nous appelle à vivre plus intimement avec Lui. Ce n'est pas une séparation ou une évasion du monde, mais une retraite pour vivre plus unis au Seigneur et à tous les frères par la prière et la charité spirituelle. L'essence du christianisme est la charité, l'amour, mais nous savons que l'amour peut vivre de nombreuses façons. Nous le vivons sous cette forme. Nous nous associons à Jésus, spécialement dans le mystère eucharistique, dans l'ombre, dans le silence, dans l'offre et l'offrande totale au Père pro mundi vita. Mais non par égoïsme ou pour rester en silence et dans la tranquillité: ce serait de l'égoïsme! Nous faisons cela pour pouvoir nous donner mieux et plus à Dieu, toujours dans une anxiété missionnaire de charité et d'amour. Je peux dire que si c'est vraie vocation, la vocation cloîtrée est belle, elle donne la paix, la joie et le bonheur.

- L'Année sacerdotale implique aussi une communauté de vie contemplative comme la vôtre?
- En cette Année sacerdotale, nous nous sentons interpelées par le Pape et appelées à coopérer avec lui dans la prière et dans l'offrande encore plus intense pour les prêtres et les séminaristes. Nous pouvons dire que ces dernières années, nous avons essayé de vivre du mieux que nous pouvions notre maternité spirituelle, parce que la religieuse n'est pas aseptisée, mais c'est une personne consacrée, qui aime Dieu sincèrement, mais aime aussi avec un cœur humain et consacré les autres, en particulier les prêtres. En cette année augmentent notre prière et notre offrande et nous nous sentons appelées à vivre plus profondément notre maternité spirituelle.

(©L'Osservatore Romano 26 août 2009)