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Une chaise vide...

lourde de signification? François n'est pas venu au concert organisé hier dans la Salle Paul VI pour clore l'année de la foi (23/6/2013)

>>> Cf.
Musique sacrée et nouvelle évangélisation

C'est lui le Pape, et il a sans doute ses raisons.
Mais si le Pape lui-même ne promeut plus la vraie culture, qui le fera? Et n'aurait-il pas pu annoncer par avance qu'il ne se rendait pas au concert, plutôt que de faire ainsi, même involontairement, un affront à l'orchestre, et aux invités, qui, à en juger par la photo du site Vatican Insider ne sont pas tous des VIP.
La fuite des mondanités (respectable, en soi) n'est pas une excuse de dernière minute. Et l'excès de travail, pas une excuse de pape.
Sans parler de ce que cela implique par rapport à son prédécesseur (1) qui lui, assistait aux concerts en son honneur - et nous régalait, à l'occasion, d'analyses musicales mémorables - mais aussi à des manifestations de toutes sortes, qui ne devaient pas toutes le transporter d'enthousiasme.

Bien entendu, les premiers échos dans la presse sont tous favorables.
Et Andrea Tornielli, désormais premier attaché de presse du Pape en fait des tonnes:

"Un pape - écrit-il ici- qui pense que son travail sur les dossiers et dans les entretiens qui ont lieu en vue de la future organisation de la Curie est plus important que se concéder une heure et demie de détente en écoutant de la bonne musique. Une musique (??) dont il est passionné depuis l'enfance, depuis qu'il l'écoutait à la radio avec sa mère et ses frères et sœurs".

Décidément, il y a encore des courtisans même s'ils ne sont plus à la Curie!

Cette chaise laissée vide par le pape.
Il préfère travailler et déserte le concert
Gian Guido Vecchi
"Corriere della Sera"
23 Juin 2013
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C'est destiné à devenir une image symbolique du Pontificat: ce fauteuil vide au milieu de la Salle Paul VI, alors qu'hier après-midi, invités et autorités, écoutaient le «Grand concert de musique classique de l'Année de la Foi», plutôt perplexes devant l'absence du pape.
Il se trouve que justement hier, s'adressant aux nonces (texte en italien ici) du monde entier, François avait une fois de plus dénoncé la «mondanité spirituelle» qui est la «lèpre» de l'Eglise, ce «céder à l'esprit du monde» qui «nous expose au ridicule nous, pasteurs», cette «sorte de bourgeoisie de l'esprit et de la vie qui conduit se coucher, à chercher une vie paisible et confortable». Le fait est qu'à personne n'était encore arrivé d'annoncer ce qui est revenu à l'archevêque Rino Fisichella quand tout le monde, à 17h30, attendait l'entrée du pape dans la salle: «Le Saint-Père ne pourra pas être présent pour une urgence imminente».

Confusion générale, et «suspense» en conséquence: pourquoi? Le Père Federico Lombardi a tout de suite exclu des motifs de santé, du reste, Fisichella lui-même avait expliqué que les engagements pris par le Pape ce matin sont tous confirmés. En outre, dans la salle étaient assis le Dr Patrizio Polisca, l'«archiatre» du pape, et il y avait aussi Mgr Georg Gänswein, secrétaire de Ratzinger: impensable qu'ils écoutent Beethoven si le pape ou son prédécesseur s'étaient sentis mal.
Alors quoi?
Alors, François a décidé de ne pas bouger de Sainte Marthe, et de continuer à travailler comme tous les jours. Assister à un concert n'est pas dans les cordes d'un Pape qui a renoncé à aller en vacances - il restera au Vatican - et a offert le Palais de Castel Gandolfo comme résidence d'été de Ratzinger (ndt: façon de parler). Sauf que le concert était déjà fixé dès Août 2012 et organisée bien avant le Conclave: on ne pouvait l'annuler, donc Bergoglio s'est décommandé au dernier moment.

Depuis «l'auberge» du Vatican, on fait savoir que François n'a pas bougé de là. Déjà hier, des voix circulaient selon lesquelles il aurait dit «Je ne viens pas au concert, je ne suis pas un prince de la Renaissance».
C'est le sens du raisonnement que beaucoup lui attribuent, de l'autre côté du Tibre. L'absence au concert est en ligne avec les nombreuses «exceptions» de ses 100 premiers jours. A commencer par le choix de ne pas vivre dans le Palais apostolique pour éviter d'être «isolé»: la première grande réforme de François, qui a brisé l'atmosphère d'enchantement d'une cour de la Renaissance, ou royale, où le «pouvoir» à l'intérieur et à l'extérieur de la Curie se mesurait à la proximité du Pape ou au fait d'être plus ou moins «admis» à «l'Appartement ». Le pape, qui veut «une Eglise pauvre et pour les pauvres», quand il était archevêque de Buenos Aires n'allait pas aux concerts, mais plutôt, le soir, visitait les familles incognito dans les favelas.

Tout cela, encore hier, a suscité une nervosité curiale accrue, dans l'attente de nouvelles nominations à la Curie comme à l'IOR: est-ce de cela que François s'occupait?
(...)

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(1) Le 4 juillet 2011, pour le 60e anniversaire de son ordination sacerdotale, le cardinal Ravasi avait organisé une rencontre du pape avec 60 artistes. Parmi eux Luca Donelli, qui faisait le récit de cette rencontre ici: benoit-et-moi.fr/2011-II
La rencontre avait commencé avec plus d'une heure de retard, à cause d'un contretemps très grave, l'excommunication d'un évêque chinois.
Mais elle avait eu lieu - et Dieu sait qu'une grande partie des oeuvres présentées étaient à peine au niveau d'une expo au musée Pompidou de Metz!
En 8 ans de pontificat, par courtoisie, par sens du devoir, Benoît XVI n'a JAMAIS manqué aucun engagement. .

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Par ailleurs, Benoît XVI a souvent dénoncé l'activisme frénétique, et plaidé pour la nécessité de vacances, y compris pour lui-même.
Voici par exemple ce qu'il disait lors du premier angelus de ses vacances dans le Val d'Aoste, en juillet 2005 (c'est un "échantillon", il y en a des quantités sur le même sujet):

Dans le monde où nous vivons, cela devient presque une nécessité de pouvoir se régénérer dans le corps et dans l'esprit, en particulier pour ceux qui habitent en ville, où les conditions de vie, souvent frénétiques, laissent peu de place au silence, à la réflexion et au contact reposant avec la nature. Les vacances sont, en outre, des jours pendant lesquels on peut se consacrer plus longuement à la prière, à la lecture et à la méditation sur les significations profondes de la vie, dans le cadre serein de sa famille et de ses proches. Le temps des vacances offre des opportunités uniques de s'arrêter devant les spectacles suggestifs de la nature, merveilleux "livre" à la portée de tous, grands et petits. Au contact de la nature, la personne retrouve sa juste dimension, elle redécouvre qu'elle est une créature, petite mais dans le même temps unique, en mesure "d'accueillir Dieu" car intérieurement ouverte à l'infini. Poussée par la demande de sens, qui est pressante dans son coeur, celle-ci perçoit dans le monde environnant l'empreinte de la bonté, de la beauté et de la providence divine et elle s'ouvre presque naturellement à la louange et à la prière.