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Benoît en Terre-Sainte

Il y a quatre ans jour pour jour, le 8 mai 2009, Benoît XVI entamait un voyage de huit jours en Terre-Sainte. A revivre presque heure par heure... (8/5/2013)

>>> Image ci-contre: Benoît au Mont Nebo


>>> Lien direct vers le site que j'avais créé à cette occasion en cliquant sur le bandeau ci-dessous, ou ici: http://beatriceweb.eu/TerreSainte

     

Comme d'habitude, le voyage avait été présenté comme "à haut risque" (l'expression revenait en boucle dans les commentaires), et les medias avaient promis de relever férocement chaque faux-pas du "Pape allemand": on ne lui laissera rien passer, disaient-ils, surtout lors de l'étape israélienne (celle en Jordanie ayant été un grand succès, avec un accueil magnifique de la famille régnante [1]), et encore plus en particulier lors de l'étape au mémorial de la Shoah à Jérusalem, et celle au Mur des Lamentations.
Comme d'habitude aussi, ils avaient tout essayé, le Père Lombardi ayant été sommé de répondre à des questions sur le passage du jeune Joseph Ratzinger dans les jeunesses hitlériennes. Sans parler du splendide discours au mémorial Yad Vashem, descendu en flammes par les habituels détracteurs qui y voyaient "pas assez de repentance" (voir ici: beatriceweb.eu/TerreSainte... ).
Comme d'habitude, enfin, ils avaient fait chou blanc sur toute la ligne (mais ne l'ont pas admis!). Et le Saint-Père, qui à leur grand dam n'avait fait aucun" faux-pas", avait vraiment écrit là l'une des pages les plus extraordinaires de son pontificat.

Je reproduis ci-dessous le témoignage de Marie-Armelle Beaulieu, qui était présente sur place, et au titre de responsable du site web de la custodie de la Terre Sainte, faisait partie des journalistes accrédités pour suivre le Pape (à lire aussi ici).

     

Le pape théologien nous donne une leçon
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Samedi 16 mai au matin, j’ai appelé une amie religieuse palestinienne pour lui dire que j’étais en vie après cette semaine mémorable : 20 heures de sommeil en une semaine, 3 repas avalés en cinq jours, des journées de 22 heures de travail (je compte pour travail les heures passées à céder au bon vouloir de la sécurité israélienne mais aussi palestinienne – à Bethléem, les Palestiniens ont voulu montrer qu’ils étaient tout aussi capables (et bornés ?) que les Israéliens).

Elle m’écoute mais ce qui lui brûle les lèvres de me dire c’est : “Je lui ai embrassé la main au Saint-Sépulcre.”
Alors là je suis scotchée.
Avant la visite, elle m’avait dit d’un ton sec que je ne lui avais jamais connu : “Qu’il reste chez lui !”
Mais à l’autre bout de la ligne, je la sens si heureuse… Et ce n’est pas la seule à m’ exprimer ce bonheur, cette fierté de pouvoir dire : « J’y étais ». Je connais aussi nombre de religieux européens vivant ici, facilement sceptiques sur ce que dit ou fait Benoît XVI, parmi eux de grands intellos, eux aussi ont rendu les armes et lui rendent hommage… Moi aussi je lui aurais bien embrassé les mains… j’ai bien failli d’ailleurs.

Même mes voisins appartenant à une minuscule église protestante évangélique m’interrogent avec empressement car je l’ai vu de si près, ils m’ont vue à la télé. « Alors, alors ? »

Le glacial Benoît XVI vénéré ! Oui, glacial, et ce n’est pas lui manquer de respect !
A mon arrivée à la salle de presse jeudi soir après la journée de Nazareth, les vaticanistes sont dans tous leurs états : « Le pape était super heureux, il a chanté, il a levé les bras ». Regardez la vidéo quand Benoît XVI est au taquet de la joie ça reste très, très… retenu.

Que s’est-il donc passé ? Qu’a-t-il dit ? Le plus étonnant c’est que la révolution des coeurs et des esprits s’est opérée tout au long de la semaine dans la communauté chrétienne arabe sans que la plupart ait une réelle connaissance des propos mêmes du pape.

Nous ne sommes pas dans l’épluchage analytique des discours. On se contente de bribes rapportées ici ou là. Il y a eu aussi des images extrêmement fortes en Jordanie et ici et tout le reste se fait grâce au très efficace et bien nommé téléphone arabe. Il faudrait que je laisse traîner mes oreilles dans les jours qui viennent. Mais je sais, et je sens déjà que les chrétiens locaux ont du baume au coeur… Ils se sont sentis compris, respectés, reconnus, aimés.

Et puis le pape a rencontré juifs et musulmans et aux uns comme aux autres il a montré son respect et à tous il a lancé un message pour la justice, l’égalité et le savoir vivre ensemble. Et la petite communauté chrétienne a apprécié ces appels, elle qui se sent coincée entre les deux. Et il y a eu les divers appels à la création d’un état palestinien et à la chute du Mur.

Pour ma part, faute d’avoir tout vu, j’ai lu tous les discours et j’ai vu et entendu.
Il faudra que je relise les discours, ceux du Saint-Père, ceux de ses hôtes, mais je suis profondément marquée d’abord pas l’intensité de la prière du pape dont j’ai été le témoin à la grotte de l’Annonciation à Nazareth et plus encore dans l’intimité devant le Saint-Sacrement au Saint-Sépulcre, j’en ai pleuré d’émotion. Il est vraiment venu en pèlerin pour prier.

J’ai pleuré de tristesse à Gethsémani. J’espère que les chrétiens palestiniens qui n’ont pas daigné se rendre à la messe pour des raisons de confort – il fallait arriver « trop » à l’avance et s’asseoir par terre – feront leur examen de conscience. J’espère que ceux qui ont été empêchés de s’y rendre à cause des contrôle de sécurité croiront encore à la possibilité de vivre avec les juifs. J’ai pleuré de joie à Nazareth sur le Mont du précipice en voyant ce que j’attendais, une manifestation de « christian pride » arabe.

J’ai jubilé de ces messes largement en langue arabe mais qui ont aussi laissé un peu de place à l’hébreu, la langue aussi de chrétiens en Israël. J’ai aimé que le pape salue cette communauté hébréophone qui vit une autre situation, loin d’être facile tous les jours. Ce serait bienvenu que ces deux communautés lancent des ponts entre elles, prémices des ponts à jeter entre Israéliens et Palestiniens.

Au camp de Aïda, j’ai senti l’émotion du chef du camp disant au pape : « Merci d’avoir renoncé à visiter des lieux saints pour venir nous visiter. » J’ai vu la silhouette blanche du pape se détacher sur la grisaille du mur. Ce mur, la plus triste expérience de son voyage, a dit le pape à son départ.

D’un mur à l’autre, le pape m’a paru heureux de sa prière devant le Mur occidental.

Tant d’images me reviennent à l’esprit. J’écris, il est 10h37 ce dimanche, j’entends ma voisine du dessous syriaque orthodoxe qui écoute une messe catholique… je me précipite voir. C’est la messe de Nazareth qui est rediffusée à la télevision maronite libanaise Télélumière !
Nous n’avons pas fini de mesurer la portée de ce voyage, moins médiatique et moins facile que celui de Jean-Paul II. J’ai l’impression qu’il pourrait porter plus de fruits.

Je pense à cette semaine, à ce mont du Précipice, à son histoire, Jésus avait prêché à la synagogue, ça n’avait pas plu, on avait voulu le précipiter du haut de la montagne.
J’ai vraiment craint que Benoît XVI sur notre champ de mines ne se fasse exploser, que par ses propos quels qu’ils soient, ne se fasse crucifier… Il est venu, il a prêché et comme Jésus au milieu de ses détracteurs « passant au milieu d’eux, s’en alla. »

Le pape théologien nous donne une leçon : le temps et le projet de Dieu dépassent nos courtes vues. Il nous précède et nous tire et Dieu nous attire à Lui infailliblement, en Lui il n’y aura plus ni juifs, ni chrétiens, ni musulmans, nous finirons bien par être Un en Lui.

Note

[1] Les tentatives des medias de discréditer la dynastie Hachémite du roi Abdallah II, en particulier à travers son épouse la reine Rania, et de transformer l'ensemble du Moyen-Orient en une poudrière ont (me semble-t-il) échoué, et le "printemps arabe" s'est arrêté aux portes de la Jordanie... qui reste apparemment un point de stabilité relative dans la région....