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Ratzinger rentre au Vatican...

commence l'ère de deux papes. J'ai trouvé ce très bel article sur un blog italien... et il vaut bien mieux que son titre! (9/5/2013, mise à jour)

     

Ratzinger retourne au Vatican, commence l'ère des deux papes.
Antonio Sanfrancesco
2 mai 2013
http://www.linkiesta.it/ritorno-benedetto-xvi-vaticano (ma traduction)
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La dernière partie du voyage de Benoît XVI est sur le point de s'accomplir. Le pape émérite revient entre les murs du Vatican, dans l' «enclos de Pierre», pour reprendre sa propre expression lorsque, le 28 Février, au coucher du soleil d'un jeudi de Carême, il a dit adieu au monde. Il ira vivre au monastère Mater Ecclesiae, communauté priante (1) au cœur de ce Vatican, où le bon grain et l'ivraie se mêlent inextricablement comme dans le champ libre de la vie. «L'objectif spécifique de cette communauté», énonce l'acte qui a institué le monastère par la volonté de Jean-Paul II, «est le ministère de la prière, l'adoration, la louange et la réparation. Pour être ainsi prière orante dans le silence et la solitude, à l'appui du Saint-Père dans son souci quotidien pour toute l'Eglise ".

Ainsi commencera dans ces murs, édifiés sur le sang de l'Apôtre Pierre et le cœur battant d'un christianisme qui pendant des siècles a rayonné dans l'Occident la culture et l'art, la charité et la pensée, des temples et des universités, et qui semble désormais désespérément fini, la cohabitation, qui n'a pas de précédent dans l'histoire millénaire de l'Église catholique, avec le pape François, le Pape argentin venu «du bout du monde».

Peut-être tous deux se verront-ils dans le secret de l'intimité, pour parler, se confier et prier, ayant ensemble, quoique d'une manière complètement différente, la lourde tâche de «confirmer dans la foi» ceux qui leur ont été confiés. Avec le pontificat actif, François, avec la prière, Benoît, précieux baume, pour ceux qui croient, et non moins utile pour panser les plaies d'une Eglise perdue au cœur de l'humanité fatiguée. Dans un veillée pascale d'il y a quelques années, Ratzinger, avec avec un ton peiné et ému, fit allusion à «la compassion» que Jésus éprouve peut-être à cause de la grande confusion de l'époque actuelle.

Peut-être, avec les encouragements et les conseils discrets de son prédécesseur, le pape François reprendra-t-il entre ses mains ce projet auquel Ratzinger a travaillé pendant tout le pontificat: écrire une encyclique sur la foi, dans la conviction profonde que la crise de l'Eglise et du christianisme aujourd'hui est une crise de la foi et non des structures. Le projet, rédigé par des théologiens travaillant à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Ratzinger l'a remis entre les mains de François au cours de la rencontre du 23 Mars à Castel Gandolfo, lui disant de décider ce qu'il allait en faire.

A ceux qui le «rappelaient» à d'autres tâches, plus bureaucratiques et d'appareil, Benoît a toujours répété, avec les mots et les gestes, que sa tâche était d'annoncer au monde que la foi a un fondement rationnel dans lequel chacun, au-delà de l'adhésion personnelle au Dieu qui s'est fait homme en Jésus-Christ, peut s'identifier. Tandis qu'à ses côtés se consommaient des luttes intestines, intrigues de pouvoir, cordées d'intérêts opaques, il s'est fait pèlerin dans le désert du monde. «Je pense - confiait-il à son biographe Peter Seewald - que Dieu, puisqu'il a fait pape un professeur, a tenu à souligner cet élément de réflexivité, et de lutte pour l'unité la foi et la raison».

Maintenant qu'avec le nouveau pontificat, les analyses sociologiques des habituelles connaissances s'accumulent, que l'on fait des comparaisons, que l'on scrute les chiffres pour savoir combien suivent le Pape - comme si la foi pouvait être réduite à des statistiques! - résonne encore plus lumineuse la lutte, parfois solitaire, de cet homme de Dieu qui a crié au monde que la foi est pour beaucoup, mais pas pour tous et que toujours l'Église, quand elle proclame le Christ n'attire pas les foules, mais seulement de petits groupes parce, comme le confessa un marxiste comme Ernst Bloch dans son "Athéisme dans le christianisme" «Jésus fut l'avènement d'un homme qui renversa les valeurs du monde présent». Présent historique: il les a renversées. Toujours, encore ici et maintenant. D'autre part, n'est-ce pas là, parole d'Évangile, le sort des chrétiens? Être le levain dans la pâte, de petits et même pauvres «grains de sénevé»? Si la reconnaissance de la loi naturelle comme lieu de rencontre pour le dialogue avec les non-croyants et construire une nouvelle civilisation a été l'un des points sur lesquels Benoît XVI a le plus insisté durant son pontificat, assumant presque le rôle de defensor civitatis, le pape émérite a été tout aussi clair en annonçant que le déclin de la chrétienté - en particulier en Occident - n'est certainement pas le déclin du christianisme et de ce pari sur le Christ qui à tout moment se renouvelle.

Une vision qu'il nourrissait déjà, en ce lointain 1969, comme en témoignent ces paroles extraordinairement d'actualité: «De la crise d'aujourd'hui, émergera une Église qui aura perdu beaucoup. Elle deviendra plus petite et devra recommencer plus ou moins depuis le début. Elle ne sera plus en mesure de vivre dans les édifices qu'elle a construites en période de prospérité. Avec la diminution des fidèles, elle va perdre aussi beaucoup de ses privilèges sociaux. Elle redémarrera à partir de petits groupes, de mouvements, et d'une minorité qui remetra la foi au centre de l'expérience. Ce sera une Église plus spirituelle, qui ne s'arrogera pas de mandat politique flirtant tantôt avec la gauche et tantôt avec la droit. Elle sera pauvre et deviendra l'Église des indigents. Alors, les gens verront ce petit troupeau de croyants comme quelque chose de totalement nouveau: ils le découvriront comme une espérance pour eux-mêmes, la réponse qu'ils avaient toujours cherché en secret». (Joseph Ratzinger, 24 Décembre 1969: fin de la série de conférences radiophoniques à la Hesse Rundfunk, republié dans le livre Faith and the future, édition Ignatius Press) .
[ndt: je n'ai pas sur le moment la référence en français]
Le bruit de l'hélicoptère qui le ramènera au Vatican, dans une scène qu'aucun metteur en scène ou écrivain n'avait jamais même imaginé, aura peut-être la tâche de rappeler à la conscience de l'Eglise et du monde le trésor des enseignements, scellé par l'acte d'humble abandon, de ce pontife, et qui font écho à la question que le Christ fit à ses disciples, après avoir entendu le bourdonnement de la foule de Jérusalem qui n'accceptait pas ses enseignements: «Voulez-vous vous en aller, vous aussi?».

Mise à jour

(1) Il s'agit plutôt d'une mise au point, mais qui vaut d'être rappelée.
Monique me fait remarquer à juste titre:


Cet article semble dire que Benoît XVI se retrouve au milieu d'une "communauté priante" de moniales. Or, tous les autres commentateurs signalent qu'il n'y a plus de moniales à Mater Ecclesiae. J'ai plutôt tendance à penser ainsi car il serait bizarre qu'il se joigne à une communauté de femmes cloîtrées, tout Pape qu'il est. La seule communauté priante est, me semble-t-il, celle qu'il forme avec ses assistants. Ses assistantes sont en fait des laïques consacrées et non des religieuses cloîtrées.
On dit toujours que Benoît XVI s'est retiré dans un monastère. C'est très romantique mais n'est-il pas plus juste de dire qu'il vit dans les locaux d'un ANCIEN monastère?
Il n'est jamais bon d'entretenir le flou. Benoît XVI n'a rien à cacher, rien à prouver.