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La communion pour les divorcés remariés?

La rumeur persiste, même après avoir été vigoureusement démentie, que le Pape François a demandé au Conseil pontifical pour la famille de lui présenter une ébauche de projet. Voici ce que disait le cardinal Ratzinger, puis Benoît XVI. (28/4/2013, mise à jour le 29)

     

Ce matin, dans son émission "religieuse" dominicale sur une station de radio, Caroline Pigozzi, toujours aussi soucieuse de nous informer, a présenté comme un fait avéré que le Pape François s'apprêtait à ouvrir la communion aux divorcés-remariés (il s'agissait évidemment d'exalter son "progressisme, en attendant évidemment d'autres "ouvertures" plus consistantes...). On sait que la rumeur en avait en effet couru ces jours-ci dans la presse italienne, au point que le saint-Siège avait dû faire une mise au point, pas plus tard que le 25 avril:

25 avril 2013 (VIS) . Ce midi, le Conseil pontifical pour la famille a déclaré sans aucun fondement l'information publiée par plusieurs journaux italiens du jour, selon laquelle ce dicastère préparerait un document sur les divorcés remariés et la communion.

Le procédé utilisé est une fois de plus celui qui consiste à "ouvrir" (ou à faire ouvrir) une brèche dans le magistère, procédé très bien décrit dans un article de Marion Guében-Baugniet reproduit sur Belgicatho au moment de la parution du livre d'entretien avec Peter Seewald, "Lumière du monde"...

« Ouvrir une brèche » postule qu’il y a un mur, une muraille. La position de l'Église est donc posée erronément comme celle d’une forteresse. Et d’autre part, le présentateur postule que la vérité, c’est lui qui la détient et donc que le pape (ou l'Eglise, ou ses représentants) commence enfin à faire le premier pas vers la vérité en s’alignant sur l’opinion du moment. Voilà qui illustre bien la réalité pratique dans laquelle nous nous trouvons maintenant : le Magistère n’est plus au Vatican, il est sur les ondes.
Les médias ne cherchent pas la vérité mais à grignoter la position de l'Eglise dans un rapport de force…
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Quoi qu'il en soit de cette rumeur, on admettra que, sur cette question et d'autres, il règne une certaine confusion au sommet de l'Eglise, et qu'en d'autres temps, pas si lointain, on aurait parlé de "couacs", voire de dérapages, dans la communication du Saint-Siège.

Le Cardinal Ratzinger, et ensuite le Pape Benoît XVI se sont déjà exprimés à plusieurs reprises sur cette question.

     

Dans "Le sel de la terre"

Dans "Le sel de la terre", répondant à Peter Seewald, le cardinal Ratzinger s'exprimait en ces termes (pages 200 et suivantes):

Question: L'excommunication prononcée contre les gens mariés qui, divorcés, vivent dans une union civile non reconnue par l'Église n'est plus guère comprise aujourd'hui que par des catholiques extrêmement fidèles. Elle fait l'effet d'être injuste, humiliante et en fin de compte aussi non chrétienne. Vous-même, vous constatiez en 1972: « Le mariage est un sacrement... cela n'exclut pas que la communauté de l Église accueille aussi ces êtres humains qui reconnaissent cette doctrine et ces principes de vie, mais qui sont dans une situation de détresse particulière où ils ont spécialement besoin d'une pleine communauté avec le corps du Seigneur. »

Réponse: Je dois préciser, du point de vue du droit, que ces gens mariés ne sont pas excommuniés au sens formel du mot. L'excommunication est tout un faisceau de mesures punitives dont dispose l'Église, c'est la restriction de l'affiliation à l'Église. Ce châtiment administré par l'Église ne les frappe pas. Même si le signe qui saute tout de suite aux yeux, l'interdiction de communier, les concerne. Mais, comme je l'ai dit, ils ne sont pas excommuniés au sens juridique du mot. Ils sont toutefois des membres de l'Église, qui en raison de la situation particulière où ils vivent, ne peuvent pas participer à la communion. Qu'il s'agisse là d'un poids lourd à porter, précisément dans notre monde où le nombre de mariages rompus devient de plus en plus grand, cela ne fait aucun doute.
Je pense que l'on peut porter ce fardeau tout d'abord si l'on pense que bien d'autres gens n'ont pas non plus le droit de communier. Le problème n'est devenu si dramatique que parce que la communion est pour ainsi dire un rite social et que l'on est vraiment stigmatisé quand on n'y participe pas. Si l'on comprend que de nombreuses personnes doivent aussi se dire : j'ai commis une mauvaise action, je ne peux pas, tel que je suis, aller communier, et si, comme le dit saint Paul, on apprend ainsi à « discerner le corps du Christ », on verra aussitôt cela autrement. C'est une condition. Le second point, c'est qu'ils doivent sentir qu'ils sont quand même acceptés par l'Église, que l'Église souffre avec eux.

Q: Cela ressemble à un voeu pieux...
R: Naturellement, cela devrait pouvoir être rendu visible dans la vie de la communauté. Car, à l'inverse, il arrive qu'en assumant ce renoncement on puisse faire quelque chose pour l'Église et pour l'humanité, en donnant pour ainsi dire un témoignage de l'indissolubilité du mariage. Je crois que cela implique à son tour quelque chose de très important : la reconnaissance que la souffrance et le renoncement peuvent être quelque chose de positif, que nous devons trouver avec eux un nouveau rapport. Et enfin, que nous devons aussi avoir conscience que l'on peut participer utilement à la célébration de la messe, del'eucharistie, sans aller chaque fois communier. C'est donc toujours une chose difficile, mais je pense que si quelques autres facteurs connexes rentrent un peu mieux dans l'ordre, cela deviendra aussi plus facilement supportable.

Q: Quoi qu'il en soit, le prêtre prononce ces paroles « Heureux ceux qui sont invités à la table du Seigneur. » En conséquence, les autres devraient se sentir malheureux.
R: La traduction a malheureusement un peu obscurci le sens. Cela ne se rapporte pas directement à l'eucharistie. C'est tiré de l'Apocalypse et concerne l'invitation au repas de noce définitif, dont l'eucharistie est l'image. Donc, celui qui ne peut pas communier pour le moment ne doit pas pour autant être exclu de l'éternel repas de noce. Il s'agit d'inciter pour ainsi dire à un examen de conscience, afin que je pense à être digne un jour de ce repas éternel, et que je communie à présent en vue de me diriger vers l'autre table. Celui qui ne peut pas communier pour le moment est donc ainsi averti par ces paroles, en même temps que tous les autres, de penser au chemin qu'il doit faire, afin d'être un jour admis à l'éternel repas de noce. Et peut-être, parce qu'il a souffert, y sera-t-il d'autant mieux accepté.

Q: Cette question sera-t-elle encore discutée, ou est-elle déjà décidée et réglée une fois pour toutes ?
R: Fondamentalement, elle est décidée, mais bien sûr il peut toujours y avoir des problèmes factuels, des questions individuelles. Par exemple, on pourrait à l'avenir constater juridiquement que le premier mariage a été nul. Cela pourrait ensuite être établi par la paroisse locale, si elle est expérimentée. De tels développements juridiques, qui peuvent ôter la complexité du problème, sont concevables.
Mais le principe de l'indissolubilité du mariage, l'impossibilité de communier pour celui qui a abandonné le seul mariage valable de sa vie, le sacrement, et a contracté un autre mariage, ce principe-là en tant que tel est en fait définitivement maintenu.

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NB: Il en était question aussi dans Lumière du Monde, je n'e suis pas à la maison pour le moment, et je n'ai pas le livre sous la main.

     

Aux prêtres du Val d'Aoste

Le 25 juillet 2005, lors de ses brèves vacances au Val d'Aoste, le Saint-Père a rencontré les prêtres du diocèse dans l'église d'introd, et a longuement répondu, a braccio, à leur questions (en passant, soulignons sa disponibilité et sa générosité, de soustraire à deux semaines de repos au terme d'une année épuisante, une après-midi entière! mais ceci est une autre histoire, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir).

>>> Un prêtre a soulevé la question de la communion aux fidèles divorcés remariés. Voici la réponse du Saint-Père:

Nous savons tous que cela est un problème particulièrement douloureux pour les personnes qui vivent dans des situations où elles sont exclues de la communion eucharistique ainsi que, naturellement, pour les prêtres qui veulent aider ces personnes à aimer l'Eglise et à aimer le Christ. Cela pose un problème.

Aucun de nous n'a de solution toute faite, notamment parce que les situations sont toujours différentes. Je pense que la situation est particulièrement douloureuse pour les personnes qui se sont mariées à l'Eglise; mais qui ne sont pas vraiment croyantes et qui l'ont fait par tradition, puis ayant contracté un nouveau mariage non valide, se convertissent, trouvent la foi et se sentent exclues du Sacrement. Cela est réellement une grande souffrance, et lorsque j'étais Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, j'ai invité plusieurs Conférences épiscopales et spécialistes à étudier ce problème: un sacrement célébré sans foi. Je n'ose pas m'avancer en affirmant que l'on puisse trouver ici réellement un motif d'invalidité parce qu'il manquait une dimension fondamentale au mariage. Je le pensais personnellement, mais à la suite des discussions que nous avons eues, j'ai compris que le problème est très difficile et doit être encore approfondi. Mais étant donné la situation de souffrance de ces personnes, il doit vraiment être approfondi.

Je n'ose pas apporter une réponse immédiate; quoi qu'il en soit, deux aspects me semblent très importants. Le premier: même si elles ne peuvent avoir accès à la communion sacramentelle, ces personnes ne sont pas exclues de l'amour de l'Eglise et de l'amour du Christ. Une Eucharistie sans la communion sacramentelle immédiate n'est certainement pas complète, il manque une chose essentielle. Toutefois, il est également vrai que participer à l'Eucharistie sans communion eucharistique n'est pas égal à rien, cela signifie toujours participer au mystère de la Croix et de la résurrection du Christ. Il s'agit toujours d'une participation au grand Sacrement dans la dimension spirituelle et pneumatique; dans la dimension également ecclésiale, sinon strictement sacramentelle.

Et étant donné qu'il s'agit du sacrement de la Passion du Christ, le Christ souffrant embrasse de façon particulière ces personnes et dialogue avec elles d'une autre façon. Elles peuvent donc se sentir embrassées par le Seigneur crucifié qui tombe à terre et meurt et souffre pour elles, avec elles. Il faut donc faire comprendre que même si, malheureusement, il manque une dimension fondamentale, elles ne sont toutefois pas exclues du grand mystère de l'Eucharistie, de l'amour du Christ ici présent. Cela me semble important, tout comme il me semble important que le curé et la communauté paroissiale fassent sentir à ces personnes que, d'une part, nous devons respecter le caractère indissoluble du Sacrement et, de l'autre, que nous aimons ces personnes qui souffrent également pour nous. Et nous devons aussi souffrir avec elles, car elles apportent un témoignage important, parce que nous savons qu'à partir du moment où l'on cède par amour, on porte préjudice au Sacrement lui-même et son indissolubilité apparaît toujours moins vraie.

Nous connaissons le problème non seulement des Communautés protestantes, mais également des Eglises orthodoxes qui sont souvent présentées comme un modèle dans lequel il est possible de se remarier. Mais seul le premier mariage est sacramentel: eux aussi reconnaissent que les autres ne sont pas un Sacrement, il s'agit de mariages dans une mesure réduite, redimensionnée, dans des conditions de pénitence; d'une certaine façon, ils peuvent s'approcher de la Communion, mais en sachant que celle-ci est accordée "dans l'économie" - comme ils disent - en vertu d'une miséricorde qui, toutefois, n'ôte rien au fait que leur mariage n'est pas un Sacrement. L'autre point dans les Eglises orientales est que pour ces mariages, on a accordé la possibilité de divorcer avec une grande légèreté et que le principe de l'indissolubilité, et du véritable aspect sacramentel du mariage est gravement lésé.

Il y donc d'une part le bien de la communauté et le bien du Sacrement que nous devons respecter, et, de l'autre, la souffrance des personnes que nous devons aider.
Le second point que nous devons enseigner et rendre crédible également pour notre propre vie est que la souffrance, sous ses diverses formes, fait nécessairement partie de notre vie. Et il s'agit là d'une souffrance noble, je serais tenté de dire. Il faut à nouveau faire comprendre que le plaisir n'est pas tout. Que le christianisme nous donne la joie, comme l'amour donne la joie. Mais l'amour signifie également toujours renoncer à soi-même. Le Seigneur lui-même nous a donné la formule de ce qu'est l'amour: celui qui se perd se retrouve; celui qui gagne et se conserve soi-même se perd.

Il s'agit toujours d'un exode et donc également d'une souffrance. La véritable joie est une chose différente du plaisir, la joie croît, mûrit toujours dans la souffrance en communion avec la Croix du Christ. Ce n'est que de là que naît la véritable joie de la foi, dont ces personnes non plus ne sont pas exclues si elles apprennent à accepter leur souffrance en communion avec celle du Christ.

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2005/july/documents/hf_ben-xvi_spe_20050725_diocesi-aosta_fr.html

Mise à jour (29/4)

Monique T. m'écrit cette utile précision:
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Que le Pape François veuille se pencher sur ce problème n'est pas totalement invraisemblable étant donné l'importance qu'il donne à la miséricorde.
Benoît aussi montrait une grande compassion pour les personnes concernées, comme le montrent les articles que vous publiez.
Mais comment résoudre la question? Aucun pape n'y est parvenu.
L'effet Bergoglio étant magique, il se peut qu'on y parvienne!
Ce qui, par contre, paraît invraisemblable c'est que ce soit le Conseil pour la famille qui soit sollicité (sauf si c'est pour donner des statistiques). C'est du ressort de la Doctrine pour la foi. C'est pourquoi je tiens l'information pour au moins partiellement fausse.

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