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Pentecôte: deux homélies de Benoît XVI

A relire: celles de 2009, et de 2012, dans ma traduction de l'époque (19/5/2013)

Ce que l'air est pour la vie biologique, l'Esprit Saint l'est pour la vie spirituelle ; et comme il existe une pollution atmosphérique, qui empoisonne l'environnement et les êtres vivants, ainsi existe une pollution du coeur et de l'esprit, qui mortifie et empoisonne l'existence spirituelle.

De la même manière qu'il ne faut pas s'accoutumer aux poisons de l'air - et pour cela l'engagement écologique représente aujourd'hui une priorité -, on devrait en faire autant pour ce qui corrompt l'esprit. Il semble au contraire qu'aux nombreux produits polluant l'esprit et le coeur qui circulent dans nos sociétés - par exemple des images que mettent en spectacle le plaisir, la violence ou le mépris pour l'homme et la femme - à cela, il semble qu'on s'habitue sans difficulté.

Cela aussi est liberté, dit-on, sans reconnaître que tout cela pollue, intoxique l'esprit, surtout des nouvelles générations, et finit ensuite pour en conditionner la liberté même. La métaphore du vent impétueux de la Pentecôte fait penser à quel point il est au contraire précieux de respirer un air purifié, que ce soit avec les poumons, l'air physique, qu'avec le coeur, l'air spirituel, l'air salubre de l'esprit qui est l'amour!
(2009)


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Mais qu'est-ce que Babel? C'est la description d'un royaume dans lequel les hommes ont concentré tellement de pouvoir qu'ils pensent ne plus devoir faire de référence à un Dieu lointain, et être si forts qu'ils peuvent se construire une route qui mène au ciel pour en ouvrir les portes et se mettre à la place de Dieu.
Mais dans cette situation il se produit quelque chose d'étrange et d'inhabituel. Tandis que les hommes travaillaient ensemble pour construire la tour, tout à coup ils se sont rendus compte qu'ils étaient en train de construire les uns contre les autres. Tout en essayant d'être comme Dieu, ils couraient le danger de ne même plus être des hommes, parce qu'ils avaient perdu un élément fondamental de l'être un homme: la capacité à s'entendre, à se comprendre mutuellement et à travailler ensemble.
Ce récit biblique contient une vérité pérenne; nous pouvons le voir à travers l'histoire, mais aussi dans notre monde. Avec le progrès de la science et de la technologie, nous en sommes arrivés à pouvoir dominer les forces de la nature, à manipuler les éléments, à fabriquer les êtres vivants, presque jusqu'à l'être humain lui- même. Dans cette situation, prier Dieu semble quelque chose de dépassé, d'inutile, parce que nous-mêmes pouvons construire et créer tout ce que nous voulons. Mais nous ne réalisons pas que nous revivons l'expérience même de Babel. C'est vrai, nous avons multiplié les possibilités de communiquer, d'obtenir des informations, de transmettre des nouvelles, mais pouvons-nous dire que la capacité de nous comprendre a augmenté, ou que peut-être, paradoxalement, nous nous comprenons de moins en moins?
(2012)

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(Texte et commentaire ici: benoit-et-moi.fr/2009-I - Pour donner une idée de la façon dont les médias lisaient le magistère de Benoît XVI, la presse titrait "LPour le Pape, l'engagement écologique est aujourd'hui une prioprité"!)

Chaque fois que nous célébrons l'Eucharistie, nous vivons dans la foi le mystère qui s'accomplit sur l'autel, c'est-à-dire que nous participons au suprême acte d'amour que le Christ a réalisé avec sa mort et sa résurrection.
L'unique et même point central de la liturgie et de la vie chrétienne - le mystère pascal - assume ensuite, lors des différentes solennités et fêtes, des « formes » spécifiques, avec des significations ultérieures et avec des dons de grâce particuliers. Parmi toutes les solennités, la Pentecôte se distingue en importance, parce qu'en elle se réalise ce que Jésus lui-même avait annoncé être le but de toute sa mission sur la terre.
En effet, alors qu'il montait à Jérusalem, il avait déclaré à ses disciples : « Je suis venu pour jeter le feu sur la terre, et combien je voudrais qu'il fût déjà allumé ! » (Luc 12.49).
Ces mots trouvent leur plus évidente réalisation cinquante jours après la résurrection, dans la Pentecôte, ancienne fête juive qui dans l'Église est devenue la fête par excellence de l'Esprit Saint : « Il apparut comme des langues de feu… et tous furent comblés de l'Esprit Saint » (Act 2.3-4).

Le vrai feu, l'Esprit Saint, a été porté sur la terre par le Christ. Il ne l'a pas arraché aux dieux, comme le fit Prométhée, selon le mythe grec, mais il s'est fait médiateur du « don de Dieu » en l'obtenant pour nous par le plus grand acte d'amour de l'histoire : sa mort sur la croix.

Dieu veut continuer à offrir ce « feu » à chaque génération humaine, et naturellement il est libre de le faire comme et quand il veut. Il est esprit, et l'esprit « souffle où il veut » (cf. Jean3.8).

Il y a cependant une « voie normale » que Dieu lui-même a choisie « pour jeter le feu sur la terre » : cette voie est Jésus, son Fils Unique incarné, mort et ressuscité.

À son tour, Jésus Christ a constitué l'Église comme son Corps mystique, afin qu'il en prolonge la mission dans l'histoire.
« Recevez l'Esprit Saint » - dit le Seigneur aux Apôtres le soir de la Résurrection, accompagnant ces mots avec un geste expressif : « il souffla » sur eux (cf. Jean 20.22). Il manifesta ainsi qu'il leur transmettait son Esprit, l'Esprit du Père et du Fils.
Aujourd'hui, chers frères et soeurs, dans la solennité de ce jour, l'Écriture nous dit encore une fois comme doit être la communauté, comment nous devons être pour recevoir le don de l'Esprit Saint. Dans le récit, qui décrit l'évènement de la Pentecôte, l'Auteur sacré rappelle que les disciples « se trouvaient tous ensemble dans le même lieu ». Ce « lieu » est le Cénacle, la « chambre à l'étage supérieur » où Jésus avait fait avec les Apôtres la Dernière Cène, où il leur était apparu ressuscité ; cette chambre qui était devenue pour ainsi dire le « siège » de l'Église naissante (cf. Act 1.13). Les Actes des Apôtres toutefois, plus qu'insister sur le lieu physique, entendent souligner l'attitude intérieure des disciples : « Tous étaient persévérants et unis dans la prière » (Act 1.14).

Donc, la concorde des disciples est la condition pour que vienne l'Esprit Saint ; et le fondement de la concorde est la prière.

Ceci, chers frères et soeurs, vaut aussi pour l'Église d'aujourd'hui, vaut pour nous, qui sommes réunis ici. Si nous voulons que la Pentecôte ne se réduise pas à un simple rite ou à une commémoration suggestive, mais soit évènement actuel de salut, nous devons nous préparer dans l'attente religieuse du don de Dieu par l'humble et silencieuse écoute de sa parole.

Pour que la Pentecôte se renouvelle à notre époque, il faut peut-être - sans rien enlever à la liberté de Dieu - que l'Église « s'essouffle moins » dans les activités et s'adonne plus à la prière. C'est la Mère de l'Église, Marie Très sainte, Épouse de l'Esprit Saint, qui nous l'enseigne.

Cette année la Pentecôte coïncide avec le dernier jour de mai, où on célèbre habituellement la fête de la Visitation. Cette dernière fut aussi une sorte de petite « Pentecôte », qui fit jaillir la joie et la louange des coeurs d'Elisabeth et de Marie, l'une stérile et l'autre vierge, devenues toutes les deux mères par une extraordinaire intervention divine (cf. Luc 1.41-45).
La musique et le chant, qui accompagnent notre liturgie, nous aident aussi à être en accord dans la prière, et c'est pourquoi j'exprime une vive reconnaissance au Choeur du Dôme et à l'Orchestre de Chambre de Cologne. Pour cette liturgie, à l'occasion du bicentenaire de la mort de Joseph Haydn, on a en effet choisi très opportunément son "Harmoniemesse", la dernière des « Messes » composées par le grand musicien, une sublime symphonie à la gloire de Dieu. À vous tous venus pour cette circonstance, j'adresse mon cordial salut.

Pour désigner l'Esprit Saint, dans le récit de la Pentecôte les Actes des Apôtres utilisent deux grandes images : l'image de la tempête et celle du feu.

Clairement, Saint Luc a en tête la théophanie (teofania - manifestation de Dieu ) du Sinaï, racontée dans le livre de l'Exode (19.16-19) et du Deutéronome (4,10-12.36). Dans le monde ancien la tempête était vue comme signe de la puissance divine, en présence de laquelle l'homme se sentait subjugué et terrifié. Mais je voudrais souligner aussi un autre aspect : la tempête est décrite comme « vent impétueux », et ceci fait penser à l'air, qui distingue notre planète des autres astres et nous permet de vivre sur elle.

Ce que l'air est pour la vie biologique, l'Esprit Saint l'est pour la vie spirituelle ; et comme il existe une pollution atmosphérique, qui empoisonne l'environnement et les êtres vivants, ainsi existe une pollution du coeur et de l'esprit, qui mortifie et empoisonne l'existence spirituelle.

De la même manière qu'il ne faut pas s'accoutumer aux poisons de l'air - et pour cela l'engagement écologique représente aujourd'hui une priorité -, on devrait en faire autant pour ce qui corrompt l'esprit. Il semble au contraire qu'aux nombreux produits polluant l'esprit et le coeur qui circulent dans nos sociétés - par exemple des images que mettent en spectacle le plaisir, la violence ou le mépris pour l'homme et la femme - à cela, il semble qu'on s'habitue sans difficulté.


Cela aussi est liberté, dit-on, sans reconnaître que tout cela pollue, intoxique l'esprit, surtout des nouvelles générations, et finit ensuite pour en conditionner la liberté même. La métaphore du vent impétueux de la Pentecôte fait penser à quel point il est au contraire précieux de respirer un air purifié, que ce soit avec les poumons, l'air physique, qu'avec le coeur, l'air spirituel, l'air salubre de l'esprit qui est l'amour!


L'autre image de l'Esprit Saint que nous trouvons dans les Actes des Apôtres est le feu.

J'ai fait allusion plus haut à la comparaison entre Jésus et la figure mythologique de Prométhée, qui rappelle l'aspect caractéristique de l'homme moderne.

S'étant emparé des énergies du cosmos - le « feu » - l'être humain semble aujourd'hui s'affirmer lui-même comme un dieu et vouloir transformer le monde en excluant, en mettant de côté ou même en refusant le Créateur de l'univers. L'homme ne veut plus être image que Dieu, mais de lui-même ; il se déclare autonome, libre, adulte.

Évidemment, une telle attitude révèle un rapport non authentique avec Dieu, conséquence d'une fausse image de Lui qu'il s'est construite, comme le fils prodigue de la parabole évangélique qui croit se réaliser lui-même en s'éloignant de la maison du père. Ainsi, dans les mains d'un homme, le « feu » et ses énormes potentialités deviennent dangereux : ils peuvent se retourner contre la vie et l'humanité même, comme le montre malheureusement l'histoire.


Les tragédies d' Hiroshima et Nagasaki, où l'énergie atomique, utilisée pour des buts de guerre, a fini par semer la mort en proportions inouïes, restent pour toujours des avertissements.

On pourrait en vérité trouver beaucoup d'exemples, moins graves mais tout aussi symptomatiques, dans la réalité de chaque jour.
La Sainte Écriture nous révèle que l'énergie capable de remuer le monde n'est pas une force anonyme et aveugle, mais c'est l'action de l'« Esprit de Dieu qui flottait sur les eaux » (Gn 1.2) au début de la création. Et Jésus Christ « a porté sur la terre » non pas la force vitale, qui déjà y habitait, mais l'Esprit Saint, c'est-à-dire l'amour de Dieu qui « renouvelle le visage de la terre » en la purifiant du mal et en la libérant de la domination de la mort (cf. Ps 103/104.2930). Ce « feu » pur, essentiel et personnel, le feu de l'amour, est descendu sur les Apôtres, réunis en prière avec Marie dans le Cénacle, pour faire de l'Église le prolongement de l'oeuvre rénovatrice du Christ.

Enfin, une dernière pensée encore tirée du récit des Actes des Apôtres : l'Esprit Saint vainc la peur. Nous savons que les disciples étaient réfugiés dans le Cénacle après l'arrestation de leur Maître, et y étaient restés enfermés par peur de subir le même sort.

Après la Résurrection de Jésus, cette peur qu'ils ressentaient ne disparut pas d'un seul coup. Mais voilà qu'à la Pentecôte, lorsque l'Esprit Saint se posa sur eux, ces hommes sortirent dehors sans crainte et commencèrent à annoncer à tous la bonne nouvelle du Christ crucifié et ressuscité. Ils n'avaient aucune crainte, parce qu'ils se sentaient dans les mains du plus fort.

Oui, chers frères et soeurs, l'Esprit de Dieu, là où il entre, chasse la peur ; il nous fait connaître et sentir que nous sommes dans les mains d'une toute-puissance d'amour: quoiqu'il arrive, son amour infini ne nous abandonne pas.

En sont la preuve le témoignage des martyres, le courage des confesseurs de la foi, l'intrépide élan des missionnaires, la franchise des prédicateurs, l'exemple de tous les saints, certains même adolescents et enfants. Et aussi l'existence même de l'Église qui, malgré les limites et les fautes des hommes, continue à traverser l'océan de l'histoire, poussée par le souffle de Dieu et animée par son feu purificateur.
Avec cette foi et ce joyeux espoir nous répétons aujourd'hui, par l'intercession de Marie : « Envoie ton Esprit, Seigneur, pour renouveler la terre ! ».

(Texte ici: benoit-et-moi.fr/2012(II) )

Chers frères et sœurs,

je suis heureux de célébrer avec vous cette messe, animée aujourd'hui par le Chœur de l'Académie de Santa Cecilia et l'Orchestre de la jeunesse - que je remercie - dans la solennité de la Pentecôte.
Ce mystère constitue le baptême de l'Eglise, c'est un événement qui lui a donné, pour ainsi dire, sa forme initiale et l'impulsion pour sa mission.
Et cette «forme» et cette «impulsion» sont toujours valides, toujours actuelles, et renouvelées d'une manière spéciale à travers les actes liturgiques.
Ce matin, je voudrais aborder un aspect essentiel du mystère de la Pentecôte, qui conserve aujourd'hui toute son importance. La Pentecôte est la fête de l'unité, de la compréhension et de la communion humaine. Tous, nous pouvons constater combien dans notre monde, même si nous sommes toujours plus proches les uns des autres avec le développement des moyens de communication, et si les distances géographiques semblent disparaître, toutefois, la compréhension et la communion entre les personnes sont souvent superficielles et difficiles. Il y a encore des déséquilibres qui conduisent souvent à des conflits, le dialogue entre les générations devient pénible et parfois la confrontation prévaut; nous assistons à des événements quotidiens où il semble que les hommes sont de plus en plus agressifs et plus hargneux; se comprendre semble trop difficile et on préfère rester dans son propre ego, dans ses propres intérêts. Dans cette situation, pouvons-nous vraiment trouver et vivre l'unité dont nous avons tellement besoin?

Le récit de la Pentecôte dans les Actes des Apôtres, que nous avons entendu dans la première lecture (cf. Ac 2,1-11), contient en arrière-plan une des grandes fresques qui sont au début de l'Ancien Testament: l'histoire antique de la construction de la Tour de Babel (cf. Gn 11:1-9).

Mais qu'est-ce que Babel? C'est la description d'un royaume dans lequel les hommes ont concentré tellement de pouvoir qu'ils pensent ne plus devoir faire de référence à un Dieu lointain, et être si forts qu'ils peuvent se construire une route qui mène au ciel pour en ouvrir les portes et se mettre à la place de Dieu.
Mais dans cette situation il se produit quelque chose d'étrange et d'inhabituel. Tandis que les hommes travaillaient ensemble pour construire la tour, tout à coup ils se sont rendus compte qu'ils étaient en train de construire les uns contre les autres. Tout en essayant d'être comme Dieu, ils couraient le danger de ne même plus être des hommes, parce qu'ils avaient perdu un élément fondamental de l'être un homme: la capacité à s'entendre, à se comprendre mutuellement et à travailler ensemble.
Ce récit biblique contient une vérité pérenne; nous pouvons le voir à travers l'histoire, mais aussi dans notre monde. Avec le progrès de la science et de la technologie, nous en sommes arrivés à pouvoir dominer les forces de la nature, à manipuler les éléments, à fabriquer les êtres vivants, presque jusqu'à l'être humain lui- même. Dans cette situation, prier Dieu semble quelque chose de dépassé, d'inutile, parce que nous-mêmes pouvons construire et créer tout ce que nous voulons. Mais nous ne réalisons pas que nous revivons l'expérience même de Babel. C'est vrai, nous avons multiplié les possibilités de communiquer, d'obtenir des informations, de transmettre des nouvelles, mais pouvons-nous dire que la capacité de nous comprendre a augmenté, ou que peut-être, paradoxalement, nous nous comprenons de moins en moins?

Chez les hommes ne semble-t-il pas que s'insinue un sentiment de méfiance, de suspicion, de peur réciproque, jusqu'à en devenir dangereux l'un pour l'autre?
Retournons alors à la question initiale: peut-il y avoir vraiment l'unité, l'harmonie? Et comment? La réponse se trouve dans l'Ecriture Sainte: l'unité ne peut être que par le don de l'Esprit de Dieu, lequel nous donnera un cœur nouveau et un nouveau langage, une nouvelle capacité de communiquer. C'est ce qui s'est passé à la Pentecôte. Ce matin-là, cinquante jours après Pâques, un vent impétueux a soufflé sur Jérusalem et la flamme de l'Esprit-Saint descendit sur les disciples réunis, se posa sur chacun d'eux et alluma en eux le feu divin, un feu d'amour capable de transformer. La peur disparut, le coeur ressentit une force nouvelle, les langues se délièrent et se mirent à parler avec franchise, afin que chacun puisse comprendre le message de Jésus-Christ crucifié et ressuscité. A la Pentecôte, là où il y avait la division et l'aliénation, sont nées l'unité et la compréhension.

Mais regardons l'Évangile d'aujourd'hui, où Jésus affirme: «Quand il viendra, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière» (Jn 16,13 ). Ici, Jésus, en parlant de l'Esprit Saint, nous explique ce qu'est l'Église et comment elle doit vivre pour être elle-même, pour être le lieu de l'unité et de la communion dans la Vérité; il nous dit qu'agir en chrétiens signifie ne pas se fermer sur son «moi», mais s'orienter vers le tout; cela signifie accueillir en soi-même, l'Église toute entière ou, mieux encore, laisser qu'intérieurement elle nous accueille. Alors, quand je parle, je pense, j'agis comme chrétien, je ne le fais pas en me refermant en moi, mais je le fais toujours dans le tout et à partir du tout: ainsi l'Esprit Saint, Esprit d'unité et de vérité, peut continuer à résonner dans le cœur et dans l'esprit des hommes, et les inciter à se rencontrer et à s'accepter l'un l'autre. L'Esprit, précisément par le fait qu'il agit de cette façon, nous introduit dans toute la vérité, qui est Jésus, nous guide pour l'approfondir, la comprendre: nous ne grandissons pas dans la connaissance en nous enfermant dans notre «moi», mais seulement en devenant capable d'écouter et de partager, seulement dans le «nous» de l'Eglise, avec une attitude de profonde humilité intérieure. Et ainsi devient plus clair pourquoi Babel est Babel et la Pentecôte est la Pentecôte. Là où les hommes veulent être Dieu, ils ne peuvent que se mettre l'un contre l'autre. Mais là où ils se placent dans la vérité du Seigneur, ils s'ouvrent à l'action de son Esprit qui les soutient et qui les unit.

Le contraste entre Babel et Pentecôte trouve aussi un écho dans la deuxième lecture, où l'Apôtre dit: «Marchez selon l'Esprit et vous ne serez pas portés à satisfaire le désir de la chair »(Gal 5,16). Saint Paul nous explique que notre vie personnelle est marquée par un conflit interne, une division entre les impulsions venant de la chair et celles qui viennent de l'Esprit, et nous ne pouvons pas les suivre toutes. Nous ne pouvons pas, en effet, être à la fois égoïste et généreux, suivre la tendance à dominer les autres et éprouver la joie du service désintéressé.
Nous devons toujours choisir quelle impulsion suivre et nous ne pouvons le faire de manière authentique qu'avec l'aide de l'esprit du Christ.
Saint Paul énumère les œuvres de la chair, ce sont les péchés d'égoïsme et de violence, comme l'inimitié, la discorde, la jalousie, la dissension; ce sont des pensées et des actions qui ne font pas vivre de manière vraiment humaine et chrétienne, dans l'amour. C'est une direction qui mène à perdre sa propre vie. En revanche, l'Esprit Saint nous guide vers les hauteurs de Dieu, pour que que nous puissions vivre, déjà sur cette terre, la semence de vie divine qui est en nous. Saint Paul affirme en effet:«Le fruit de l'Esprit est amour, joie, paix» (Gal 5.22)
Nous notons que l'apôtre utilise le pluriel pour décrire les œuvres de la chair, provoquant la dispersion de l'être humain, alors qu'il utilise le singulier pour définir l'action de l'Esprit, parlant de «fruit», tout comme la dispersion de Babel s'oppose à l'unité de la Pentecôte.

Chers amis, nous devons vivre selon l'Esprit d'unité et de vérité, et pour cela, nous devons prier pour que l'Esprit nous éclaire et nous guide pour vaincre la fascination de suivre nos vérités, et pour accepter la vérité du Christ transmise dans l'Église. Le récit de la Pentecôte par Luc nous dit que Jésus, avant de monter au ciel, a demandé aux apôtres de rester ensemble pour se préparer à recevoir le don de l'Esprit Saint. Et ils se sont réunis en prière avec Marie au Cénacle, dans l'attente de l'évènement promis (cf. Ac 1,14).
Rassemblée avec Marie, comme à sa naissance, aujourd'hui encore, l'Eglise prie: «Veni Sancte Spiritus! - Viens, Esprit Saint, remplis les cœurs de tes fidèles et allume en eux le feu de ton amour ».

Amen.