Accueil

Une Église au bord du naufrage

A Milan, invité par le cardinal Scola, un discours apocalyptique de Christoph Schönborn (11/12/2013)

Et pendant ce temps-là, le Pape est élu "homme de l'année" par Time Magazine...
Que faut-il croire?

Hier 10 décembre, Christoph Schönborn était l'invité du Cardinal Scola, à la cathédrale de Milan, pour faire, devant un parterre de laïcs et de religieux un exposé sur "la nouvelle évangélisation, dans le contexte des grandes métropoles, traversées par de grands changements culturels et démographiques".

Il a dressé un tableau sombre (voire catastrophiste) de l'état de l'Eglise; on pourrait y voir l'un des éléments qui ont convaincu les cardinaux d'élire comme pape le cardinal Bergoglio: la peur, et comme conséquence, l'envie d'essayer "autre chose".

Voici le compte-rendu de Matteo Matzuzzi, pour Il Foglio (et ici, en italien, celui sur le site du diocèse de Milan, dont sont issues les photos: )

     

Le discours apocalyptique de Schönborn. L'Europe chrétienne risque le naufrage
http://www.ilfoglio.it/soloqui/21030
-----

Milan. Loin d'être heureuse, cette Église est humiliée, appauvrie, découragée.
Il a choisi d'oublier le noble aplomb qui le distingue, la sérénité du pasteur érudit qui depuis près de vingt années est à la tête du diocèse qui fut la capitale de l'Autria felix.
Hier matin, dans la cathédrale de Milan, le cardinal Christoph von Schönborn, vêtu de l'élégante cape noire d'évêque, a tracé les contours d'une Église souffrante, dont l'avenir est maintenant plus incertain que jamais. C'est lui qu'avait choisi le cardinal Angelo Scola, pour parler du défi de l'évangélisation dans les contextes métropolitains traversés par de grands changements. En Février, ce sera le tour du cardinal Tagle, archevêque de Manille. Schönborn a choisi de ne pas suivre le texte préparé, préférant s'adresser au clergé ambrosien debout, de l'ambon.

Une heure d'intervention, ponctuée de quelques pauses durant lesquelles le cardinal méditait sur les mots à utiliser, gardant les mains jointes, comme en prière.
D'abord, il y avait eu la présentation, confiée au maître de maison, le cardinal Scola, qui a énuméré le riche CV du théologien dominicain originaire de Bohème. Un éloge que Schönborn, en plaisantant, a qualifié d'«éloge funèbre qui m'intimide». Puis, dans le silence de la cathédrale bondée de prêtres, il a parlé de Vienne, son diocèse. Mais la situation décrite pouvait être appliquée à tous les autres grands diocèses européens, Milan inclus. «La crise des catholiques à Vienne est dramatique. L'autre jour, on m'a informé que leur nombre a chuté en dessous de quarante pour cent, ils sont maintenant sur le chemin des trente pour cent ".

Selon lui, les raisons de la crise sont au nombre de trois: «En premier, le problème démographique, qui implique presque tout le monde. Deuxièmement, chaque année, plus d'un pour cent des viennois quittent l'église. Il suffit d'aller chez un magistrat, et c'est fait. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'apostasie. Souvent, ceux qui partent le font parce que depuis quelque temps, ils ne s'y reconnaissent pas. Cela semble peu, un pour cent par an. Mais si nous regardons un peu plus loin, nous réalisons qu'avec cette tendance, nous arriverons à plus de dix pour cent en dix ans». La troisième raison de la crise est donnée par les scandales qui ont ébranlé l'Eglise autrichienne, «autrefois Église d'État,impériale». Schönborn, à ce propos, a rappelé qu'il était archevêque de Vienne parce que son prédécesseur, Hans Hermann Groër, avait été contraint de démissionner car accusé de pédophilie.

Une situation dramatique, apocalyptique, mais qui peut aussi avoir des aspects positifs. Pour regarder l'avenir avec confiance et espoir, a dit le cardinal autrichien, on pourrait garder à l'esprit la recette du cardinal Newman, «loss and gain», perdre et gagner. On perd beaucoup, mais on gagne peut-être quelque chose. En attendant, on peut redécouvrir la valeur de la lectio divina, dont viendra «le renouveau de l'Église», disait le «Professeur Ratzinger», souvent cité par Schönborn. Il est nécessaire de réaliser «que nous sommes devenus pauvres, pas encore économiquement, mais humainement. Nous sommes humiliés, nous sommes devenus peu».

Est-ce une coïncidence que lors de la dernière assemblée diocésaine de Vienne, on ait longuement réfléchi sur le naufrage de saint Paul à Malte, un passage des Actes des Apôtres, qui raconte le sauvetage de Paul par les païens? «Certains m'ont traité de fou pour le thème choisi, mais je précise, pas parce que l'église faisait naufrage».
Mais le danger est là, comme le disent les chiffres, les églises de plus en plus vides («aujourd'hui nous sommes obligés de céder les églises à d'autres communautés chrétiennes»). C'est pourquoi il y a besoin d'évangélisation, en gardant à l'esprit, cependant, le sens réel de ce mot, souvent confondu avec la «mission». À cet égard, Schönborn parle de sa déception pour la façon dont s'est déroulé le dernier Synode, celui de 2012. Le thème était l'évangélisation: «Je continuais à dire de parler de nos expériences, pas celles de la curie, mais celle des missions. Les évêques, en fait, devraient être les premiers évangélisateurs. Au lieu de cela, chaque évêque dans son beau discours préparé mettait l'étiquette "évangélisation" sur tout ce qu'il faisait dans son diocèse».

Mais l'évangélisation, a-t-il ajouté, «se fait seulement face-à-face. Bien sûr, il y a Twitter, il y a Facebook, il existe des réseaux sociaux. Mais ils sont quelque chose d'autre».
Compte tenu de l'expérience de 2012, il a dit: «Je suis très curieux de voir ce qui va arriver avec la prochaine initiative du Pape François» prévue pour Octobre à Rome.

«Nous sommes une minorité, mais pas une secte», a dit le cardinal de Vienne. Une minorité «n'a plus le pouvoir d'imposer à la politique sa propre vision». Que l'on pense à «l'avortement, l'euthanasie, ces choses terribles. Pensons à la famille chrétienne, qui aujourd'hui n'est plus la norme, mais l'exception. Nous devons être comme le sel, qui n'abonde jamais», mais qui est important pour la réussite d'un plat. «Nous devons avoir un rôle dans la société». C'est seulement de cette manière que pourra se concrétiser une nouvelle évangélisation, qui portera ses fruits.
Pour commencer, il nous faut accepter le temps dans lequel nous vivons, dire, assez avec la nostalgie des années cinquante, lorsque les églises étaient remplies jusqu'à trois fois chaque dimanche. C'est le passé, aujourd'hui, il nous faut regarder ce monde».