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Une interviewe du Cardinal Barbarin

... par Paolo Rodari.La phrase qui a amené le précédent conclave à choisir le cardinal Bergoglio: "J'ai l'impression que Jésus a été enfermé à l'intérieur de l'Église et qu'il frappe parce qu'il veut sortir" (5/11/2013)

Pour beaucoup d'entre eux, sans doute est-ce crédible...

     

«J'ai l'impression que Jésus a été enfermé à l'intérieur de l'Église et qu'il frappe parce qu'il veut sortir».
Voilà ce qu'a dit Jorge Mario Bergoglio avant le Conclave selon le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon
1er novembre 2013
Paolo Rodari
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«Dans son discours lors des congrégations générales qui ont précédé le conclave, le cardinal Jorge Mario Bergoglio a parlé avec insistance de la nécessité que l'Eglise "sorte d'elle-même". Il a dit que l'Eglise était malade, qu'elle devait prendre soin d'elle-même. Son bref discours a frappé tout le monde. Il a dit textuellement: "J'ai l'impression que Jésus a été enfermé à l'intérieur de l'Église et qu'il frappe parce qu'il veut sortir, il veut s'en aller" ».

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«Bergoglio a demandé aux évêques d'être vraiment des pasteurs et pas des administrateurs. D'ailleurs, c'est ce qu'il a fait a Buenos Aires en refusant, par exemple, d'aller vivre dans la résidence de l'évêque. Tout comme, maintenant qu'il est Pape, sa décision de vivre à Sainte Marthe. Il a besoin de voir les gens, de rencontrer simplement les gens pour parler avec eux dans les couloirs, pendant les repas ... Le mot "sortir", on le sait, est important. Nous pouvons dire que c'est le mot qui définit le mieux la mission de Jésus, il est sorti en quelque sorte de lui-même pour aller vers les périphéries, là où l'homme vit, perdu et en difficulté».

Ainsi l'archevêque de Lyon, le cardinal Philippe Xavier Ignace Barbarin - qui, pendant la Sede Vacante, venait au Vatican en vélo -, révèle comment, dès les réunions de pré-conclave, Bergoglio a utilisé des mots durs pour décrire la situation de l'Eglise. «Le Christ est enfermé en prison», a dit le futur pape pendant les congrégations générales. Des mots qui ont convaincu les cardinaux de le choisir parce que, dit Barbarin, «ce discours a frappé tout le monde».

- C'est son discours durant les congrégations qui a convaincu les Cardinaux de voter pour Bergoglio, ou bien son nom était-il dans les esprits des cardinaux avant?

«Le nom du cardinal Bergoglio circulait beaucoup parmi les cardinaux. Tous, cependant, nous avons été impressionnés par son discours, durant les congrégations générales. Il a parlé de la nécessité de regarder ailleurs. Il a parlé de l'Amérique latine, où 40 pour cent de la population est catholique. Il a été capable de diriger la province jésuite qui lui avait été confiée pendant la période difficile de la dictature militaire. Il s'est bientôt retrouvé à la tête de l'Archidiocèse de Buenos Aires, où il a montré un grand zèle missionnaire, dans un véritable esprit de pauvreté et de proximité à toutes les personnes qui lui avaient été confiées. Il nous est apparu comme un homme de grande autorité qui sait comment mettre en place son propre chemin et prendre les bonnes décisions. Déjà au cours des derniers mois, nous voyons comment toutes ces qualités sont mises sur le terrain. Ce qui frappe surtout, c'est sa simplicité et la clarté (?) de ses homélies, et en même temps, le lancement du grand programme de réforme de la Curie romaine. C'est la réforme que l'Eglise attend et dont elle a grand besoin».

- Cette réforme est urgente, à votre avis?

«La réforme doit certainement avoir lieu. Le Conseil des Cardinaux saura comment faire. Il vise à réorganiser l'Eglise, servant les églises locales et collaborant en collégialité avec les évêques du monde. Nous pouvons dire de la Curie ce que le Pape a dit l'Eglise: "Il est bon et sain s'elle occupe d'elle-même avant de s'occuper des autres" »

- Que pensez-vous de la réforme de l'IOR? Est-il juste que le Vatican dispose d'une banque?

«La question n'est pas de savoir s'il doit y avoir une banque au Vatican ou non. Il est évident que le Vatican a besoin d'argent, comme chaque diocèse ou institution de l'Eglise. Mais la question est de savoir si et comment l'argent entre au Vatican, si oui ou non tout est transparent, vérifiable, comment les dépenses sont organisées».

- Dernièrement, un site chilien a rapporté les mots que le Pape aurait dits à des religieux Sud-Américains sur l'existence d'un "lobby gay" au Vatican. Ce lobby existe vraiment, selon vous? Pourquoi le pape en a-t-il parlé?

« Evidemment, je ne sais rien à ce sujet. Ce qui est certain, c'est que tous les hommes sont pécheurs, et donc aussi au Vatican il y a des hommes qui font des erreurs. Il serait insensé de dire: "N'en croyez rien, au Vatican c'est impossible". Mais je ne veux pas amplifier les rumeurs et les ouï-dire. Si le pape a quelque chose de clair à dire à ce sujet, nous le saurons. Et s'il décide d'agir, il le fera certainement».

- Ratzinger, dans la Via Crucis au Colisée en 2005 a parlé de la "saleté" présente dans l'Église. François, encore, parle souvent des «maux» au sein de l'Eglise. A quoi font-ils allusion?

« Oui, c'est une triste réalité. L'Église, depuis les simples fidèles jusqu'au sommet de la hiérarchie est endommagée et parfois discréditée par les péchés et les scandales de ceux qui la composent. C'est une grande blessure intérieure. Bien sûr, nous sommes tous pécheurs, mais s'il y en a qui ne laissent pas le Christ hors de ce péché, qui ne se soumettent pas à la miséricorde de Dieu, les dégâts peuvent être importants, surtout si la personne qui commet le péché est dans une position de responsabilité considérable. Bien sûr, dans l'histoire, nous avons vu beaucoup de papes qui n'étaient pas des exemples, mais nous croyons que, malgré les nombreux péchés, l'Eglise bénéficie du soutien constant du Saint-Esprit. Il a les paroles de la vie éternelle ».

- Souvent, l'Eglise est appelée à faire face aux problèmes les plus difficiles des gens. De plus en plus de fidèles vivent des situations difficiles. Les familles se défont souvent. Il y a beaucoup de couples divorcés et remariés qui n'ont pas accès à la communion. Comment traitez-vous ces problèmes à Lyon? Quelles solutions?

« Oui, la souffrance est toujours plus lourde, en général, à la fois dans l'Eglise de Lyon et ailleurs. On a l'impression que non seulement les familles, mais la société toute entière, en arrivent à s'effacer, et on se demande avec une certaine inquiétude où va l'avenir. Il y a en cours une déconstruction presque désirée, programmée pour enlever leurs racines aux jeunes et parfois même aussi aux familles. Mais chacun a sa place dans l'Eglise. Benoît XVI l'a répété souvent. Le Seigneur a choisi comme l'un des piliers de son Église un renégat, Pierre, qui l'avait lâchement abandonné au moment de la passion, et un «parasite» de l'Eglise, comme Paul, et tous deux sont devenus des piliers de l'édifice. De la même façon, il saura utiliser chacun d'entre nous, quels que soient nos faiblesses et nos péchés. Nous devons avancer graduellement (c'est la loi de la gradualité, si souvent expliqué par le pape Jean-Paul II) sur un chemin où la miséricorde et l'attention pour chaque personne sont illimitées. Et là où la Parole de Dieu est accueillie, la lumière de la vérité, même si elle nous mène à travers les moments de souffrance et d'angoisse, conduit certainement à un chemin de félicité».