Célibat sacerdotal
Les propos de Mgr Parolin, prochain secrétaire d'Etat du Vatican, relèvent-ils d'une erreur de communication? Voici ce qu'en disait Joseph Ratzinger. Reprise (12/9/2013)
Les déclarations peut-être imprudentes, mais très brèves, de Mgr Parolin, le Secrétaire d'Etat qui va remplacer le cardinal Bertone, à un quotidien vénézuélien, auxquelles j'avais fait allusion hier, ne sont pas tombées dans l'oreille de sourds, elles sont même tombées dans les "mauvaises oreilles".
N'y a t-il pas un vrai problème de "communication"?
En tout cas, les médias en font leurs choux gras, titrant sans pudeur sur une prochaine "avancée". Ce matin, Europe 1 (dont on se demande, "au nom du Ciel", en quoi il peut être concerné) a invité à pontifier les inoxydables Odon Vallet et Christine Pedotti. Sans compter la fondatrice d'une association (dont j'ai oublié le nom) qui milite pour la reconnaissance du statut de "femme de prêtre" (!!)
Cette accumulation d'"avancées" (mariage des prêtres, accueil des immigrés, cession des locaux de l'Eglise aux associations, lettre au non croyant Scalfari, etc..) en deux jours, cela commence à faire beaucoup, et cela suggère - ou conforte - une attaque d'envergure (mais "soft" en apparence) des médias contre l'Eglise.
Ce site a consacré pas mal d'articles au serpent de mer du célibat des prêtres.
En voici un qui, me semble-t-il, apporte pas mal d'arguments.
Il date de mars 2010, alors que l'antipape (d'alors!) Küng venait de délivrer sa dernière encyclique, à laquelle Le Monde accordait une large place:
Le célibat n'était pas encore en vigueur pendant le premier millénaire de l'ère chrétienne. En Occident, il a été institué au XIe siècle sous l'influence de moines (qui, eux, étaient des célibataires par choix). On le doit au pape Grégoire VII, celui-là même qui a contraint l'empereur du Saint Empire romain germanique à s'agenouiller devant lui à Canossa (1077), et cela en dépit de l'opposition virulente du clergé italien et plus encore du clergé allemand.
...
La règle du célibat devait (..) devenir - en même temps que l'absolutisme papal et le renforcement du cléricalisme - un pilier essentiel du "système romain". Contrairement à ce qui a cours dans les Eglises d'Orient, le clergé occidental, ainsi voué au célibat, apparaît de ce fait comme complètement séparé du peuple chrétien : comme une classe sociale dominante singulière, fondamentalement au-dessus des laïcs, mais totalement soumise à l'autorité pontificale romaine. Or l'obligation du célibat constitue aujourd'hui la cause principale du déficit catastrophique en prêtres, de l'abandon - lourd de conséquences - de la pratique de la communion et dans bien des cas de l'effondrement de l'assistance spirituelle personnalisée.
J'écrivais alors:
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Mais que pense Joseph Ratzinger du célibat? Finalement, c'est quand même lui le Pape, et curieusement, il n'est jamais cité (si ce n'est pour mettre dans sa bouche des propos qu'il n'a jamais tenus).
Tout récemment, il s'est exprimé sur ce sujet devant les membres de la Congrégation pour le clergé.
Il disait en effet (cf. La mission du prêtre recadrée):
L'horizon de l'appartenance ontologique à Dieu est aussi le juste cadre pour comprendre et réaffirmer, encore aujourd'hui, la valeur du célibat sacré, qui dans l'Église latine est un charisme requis pour l'Ordination Sacrée (cf. Ordinis, 16) et est tenue en haute estime dans les Églises orientales .
Il est authentique prophétie du Royaume, signe de consécration au Seigneur avec un cœur sans partage au Seigneur et aux «choses du Seigneur», expression du don de soi à Dieu et aux autres ...
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C'est le moment de relire ce qu'il disait à Peter Seewald en 1997 dans "Le Sel de la terre".
Si nous avons tant de difficulté aujourd'hui à comprendre cette sorte de renoncement, c'est parce que notre relation avec le mariage et les enfants a radicalement changé. Mourir sans enfants signifiait autrefois avoir vécu inutilement : la trace de ma vie se perd, et je suis tout à fait mort. S'il existe des enfants de moi, je continue à vivre en eux, c'est une sorte d'immortalité que j'obtiens grâce à ma descendance. Aussi, la première condition pour vivre vraiment, c'est d'avoir une descendance et de rester ainsi sur la terre des vivants.
...Le renoncement au mariage et à la famille doit être compris de ce point de vue : je renonce à ce qui est humainement non seulement le plus normal, mais aussi le plus important. Je renonce à fournir de la vie à l'arbre de vie, à avoir ma propre terre de vie, et je crois que mon pays est réellement Dieu - et ainsi je rends crédible aux autres l'existence du royaume de Dieu.
Le célibat a donc en même temps un sens christologique et apostolique. Il ne s'agit pas seulement d'économiser du temps - j'ai un peu plus de temps à ma disposition parce que je ne suis pas père de famille -, cela serait une vue trop primitive et trop pragmatique. Il s'agit vraiment d'une existence qui mise tout sur la carte de Dieu et abandonne ce qui seul rend en principe une existence adulte et lui donne de l'avenir.
Ce n'est certainement pas un dogme. C'est une habitude de vie, qui s'est formée très tôt dans l'Église pour des motifs fondés, tirés de la Bible. De nouvelles recherches montrent que le célibat remonte encore bien plus loin que les sources juridiques connues ne le disent, jusqu'au IIème siècle.
Ce qui révolte aujourd'hui les gens contre le célibat, je crois, c'est de voir que tant de prêtres ne l'admettent pas en eux-mêmes, le vivent hypocritement, ou mal, ou pas du tout, ou au milieu de grands tourments...
[...] Il faut comprendre que dans les époques où le célibat est en crise, le mariage l'est également. Car aujourd'hui nous ne sommes pas confrontés aux seules ruptures du célibat, le mariage lui-même, comme base de notre société, est de plus en plus fragile. Dans les législations des États occidentaux, nous voyons qu'il est de plus en plus placé sur le même niveau que d'autres modes de vie et de plus en plus souvent dissous devant les tribunaux. La difficulté de vivre vraiment le mariage n'est pas moindre, en fin de compte. Pratiquement parlant, tout ce que nous obtiendrions après l'abolition du célibat, ce serait une autre sorte de problématique, celle du divorce des prêtres. L'Église protestante ne l'ignore pas.
[...Nous devons] choisir avec plus de soin encore les candidats au sacerdoce.
Le sacerdoce ne doit être assumé que librement, il ne s'agit pas de dire : Eh bien, je voudrais devenir prêtre, je m'arrangerai de ça comme du reste. Ou de dire : Allons, les filles ne m'intéressent pas tellement, je m'en sortirai bien. Ce n'est pas une base de départ. Le candidat au sacerdoce doit reconnaître que la foi est la force de sa vie et doit savoir qu'il ne pourra assumer ce mode de vie que dans la foi.
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Je dois faire clairement entendre qu'en tout cas le serment prononcé avant l'ordination empêche qu'il y ait des célibataires forcés. On n'est admis au sacerdoce que si on le veut de son plein gré.
Cela paraît tout à fait flagrant [...] qu'il y a un rapport entre la crise du célibat et la crise du mariage. Dans les deux cas, il s'agit d'une décision de vie définitive, qui concerne le centre de ma propre personnalité : puis-je dès maintenant, disons, à vingt-cinq ans, disposer de ma vie entière ?
L'homme est-il capable d'une telle chose ? Est-il possible de supporter cela et de s'épanouir comme être vivant et de mûrir - ou ne dois-je pas plutôt me garder constamment ouvert à d'autres possibilités ? Au fond, la question se présente ainsi : l'homme a-t-il la possibilité de fixer définitivement le domaine central de son existence ? Peut-il, en décidant de sa manière de vivre, assumer un lien définitif ? À cela je répondrai deux choses : il ne le peut que s'il est réellement et solidement ancré dans la foi ; et deuxièmement, c'est seulement ainsi qu'il arrive à la plénitude de l'amour humain et de la maturité humaine. Tout ce qui reste inférieur au mariage monogame est trop peu pour l'être humain.
Je crois que l'on n'améliorera rien au fond en renonçant à cette condition, mais que l'on ne fera que masquer une crise. Naturellement, c'est une tragédie pour une Église quand beaucoup de prêtres mènent plus ou moins une double vie. Ce n'est malheureusement pas la première fois. Â la fin du Moyen Âge, nous avons eu une situation semblable, ce fut l'une des causes de la Réforme. C'est un processus tragique, sur lequel on doit réfléchir, au nom aussi des hommes qui en souffrent réellement. Mais je crois, et d'après le résultat du dernier synode épiscopal c'est la conviction de la grande majorité des évêques, que la véritable question est la crise de la foi. En cédant sur ce point, nous n'aurions pas des prêtres plus nombreux et meilleurs, mais nous masquerions cette crise et nous obtiendrions malhonnêtement des solutions par un moyen illusoire.
Il ne faut cependant pas considérer comme tout à fait absolue une habitude de vie de l'Église, si profondément ancrée et fondée soit-elle. Il est certain que l'Église devra toujours se poser la question, elle vient de le faire lors de deux synodes.
Mais je pense, d'après toute l'histoire de la chrétienté occidentale et aussi d'après la vision intérieure qui préside à l'ensemble, que l'Église n'aurait pas grand-chose à gagner en s'orientant vers cette dissociation ; elle perdra beaucoup si elle le fait.
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Je ne crois pas que l'argument [selon lequel le célibat doit être aboli pour la seule raison, déjà, que sans cela l'Église n'aura plus de prêtres] soit vraiment fondé.
La question du renouvellement des prêtres a plusieurs aspects. Elle est d'abord en relation avec le nombre d'enfants. Si aujourd'hui la moyenne du nombre d'enfants est de 1,5, la question des vocations possibles se pose tout autrement qu'en des temps où les familles étaient nettement plus nombreuses. Et les familles d'aujourd'hui ont des projets bien différents. Nous constatons que les principaux obstacles au métier de prêtre viennent souvent des parents. Ils nourrissent de tout autres espoirs pour leurs enfants. C'est le premier point. Le second point, c'est que le nombre de chrétiens actifs est beaucoup plus réduit et donc que le groupe où le choix pourrait se faire est devenu plus petit. Relativement au nombre d'enfants et au nombre des membres vraiment croyants de l'Église, le renouvellement des prêtres n'a sans doute pas faibli. Il faut donc tenir compte de cette proportion. La première question à poser est celle-ci : y a-t-il des croyants ? Et ensuite seulement vient la seconde question : donnent-ils des prêtres ?