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Eduquer à la joie de la foi

Discours de l'évêque de Rome (Benoît XV)I aux participants au Congrès Ecclésial du Diocèse de Rome, le 5 juin 2006 (7/10/2013)

Rencontre avec les jeunes catholiques

6 avril 2006

Basilique de Saint-Jean-de-Latran
Lundi 5 juin 2006

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Éduquer les nouvelles générations à la foi est un devoir important et fondamental qui touche la communauté chrétienne tout entière.
Chers frères et soeurs, vous touchez du doigt combien ce devoir est devenu aujourd'hui particulièrement difficile sous de nombreux aspects, mais précisément pour cette raison d'autant plus important et plus que jamais urgent.

Il est en effet possible d'identifier deux orientations fondamentales de l'actuelle culture sécularisée, clairement interdépendantes l'une de l'autre, qui poussent dans une direction opposée à celle de l'annonce chrétienne, et qui ne peuvent manquer d'avoir une répercussion sur les personnes qui sont en train de développer leurs propres orientations et choix de vie. L'une de celles-ci est l'agnosticisme qui jaillit lorsque l'intelligence humaine est réduite à une simple raison calculatrice et fonctionnelle, et qui tend à étouffer le sens religieux inscrit au plus profond de notre nature. L'autre est le processus de relativisme et de déracinement qui ronge les liens les plus sacrés et les sentiments les plus dignes de l'homme, avec pour résultat de rendre les personnes fragiles, et nos relations réciproques précaires et instables.

Précisément dans cette situation, nous avons tous besoin, et en particulier nos enfants, nos adolescents et nos jeunes ont besoin de vivre la foi comme une joie, de goûter la profonde sérénité qui naît de la rencontre avec le Seigneur. J'ai écrit dans l'Encyclique Deus caritas est: "Nous avons cru à l'amour de Dieu, c'est ainsi que le chrétien peut exprimer le choix fondamental de sa vie. A l'origine du fait d'être chrétien, il n'y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive" (n. 1). La source de la joie chrétienne est la certitude d'être aimés de Dieu, aimés personnellement par notre Créateur, par Celui qui tient entre ses mains l'univers tout entier et qui aime chacun de nous et toute la grande famille humaine d'un amour passionné et fidèle, un amour plus grand que nos infidélités et péchés, un amour qui pardonne. Cet amour "est si grand qu'il retourne Dieu contre lui-même" comme cela apparaît de façon définitive dans le mystère de la Croix: "Dieu aime tellement l'homme que, en se faisant homme lui-même, il le suit jusqu'à la mort et il réconcilie de cette manière justice et amour" (Deus caritas est, n. 10).

Chers frères et soeurs, cette certitude et cette joie d'être aimés de Dieu doit être rendue d'une certaine façon tangible et concrète pour chacun de nous, et en particulier pour les jeunes générations qui entrent dans le monde de la foi. En d'autres termes: Jésus a déclaré être le "chemin" qui conduit au Père, outre la "vérité" et la "vie" (cf. Jn 14, 5-7).
La question qui se pose est donc: comment nos enfants et nos jeunes peuvent-ils trouver en Lui, dans la pratique et dans leur existence, ce chemin de salut et de joie? Telle est précisément la grande mission au service de laquelle l'Eglise existe, comme famille de Dieu et compagnie d'amis dans laquelle nous sommes introduits à travers le Baptême déjà en tant que petits enfants, et dans laquelle doivent croître notre foi et notre joie, ainsi que la certitude d'être aimés du Seigneur. Il est donc indispensable - et telle est la mission confiée aux familles chrétiennes, aux prêtres, aux catéchistes, aux éducateurs, et aux jeunes eux-mêmes à l'égard des jeunes de leur âge, à nos paroisses, associations et mouvements, et en fin de compte à la communauté diocésaine tout entière - que les nouvelles générations puissent faire l'expérience de l'Eglise comme d'une compagnie d'amis véritablement fiable, proche dans tous les moments et toutes les circonstances de la vie, que ceux-ci soient heureux et gratifiants, ou difficiles et sombres, une compagnie qui ne nous abandonnera pas même dans la mort, car elle porte en elle la promesse de l'éternité. A vous, chers enfants et jeunes de Rome, je voudrais vous demander de vous confier à votre tour à l'Eglise, de l'aimer et d'avoir confiance en elle, car en elle le Seigneur est présent, et parce qu'elle ne recherche rien d'autre que votre véritable bien.

Celui qui sait être aimé est à son tour sollicité à aimer. C'est précisément ainsi que le Seigneur, qui nous a aimés en premier, nous demande de mettre à notre tour au centre de notre vie l'amour pour Lui et pour les hommes qu'il a aimés.

En particulier, les adolescents et les jeunes, qui ressentent fortement en eux le rappel de l'amour, ont besoin d'être libérés du préjugé commun selon lequel le christianisme, avec ses commandements et ses interdits, place trop d'obstacles à la joie de l'amour et en particulier empêche de goûter pleinement au bonheur que l'homme et la femme trouvent dans leur amour réciproque. Au contraire, la foi et l'éthique chrétienne ne veulent pas étouffer, mais rendre l'amour sain, fort et véritablement libre: tel est précisément le sens des dix Commandements, qui ne sont pas une série de "non", mais un grand "oui" à l'amour et à la vie. En effet, l'amour humain a besoin d'être purifié, de mûrir et également de se dépasser, pour pouvoir devenir pleinement humain, pour être le principe d'une joie véritable et durable, pour répondre ainsi à la demande d'éternité qu'il porte en lui et à laquelle on ne peut renoncer sans se trahir soi-même. Tel est le motif principal pour lequel l'amour entre l'homme et la femme ne se réalise pleinement que dans le mariage.

Dans tout le travail d'éducation, dans la formation de l'homme et du chrétien, nous ne devons donc pas, par peur ou par embarras, laisser de côté la grande question de l'amour: si nous le faisions, nous présenterions un christianisme désincarné, qui ne peut intéresser sérieusement le jeune qui s'ouvre à la vie. Toutefois, nous devons également introduire à la dimension intégrale de l'amour chrétien, où amour pour Dieu et amour pour l'homme sont unis de façon indissoluble et où l'amour du prochain est un engagement véritablement concret. Le chrétien ne se contente pas de paroles, encore moins d'idéologies trompeuses, mais il répond aux nécessités de son frère en se mettant véritablement en jeu, sans se contenter de quelque bonne action sporadique. Proposer aux enfants et aux jeunes des expériences pratiques de service au prochain le plus démuni fait donc partie d'une authentique et pleine éducation à la foi. Avec le besoin d'aimer, le désir de vérité appartient à la nature même de l'homme. C'est pourquoi, dans l'éducation des nouvelles générations, la question de la vérité ne peut donc certainement pas être éludée: elle doit au contraire occuper une place centrale. En posant la question de la vérité, nous élargissons en effet l'horizon de notre rationalité et nous commençons à libérer la raison des limites trop étroites dans lesquelles elle est enfermée lorsque l'on ne considère comme rationnel que ce qui peut faire l'objet d'une expérimentation et d'un calcul. C'est précisément ici qu'a lieu la rencontre de la raison avec la foi: dans la foi, nous accueillons en effet le don que Dieu fait de lui-même en se révélant à nous, créatures faites à son image; nous accueillons et nous acceptons cette Vérité que notre esprit ne peut comprendre totalement et ne peut posséder, mais qui, précisément pour cela, étend l'horizon de notre connaissance et nous permet de parvenir au Mystère dans lequel nous sommes plongés et de retrouver en Dieu le sens définitif de notre existence.

Chers amis, nous savons bien qu'il n'est pas facile d'accepter de surmonter les limites de notre raison.
C'est pourquoi la foi, qui est un acte humain très personnel, demeure un choix de notre liberté, qui peut également être refusé. Mais ici se fait jour une seconde dimension de la foi, celle de se confier à une personne: non pas à n'importe quelle personne, mais à Jésus Christ et au Père qui l'a envoyé. Croire signifie établir un lien très personnel avec notre Créateur et Rédempteur, en vertu de l'Esprit Saint qui oeuvre dans nos coeurs, et faire de ce lien le fondement de toute la vie. En effet, Jésus Christ est "la Vérité faite Personne" qui attire le monde à Lui [...] toute autre vérité est un fragment de la vérité qu'Il est et renvoie à Lui" (Discours à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 10 février 2006). Ainsi, Il remplit notre coeur, l'élargit et le comble de joie, Il pousse notre intelligence vers des horizons inexplorés, offre à notre liberté son point de référence décisif, la libérant des limites étroites de l'égoïsme et la rendant capable d'un amour authentique.

Dans l'éducation des nouvelles générations, nous ne devons donc pas craindre de comparer la vérité de la foi avec les véritables conquêtes de la connaissance humaine. Les progrès de la science sont aujourd'hui très rapides et sont souvent présentés comme contraires aux affirmations de la foi, provoquant la confusion et rendant plus difficile l'accueil de la vérité chrétienne. Mais Jésus Christ est et demeure le Seigneur de toute la création et de toute l'histoire: "Tout a été créé par lui et pour lui [...] et tout subsiste en lui" (Col 1, 16.17). C'est pourquoi le dialogue entre foi et raison, s'il est conduit avec sincérité et rigueur, offre la possibilité de percevoir de façon plus efficace et convaincante le bien-fondé de la foi en Dieu - non pas en n'importe quel Dieu, mais dans le Dieu qui s'est révélé en Jésus Christ - et également de montrer qu'en Jésus Christ lui-même, se trouve l'accomplissement de toute authentique aspiration humaine. Chers jeunes de Rome, avancez donc avec confiance et courage sur la voie de la recherche de ce qui est vrai. Et vous, chers prêtres et éducateurs, n'hésitez pas à promouvoir une véritable "pastorale de l'intelligence" et, plus largement, de la personne, qui prenne au sérieux les questions des jeunes - tant les questions existentielles que celles qui naissent de la comparaison avec les formes de rationalité aujourd'hui diffuses - pour les aider à trouver des réponses chrétiennes valables et pertinentes et finalement à s'approprier la réponse décisive qu'est le Seigneur Jésus Christ.

Nous avons parlé de la foi comme d'une rencontre avec Celui qui est Vérité et Amour. Nous avons également vu qu'il s'agit d'une rencontre à la fois communautaire et personnelle qui doit avoir lieu dans toutes les dimensions de notre vie, à travers l'exercice de l'intelligence, les choix de la liberté, le service de l'amour. Il existe toutefois un espace privilégié dans lequel cette rencontre se réalise de façon plus directe, se renforce et s'approfondit, et devient ainsi véritablement en mesure d'imprégner et de caractériser toute l'existence: cet espace est la prière.

Chers jeunes, un grand nombre d'entre vous étaient certainement présents à la Journée mondiale de la Jeunesse, à Cologne. Là, ensemble, nous avons prié le Seigneur, nous l'avons adoré à travers sa présence dans l'Eucharistie, nous avons offert son saint Sacrifice. Nous avons médité sur cet acte décisif d'amour à travers lequel Jésus, dans la dernière Cène, anticipe sa mort, l'accepte au plus profond de son être et la transforme en acte d'amour, dans cette révolution qui, seule, est véritablement capable de renouveler le monde et de libérer l'homme, en l'emportant sur la puissance du péché et de la mort. Je vous demande, chers jeunes, et à vous tous, chers frères et soeurs ici présents, et je demande à toute la bien-aimée Eglise de Rome, en particulier aux âmes consacrées, provenant notamment des monastères de clôture, d'être assidus dans la prière, spirituellement unis à Marie, notre Mère, d'adorer le Christ vivant dans l'Eucharistie, de l'aimer toujours plus, Lui, qui est notre frère et véritable ami, l'Epoux de l'Eglise, le Dieu fidèle et miséricordieux qui nous a aimés en premier. Ainsi, vous, chers jeunes, serez prêts et disponibles à accueillir son appel, s'Il vous veut entièrement pour lui, dans le sacerdoce ou dans la vie consacrée.

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