Accueil

Habemus Papam...

19 avril 2005, 13 mars 2013. Le récit d'un témoin oculaire [je ne sais pas bien dans quelle rubrique mettre ce texte...] (11/12/2013)

A revoir:
¤ La video de la première apparition de François.
¤ L'Habemus Papam de Benoît XVI.

Ce texte d'Antonio Mastino date du 18 mars, cinq jours après l'élection de François, et cela fait un (long!) moment que je me dis: il faut que je le traduise.

Je le fais enfin (partiellement), car après neuf mois de papauté, quand chaque geste du nouveau Pape, jusqu'au plus banal, est accueilli par des concerts de louange (hier encore, parlant de l'hommage traditionnel à l'Immaculée, Place d'Espagne, l'OR a fait un reportage surréaliste intitulé "promenade Romaine", comme si l'étreinte du Pape au peuple romain était une grande première! ) et quand les "vaticanistes" sont atteints d'une mystérieuse épidémie d'amnésie collective, oubliant que Benoît XVI a été, lui aussi un Pape très aimé, il est bon de rétablir certaines vérités. Déjà en remontant au jour de l'élection. Si l'on s'en souvient, l'engouement des médias a été immédiat, sans réserve... et très suspect, car le Pape argentin était pratiquement inconnu. Et si l'enthousiasme de la foule présente sur la place Saint-Pierre n'était pas ce qu'ils nous ont raconté, mais fabriqué? Et si aujourd'hui...?
Et qu'est-ce qui motive VRAIMENT l'enthousiasme?

Pour situer l'article, il faut dire que l'auteur (responsable du site bien connu de mes lecteurs Papale papale) est un catholique, non pas traditionaliste (au sens strict du terme, qui a malheureusement une connotation péjorative, allez savoir pourquoi...) mais plutôt attaché à la tradition. Le titre de l'article se réfère à la crainte de ses amis que le nouveau Pape ne leur supprime la messe en latin. Quand on voit ce qui se passe en ce moment avec les Franciscains de l'Immaculée (voir ici la traduction en français d'un éditorial de Roberto de Mattei), leurs craintes ne sont pas si infondées!

Je n'ai pas traduit cette partie de l'article, mais son récit de l'Habemus Papam, où il était présent. Son témoignage prend la valeur d'un document pour l'histoire, surtout quand certains faussaires prétendent que Benoît XVI a été élu sous les huées, et François sous les vivats d'une foule en liesse.

J'ajoute qu'en relisant ce que j'écrivais le 14 mars (1), certains lecteurs pourront penser que j'ai changé d'avis, et surtout, que je n'ai pas tenu ma promesse de garder pour moi mes critiques au nouveau Pape. Mais d'autres, je l'espère, y trouveront la preuve que, contrairement à ceux qui ont critiqué Benoît XVI dès 2005, je n'avais pas de préjugés défavorables... et que j'ai fait ce que j'ai pu. Comme le dit Mastino, la phase de syntonie est encore en cours...

La caresse du Pape
Ce n'est pas qu'il n'aime pas ce Pape: ils ont peur du Pape
http://www.papalepapale.com/
18/3/2013
-----
Jours de silence de notre part [sur le blog], après l'élection du pape.

Un peu parce que nous sommes restés stupéfaits: nous avions préparé des articles spéciaux sur un tel ou untel... et puis il est sorti ce «Georgium Marium Bergoglio» que personne n'avait prévu. Pas cette fois au moins.

Un peu parce que, après l'étourdissement électoral et des millions de vaines paroles (presque jamais pertinentes) entendus chez les gens les plus improbables, en ces jours, on avait besoin de silence, de méditation, de réflexion, de prière même. Pour se re-concentrer sur l'essentiel.

Un peu parce qu'un nouveau pape désoriente toujours: on s'habitue, trop à «un pape», souvent «notre» pape. Et le changement est traumatisant. Mais oui, parce que la papauté est encore une paternité, et à chaque fois, en changer peine, désoriente, épuise, parfois suscite la rébellion et le rejet. On doit se remettre en question. Mais disons que cela fait partie de ce Dieu qui déplace continuellement les obstacles et nous fait nomades, déstabilise nos habitudes, même la disposition de notre affection pour un pape. Et en nous mettant ainsi à l'épreuve, en alternant sur le Siège des sujets extrêmement différents sinon opposées (pas sur l'essentiels,que ce soit clair: sur le «superflu») entre eux, on voit alors si notre «amour pour le Pape» était vraiment sincère; si nous aimions vraiment le gardien du Dépôt, le successeur de Pierre, le Vicaire du Christ, le pasteur universel, et cet héritage pétrinien que chaque cardinal élu incarne et reçoit directement du ciel; si nous aimions vraiment cela, ou plutôt une personne, une créature de chair et de sang, dans laquelle, plus que Pierre, nous voyons nous-mêmes, la projection de nos «selon moi».

Une maman, on l'aime parce qu'elle est la maman: une mère nous est donnée par Dieu, elle sera toujours le «meilleure», même si elle n'est aussi belle et bonne que la maman du voisin. Dans la mère, nous aimons la maternité, celle qui l'incarne, non la personne elle-même, qui peut avoir beaucoup de défauts, et qui si, par l'absurde, elle était privée de cette «maternité» pourrait nous être complètement indifférente. Je ne sais pas si je rends bien l'idée.
Donc, c'est pour cela que nous avons gardé le silence: pour pouvoir nous syntoniser sur ce pape; pour le moment, nous n'y arrivons pas, mais je pense que c'est une question de semaines.
Avec Ratzinger, c'était facile: il était déjà un personnage d'énorme popularité, et sa pensées et son style, au-delà des légendes noires construites par la presse anti-catholique et progressiste, on les connaissait en détail, et chaque mot et chaque acte qui sont venus après ne pouvaient pas surprendre au-delà d'une certaine limite.

Avec Bergoglio, c'est différent: c'était un personnage connu des seuls initiés, et même là, partiellement; ajoutons-y le style timide et réservé et le fait que c'est un jésuite venu du «bout du monde», et l'on explique aisément la désorientation, la difficulté de l'encadrer, les inquiètudes qu'il a suscitées. Augmentées, il faut le dire, par un style qui lui est propre, très personnel. Aggravées par sa nationalité: argentine, qui peut contempler en elle les caractères les plus fiers, les plus têtus, les plus épineux (et nationalistes) sur la face de la terre. Jésuite argentin ... un mélange à faire frémir le pouls à toute personne normale, en particulier catholique. Mais bien sûr, je le dis avec un sourire ...

On croyait voir l'Habemus Papam Moretti
------
Pourtant, ici, Bergoglio a donné des impressions et des intuitions qui ne correspondent pas à la réalité; il échappe à tout catalogage entomologique.

Bergoglio, je le connais depuis une décennie, j'étais sur la place quand il a été créé cardinal; puis, au conclave de 2005, j'allai également le saluer, tandis qu'il quittait la basilique, en soutane et avec une serviette à la main, seul. Tous les autres étaient absorbés à saluer les «papabili». Et pour dire la vérité, à ce conclave, il avait obtenu pas mal de votes. Puis, Ratzinger élu, il s'engloutit et presque personne n'en sut plus rien: il me revint à l'oreille, il y a un an ou deux, quand un spécialiste de l'Église d'Amérique du Sud, en passant, me fit savoir que récemment, il s'était trouvé sur une trajectoire de collision avec les évêques Argentins, à cause de certains de ses choix discutables, partiaux et partisans; par exemple, en s'opposant à la nomination d'évêques de réputation orthodoxe, il avait essayé d'imposer des ultra-progressistes.

Quoi qu'il en soit, j'étais là, Place Saint-Pierre, pour l'Habemus Papam , et j'étais sous la Loggia. Il ne s'est pas passé ce que les journaux ont raconté. La place était joyeuse et festive, après la fumée. Puis elle a commencé à s'inquièter. Avant cette annonce à voix basse et précipitée, marmonnée et inaudible, faite presque dans l'obscurité par le proto-diacre Tauran (le pauvre homme est malade ...). Au mot «Bergoglio», la place s'est gelée, les quelques personnes qui le connaissaient ont été glacées, moi aussi, le compte n'y était pas, non seulement parce qu'aucun de ceux désignés n'avait été élu, mais parce qu'un vieux (sic!) de 85 ans qui s'était retiré à cause de la fatigue était remplacé un vieil homme de 77 ans.
Les acclamations se sont dissoutes, subsistant de manière sporadique. Voilà pour l'enthousiasme. Ensuite, il est apparu, et il était là, avec ses bras ballants, sans réel geste vers la foule, probablement glacé aussi, paralysé par l'émotion, me dis-je aujourd'hui. Mais la scène était lugubre, un pressentiment sinistre a assombri le cœur de beaucoup, y compris le mien. En même temps, les rares applaudissements inégaux s'estompaient.

Dans la tête des rescapés de l'autre Habemus Papam comme moi, la comparaison avec cette élection de 2005 a immédiatement sauté à l'esprit, et c'est devenu encore plus pénible: au mot "Ratzinger", il y eut une explosion générale de joie, et joyeusement plein d'émerveillement comme un enfant, heureux comme jamais, ce pontife apparut, semblant symboliquement embrasser la foule, instantanément, en parfaite osmose. Pas cette fois. Et puis il s'est présenté ainsi, seulement vêtu de blanc, contre toute étiquette et toutes les coutumes de la papauté: les gens aiment que l'on respecte les pratiques respectées, le «cela se fait toujours», les cérémonies traditionnelles, elle s'y attend. Je commençais à entendre autour de moi des commentaires désorientés, une boule dans la gorge de ceux qui demandaient «mais qu'est-ce qui se passe?» Et moi-même. Et puis ce pape entouré de cardinaux, qui avait amené avec lui le vicaire de Rome Vallini ... et c'était la première fois que les Romains savaient qu'il y avait un Vallini vicaire ... cette façon de lui tendre le micro sur la Loggia, le pape parlant de lui comme «évêque de Rome» et même de la «communauté diocésaine de Rome» , comme s'il avait été élu comme l'Archevêque métropolitain d'une quelconque capitale et non le pasteur de l'Eglise universelle. Enfin, ce Pater, Ave et Gloria en italien qui me semblaient un manque flagrant de respect envers tous les fidèles du monde qui ne parlent pas l'italien, même là, sur la place, où nous n'étions pas plus de 30% à parler l'italien. Avec le latin, on n'aurait fait de tort à personne.

Mais surtout, ce qui m'a frappé, après, en parlant avec les présents, c'est que beaucoup d'entre eux avaient vécu la même sensation que moi: «C'était une scène surréaliste», et moi «j'ai eu le sentiment d'être devant l'Habemus Papam de Moretti» (cf. http://www.youtube.com/watch?v=KYd-RiE_egw). Quelqu'un m'a demandé, m'ayant reconnu, «mais ce pape va nous enlever le Motu Proprio?». Un prêtre en soutane a soupiré, "ah quel malheur! quel malheur». Toutes sensations qui m'avaient assombri le coeur: non, je n'étais pas heureux, les comptes n'y étaient pas. Quittant la place je rencontrai un groupe de laïcs et de prêtres amis, les saluai et ils me demandèrent où j'allais; «J'ai besoin de trouver consolation quelque part», dis-je. «Alors viens dîner avec nous» me répondirent-ils. J'y allai sans y penser à deux fois. Ils dirent la messe dans la chapelle de leur appartement, une simple messe selon l'ancien rite. Puis on passa à table. J'avais l'estomac noué, mais je mangeai quand même. A la fin, ils sortirent une grappa. Je dis: «Généralement, ça sert à fêter, mais ici, nous buvons pour oublier». Même moi, qui d'habitude ne bois pas, ce soir, je pris de l'alcool.

Mais alors, pourquoi étais-je tellement détruit? Pour tous les sentiments racontés ci-dessus. Parce que je connaissais (je pensais) bien Bergoglio et ses trois dernières années d'archevêque m'avaient laissé perplexe. Parce que j'avais espéré trop dans un explosif cardinal Dolan élu pape, jusqu'à tenir son élection pour acquise, prenant mes désirs pour la réalité. Parce que je m'attendais à un pape jeune. Il est clair que je devais me trouver mal. C'est comme quand vous rentrez du travail convaincu, comme on vous l'avait dit la veille, de trouver la pâte dans le four, et qu'à la place, il y a des spaghetti en sauce. Et puis la question que quelqu'un m'avait posée, là, sur la place: «Mais ce pape va nous enlèver le Motu Proprio?» Il me faisait presque pitié, plein de crainte, de gravité. Avec quelque chose d'enfantin....

* * *

Note

(1) http://benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/oremus-pro-pontifice-nostro-francesco.php

Ma première réaction, à l'apparition du nouveau Pape hier au balcon de Saint-Pierre a été l'émotion. Il m'a fait, comment dire (et je sens combien cette expression est plate), une impression excellente, et - je l'ai dit à chaud - il m'a beaucoup touchée.
La seconde réaction a été la peine, car j'ai pensé à Benoît XVI, et revécu les moments inoubliables du 19 avril 2005. L'humour malicieux du cardinal Medina et le ton dramatique du souffreteux cardinal Tauran résument assez bien la différence d'ambiance pour moi.
Je mentirais si je disais, comme certains catholiques (que je n'en admire pas moins): "pour moi, un Pape ou un autre, c'est pareil. J'aime le Pape, simplement parce qu'il est le Pape". Non, les sentiments que m'ont inspirés Benoît XVI ne sont pas répétables. Un Pape est aussi un homme! Et il me sera impossible de faire pour un autre ce que j'ai fait pour lui.
Ceci dit, la nuit porte conseil.
Ce Pape est donc devenu mon Pape, et il devrait être aussi celui de tous ceux qui ont aimé le Saint-Père Benoît. Si je devais émettre des objections, je les tiendrais pour moi, et garderais le silence.
Pour rien au monde, je ne voudrais reproduire avec le Pape François le traitement honteux que certains catholiques ont cru devoir réserver à Benoît XVI.