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Il y a sept ans, Ratisbonne (3)

Troisième partie de notre lecture "pas à pas": Il n'y a pas de rupture entre la raison grecque et la foi biblique (14/9/2013 , mise à jour le 16)

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V. Continuité entre la raison grecque et la foi biblique
Benoît XVI explique comment la "rencontre" avait commencé en quelque sorte dès l'ancien testament, et s'est traduite en ce qu'il appelle "une sorte de philosophie des Lumières", culminant avec la "Septante", version de la Bible hébraïque en langue grecque, vers 270 avant JC.

À partir de là, pour la compréhension de Dieu et du même coup pour la réalisation concrète de la religion, apparaît un dilemme qui constitue un défi très immédiat.
Est-ce seulement grec de penser qu'agir de façon contraire à la raison est en contradiction avec la nature de Dieu, ou cela vaut-il toujours et en soi ?

Je pense que, sur ce point, la concordance parfaite, entre ce qui est grec, dans le meilleur sens du terme, et la foi en Dieu, fondée sur la Bible, devient manifeste.
En référence au premier verset de la Genèse, premier verset de toute la Bible, Jean a ouvert le prologue de son évangile par ces mots : « Au commencement était le λογος ».
C'est exactement le mot employé par l'empereur. Dieu agit « σύν λόγω », avec logos.
Logos désigne à la fois la raison et la parole – une raison qui est créatrice et capable de se communiquer, mais justement comme raison. Jean nous a ainsi fait don de la parole ultime de la notion biblique de Dieu, la parole par laquelle tous les chemins souvent difficiles et tortueux de la foi biblique parviennent à leur but et trouvent leur synthèse. Au commencement était le Logos et le Logos est Dieu, nous dit l'Évangéliste. La rencontre du message biblique et de la pensée grecque n'était pas le fait du hasard. La vision de saint Paul, à qui les chemins vers l'Asie se fermaient et qui ensuite vit un Macédonien lui apparaître et qui l'entendit l'appeler: « Passe en Macédoine et viens à notre secours » (cf. Ac 16, 6-10) [1] – cette vision peut être interprétée comme un condensé du rapprochement, porté par une nécessité intrinsèque, entre la foi biblique et le questionnement grec.

En fait, ce mouvement de rapprochement mutuel était à l'œuvre depuis longtemps.
Déjà, le nom mystérieux de Dieu lors de l’épisode du buisson ardent [2], qui distingue Dieu des divinités aux noms multiples et qui énonce simplement à son sujet le « Je suis », son "être", est une contestation du mythe, qui trouve une analogie interne dans la tentative socratique de surmonter et de dépasser le mythe.

Le processus engagé au buisson ardent parvient à une nouvelle maturité, au cœur de l'Ancien Testament, pendant l'Exil, où le Dieu d'Israël, désormais sans pays et sans culte, se proclame le Dieu du ciel et de la terre et se présente dans une formule qui prolonge celle du buisson : « Je suis celui qui suis ».
Avec cette nouvelle reconnaissance de Dieu s'opère, de proche en proche, une sorte de philosophie des Lumières, qui s'exprime de façon drastique dans la satire des divinités [3], qui ne seraient que des fabrications humaines (cf. Ps 115).

C'est ainsi que la foi biblique, à l'époque hellénistique et malgré la rigueur de son opposition aux souverains grecs qui voulaient imposer par la force l'assimilation à leur mode de vie grec et au culte de leurs divinités, alla de l'intérieur à la rencontre de la pensée grecque en ce qu'elle avait de meilleur pour établir un contact mutuel, qui s'est ensuite réalisé dans la littérature sapientielle plus tardive.

Nous savons aujourd'hui que la traduction grecque de l'Ancien Testament faite à Alexandrie – la Septante [4] – est plus qu'une simple traduction du texte hébreu (à apprécier peut-être de façon pas très positive). Elle est un témoin textuel indépendant et une avancée importante de l'histoire de la Révélation.
Cette rencontre s'est réalisée d'une manière qui a eu une importance décisive pour la naissance et la diffusion du christianisme.

Fondamentalement, il s'agit d'une rencontre entre la foi et la raison, entre l'authentique philosophie des Lumières et la religion.
À partir de l'essence de la foi chrétienne et, en même temps, de la nature de la pensée grecque, qui avait fusionné avec la foi, Manuel II a pu vraiment dire : ne pas agir « avec le Logos » est en contradiction avec la nature de Dieu.

VI. Aux sources de l'Europe

Cet intime rapprochement mutuel ici évoqué, qui s'est réalisé entre la foi biblique et le questionnement philosophique grec, est un processus décisif non seulement du point de vue de l'histoire des religions mais aussi de l'histoire universelle, qui aujourd'hui encore nous oblige.

Quand on considère cette rencontre, on ne s'étonne pas que le christianisme, tout en ayant ses origines et des développements importants en Orient, ait trouvé son empreinte décisive en Europe.
À l'inverse, nous pouvons dire aussi : cette rencontre, à laquelle s'ajoute ensuite l'héritage de Rome, a créé l'Europe et reste le fondement de ce que, à juste titre, on appelle l’Europe.

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Notes de moi

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A suivre...

Mise à jour

A propos de la "Septante", dont il est question dans la note [4] (de wikipedia), et dans mon "chapeau", l'ami Yves Daoudal apporte des précisions :

"La Septante fut la traduction d'un texte hébreu authentique. L'Ancien Testament de la Vulgate fut la traduction (par saint Jérôme) d'un texte hébreu authentique présentant des variantes par rapport à celui de la Septante".
(
yvesdaoudal.hautetfort.com)

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Comme quoi il y a toujours des risques à faire de la vulgarisation...
Il va sans dire que je n'ai pas l'intention de m'insérer dans un débat théologique sur la Septante.