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Pourquoi ils m'attaquent

A relire, trois ans après, l'"autobiographie d'un Pontificat sous attaque" un texte de Sandro Magister (et d'autres textes reliés). La renonciation de Benoît XVI n'impose-t-elle pas une mise à jour des questions? (29/11/2013).

"Saint Bonaventure de Bagnoregio, l’un des premiers successeurs de saint François à la tête de l'ordre fondé par celui-ci, est appelé "Docteur séraphique". On pourrait aussi appliquer cette expression à Benoît XVI, en raison de la manière dont il conduit l’Église dans la tempête".
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"Aux mécontents qui réclament une palingénésie radicale de l’Église, un nouveau christianisme spirituel constitué de l’Évangile nu, débarrassé des hiérarchies, préceptes et dogmes, Benoît XVI a dit qu’il n’y a qu’un pas du spiritualisme à l'anarchie".

     

Sandro Magister prend comme point de départ de sa réflexion le livre cosigné par Andrea Tornielli et Paolo Rodari, "Attacco a Ratzinger" traduit en français sous le titre "Benoît XVI: Un pontificat sous les attaques"

Beaucoup d'analystes, plus ou moins sérieux, se sont cassés les dents depuis lors à essayer de démêler l'écheveau, et à relier éventuellement à une régie centrale les complicités convergeant vers ce harcèlement incessant qui a suivi tout le Pontificat de Benoît XVI et qui a culminé avec l'affaire des Vatileaks, avant de se "dénouer" mystérieusment dans l'acte de renonciation. On s'est demandé quelle part ces attaques ont eu dans la décision de Benoît XVI, et la raison de la chape de silence recouvrant aujourd'hui tous les "scandales": où sont passés, depuis le 13 mars, tous ces ennemis qui étaient invisibles et sont devenus de plus muets? Sont-ils calmés, rentrés dans le rang ou bien... ont-ils enfin obtenu ce qu'ils voulaient, voire détiennent le pouvoir???
Nous n'avons évidemment pas les réponses.
Mais il est intéressant de donner la parole au principal protagoniste, à travers ses discours et homélies; de reprendre, trois ans après, les analyses qui tentaient de brosser un tableau d'ensemble, alors même que les faits se produisaient, et peut-être de recadrer certaines interprétations d'alors...

Relire à ce sujet

     
"Pourquoi ils m'attaquent". Autobiographie d'un pontificat
Depuis son élection, Joseph Ratzinger est la cible d'un crescendo d'attaques, venant de l'intérieur et de l'extérieur de l'Église. Y a-t-il une "main invisible" qui les provoque? Voici comment le pape les juge et les explique (S. Magister)

Je reprends ici ce que j'écrivais alors:

     

Relisant différents textes du Saint-Père, Sandro Magister trouve toutes les réponses à cette question. Et relie - selon un plan mystérieux - l'année sacerdotale au faisceau inouï d'attaques contre le Pape et l'Eglise qui auront marqué l'année 2010.
Citant la phrase désormais fameuse (et détournée, comme toujours) prononcée dans l'avion vers le Portugal ["Les attaques contre le Pape et contre l’Église ne viennent pas seulement de l’extérieur... La plus grande persécution de l’Église ne vient pas de ses ennemis extérieurs, elle naît du péché de l’Église. L’Église a donc un besoin profond de réapprendre la pénitence, d’accepter la purification"], Sandro Magister écrit en effet:

Pour [le Pape], tout se tient. Les difficultés provoquées par le péché constituent les conditions de vie de l'humanité qui a besoin du salut. Un salut qui vient de Dieu seul et qui est offert dans l’Église au moyen des sacrements qui sont administrés par les prêtres.
Le Pape fait comprendre que c’est pour cette raison que le refus de Dieu coïncide si souvent avec une attaque contre le sacerdoce et ce qui le caractérise vis-à-vis du monde extérieur, le célibat.
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Mais lier à la question de Dieu celle du sacerdoce et du célibat sacerdotal n’est pas si évident. Et pourtant c’est bien ce que Benoît XVI ne cesse de faire.
Par exemple, à la fin de 2006, faisant un bilan de son voyage en Allemagne qui avait frappé les esprits à cause du discours de Ratisbonne, après avoir souligné que "le grand problème de l'Occident est l’oubli de Dieu", il avait poursuivi en déclarant que "c’est cela, le devoir central du prêtre : porter Dieu aux hommes". Mais le prêtre "ne peut le faire que si lui-même vient de Dieu, s’il vit avec et de Dieu". Et le célibat est signe de cet engagement total
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Il n’est donc pas surprenant que, très peu de temps avant d’être élu pape, Ratzinger ait appelé de ses vœux une réforme de l’Église qui commencerait par purifier les ministres de Dieu de leur "saleté".
Il n’est pas surprenant qu’il ait imaginé et lancé une Année Sacerdotale ayant pour but d’amener le clergé à une vie sainte.
Il n’est pas surprenant que la liturgie occupe une place tellement centrale dans ce pontificat. Le prêtre vit pour la liturgie. C’est le prêtre que Dieu "a chargé de préparer la table de Dieu pour les hommes, de leur donner son corps et son sang, de leur offrir le don précieux de sa présence même".
La libéralisation de l’usage de l’ancien rite de la messe, la levée de l’excommunication des évêques lefebvristes, l'accueil fait aux communautés anglicanes les plus liées à la tradition, tous ces actes font partie de ce dessein.
Et immanquablement ils font l’objet d’attaques.

Sandro Magister ne parle pas de théorie du complot ("il n’apparaît pas que ces trois fronts soient dirigés par un unique metteur en scène. Mais cela n’empêche pas de chercher s’il y a une raison globale qui expliquerait ces attaques si violentes et continues, toutes concentrées sur le pape actuel", dit-il), mais pour lui, un fil "mystérieux", peut-être surnaturel, relie toutes ces attaques.

Ayant rappelé l'homélie de la messe de conclusion de l'année sacerdotale, du 11 juin 2010, où Benoît XVI évoquait l'ennemi, Sandro Magister écrit:

Une mystérieuse lucidité de vision unifie les attaques contre l’actuel pontificat, comme si elles étaient marquées par l’action d’une "main invisible", dissimulée même à leurs protagonistes. Une main, un esprit, qui comprend le dessein de fond de Benoît XVI et fait tout pour le combattre.

Il y a dans l’Évangile de Marc un "secret messianique" qui accompagne la vie de Jésus et reste caché à ses disciples eux-mêmes. Mais pas à "l’ennemi". Le diable est celui qui reconnaît tout de suite en Jésus le Messie sauveur. Et qui le crie.
Le paradoxe des attaques actuelles contre l’Église est que, alors même qu’elles veulent la réduire à l'impuissance et au silence, elles en révèlent l'essence, comme lieu où se trouve le Dieu qui pardonne.
Saint Bonaventure de Bagnoregio, l’un des premiers successeurs de saint François à la tête de l'ordre fondé par celui-ci, est appelé "Docteur séraphique". On pourrait aussi appliquer cette expression à Benoît XVI, en raison de la manière dont il conduit l’Église dans la tempête.
Dans la catéchèse qu’il a consacrée le 10 mars dernier à ce saint – qu’il avait déjà beaucoup étudié quand il était jeune théologien – le pape Ratzinger a également exprimé sa pensée à propos des "ennemis" intérieurs de l’Église.
Aux mécontents qui réclament une palingénésie radicale de l’Église, un nouveau christianisme spirituel constitué de l’Évangile nu, débarrassé des hiérarchies, préceptes et dogmes, Benoît XVI a dit qu’il n’y a qu’un pas du spiritualisme à l'anarchie. L’Église "est toujours une Église de pécheurs et toujours un lieu de grâce". Elle progresse et évolue, mais toujours en continuité avec la tradition.
À ceux qui comptent entièrement sur de nouvelles structures de commandement et de nouveaux commandants pour réformer l’Église, il a dit que "gouverner ce n’est pas simplement faire, c’est surtout penser et prier" : c’est-à-dire "en guidant et en éclairant les âmes, en les orientant vers le Christ".
Pour le pape Benoît XVI, les attaques qui se concentrent sur lui prouvent l’audace du pari qu’il propose aux hommes d’aujourd’hui, à tous les hommes, même aux incroyants : "vivre comme si Dieu existait".

     

L'article de Sandro Magister se termine comme souvent par une liste de liens très intéressants, à explorer.