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Amour, vérité et miséricorde (la vraie)

Contre le "rapport Kasper", un prêtre espagnol loin d'être traditionaliste, le Père Santiago Martin, déjà rencontré ici, s'inquiète d'un risque de schisme. Traduction de Carlota (21/5/2014)

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(Carlota)

Oui, peut-être que le silence des clercs de l’Église en France vaut-il mieux que les déclarations très curieuses de certains hauts prélats étrangers notamment d’Italie ou d’Autriche (cf. Moratoire sur les interviewes de hauts prélats).
Néanmoins ces déclarations ont peut-être, faute de mieux, l’intérêt de fouetter de plus en plus le tempérament peut-être plus fougueux (ou moins bloqué par une discipline corporative) de certains prêtres espagnols.
Après le texte du père Jorge González Guadalix (Des évêques à la mitre bien vissée), voici la teneur d’une méditation du Père Santiago Martín du diocèse de Madrid, fondateur des Franciscains de Marie, un prêtre très impliqué dans l’évangélisation et notamment par internet en usant d’un langage direct, clair et accessible.
En effet je viens de regarder une longue vidéo de Magnificat TV (environ 55 mn) où il dit ses craintes.
Le Père S. Martín n’est pas un prêtre « progressiste » mais il n'est pas non plus lefebvriste et encore moins sédévacantiste.

Sa méditation a été mise en ligne le 15 mai 2014.
Elle est déjà reprise sur bien des sites de blogosphère hispanophone mondiale.
J'en ai traduit des extraits à partir de la recension qui figure sur le site espagnol d’infocatolica.

     

Amour, vérité et miséricorde

« Je n’hésite pas à affirmer que la grande maladie de notre temps est son déficit de vérité. Le succès, le résultat, lui a enlevé la primauté partout. Le renoncement à la vérité et la fuite vers la conformité de groupe ne sont pas un chemin pour la paix. Ce genre de communauté est construit sur le sable. La douleur de la vérité est le présupposé pour la véritable communauté. Cette douleur doit être acceptée jour après jour. Seulement dans la petite patience de la vérité nous mûrissons par l'intérieur, nous nous rendons libres pour nous-mêmes et pour Dieu » (Benoît XVI).

Le Père Santiago Martín débute sa méditation en prenant beaucoup de précautions, ce qui montre, si c’était nécessaire, sa loyauté par rapport à l’Institution, avant de dire ce qui paraît une évidence : « On ne peut pas aller contre les enseignements du Christ »

« Je veux affronter dans cette méditation […] une question qui me préoccupe extraordinairement. Elle me préoccupe jusqu’à un tel point que je crois qu’est en jeu, possiblement comme jamais en deux mille ans, le futur de l’Église. Je vois à l’horizon la possibilité réelle d’un schisme aux graves conséquences. Naturellement mon opinion n’aurait pas de plus grande valeur si elle n’était pas unie à l’opinion de personnes beaucoup plus écoutées et d’importance que moi ».

« On parle déjà ouvertement d’un schisme, avec une réelle possibilité. Et je crois qu’il y a des moments dans la vie où il faut avoir le courage de parler. Et de parler franchement, honnêtement […]. Pour que n’arrivent pas des choses déterminées alors qu’il y a beaucoup - mais vraiment beaucoup de possibilité qu’elles arrivent, et c’est l’heure, je crois, que c’est l’heure décisive de parler ».

« Je me vois le devoir de conscience de parler avec cette clarté. Je crois que nous sommes beaucoup à le faire. Je ne sais pas si c’est inutile, mais c’est le moment de le dire. On ne peut pas aller contre les enseignements du Christ. Personne, absolument personne, ne peut dans l’Église Catholique dire : « Vous avez entendu ce que Jésus vous a dit… mais moi je vous dis », parce que il n’y a que Jésus qui est le Fils de Dieu… Si quelqu’un prétend être plus Dieu que Jésus Christ, il est automatiquement en dehors de l’Église Catholique ».

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Le rédacteur d’infocatolica résume ensuite la méditation du Père Santiago Martín:

L’utilisation qui se fait du concept de la miséricorde est une utilisation absolument démagogique. Dire que la miséricorde doit s’appliquer à la marge ou contre la vérité c’est aller directement contre les enseignements du Christ lui-même. Dire que la vérité n’existe pas ou est inaccessible ou est relative et qu’il n’existe aucune vérité absolue ou objective non seulement c’est nier deux mille ans de pensée chrétienne mais c’est nier des milliers d’années antérieures de la pensée elle-même, c’est revenir culturellement à une époque antérieure à Socrate. Il faut ou bien beaucoup de courage ou bien beaucoup d’ignorance pour oser dire cela. On ne peut dire face à cela : « Comme l’ignorance est insolente ! ».

La vérité existe et il est possible de la connaître. Enlever la vérité du discours d’amour c’est aller directement à une falsification démagogique de ce discours qui se termine en faisant du mal à la personne.

Si la miséricorde de Dieu est bien infinie, sa réception est limitée pour l’homme. La miséricorde est un don et non un droit. C’est quelque chose que nous recevons quand nous remplissons certaines conditions. Dieu a de la miséricorde pour nous toujours, mais la réception de cette miséricorde est celle que nous pouvons conditionner. Pour la recevoir, il faut la demander et en disposer ensuite comme il convient.

La miséricorde de Dieu, le pardon de Dieu, ne peut se comprendre que comme un don et non comme un droit. C’est un point sur lequel on mène les personnes d’une façon démagogique à la confusion. J’ai droit à… à quoi ? À communier ? À être prêtre? Ce sont des dons. Il n’y a pas de droit à ces choses-là. L’approche de Dieu ne peut pas être une approche de droits, mais de gratitude. Est-ce qu’on a le droit que Dieu nous pardonne ? Est-ce qu’on aurait eu le droit à ce que Dieu se fasse homme?

En vivant dans un monde où les droits se sont hypertrophiés et les devoirs se sont annulés, tout est droit ; tout désir est vu comme un droit. Ce qui est faux. Il s’est produit un déséquilibre à tous les niveaux, professionnels, familiaux, sociaux, qui amène la société à l’autodestruction. Et il détruit en premier lieu la relation avec Dieu. Si nous concevons la relation avec Dieu à partir de la perspective de celui qui a droit à…, nous annulons la possibilité de remercier, et avec elle la possibilité d’aimer l’Amour, et en n’aimant pas nous ne pouvons pas être heureux et en plus nous nous fermons les portes du Ciel, parce que pour aller au Ciel il faut aimer.

Un concept de miséricorde qui ne tient pas compte que la miséricorde n’est pas un droit mais un don et qui ne tient pas compte qu’il faut remplir des conditions pour la recevoir (repentance et projet d’amendement) est un concept faux de miséricorde.

Séparer, comme cela est en train de se faire, d’une façon démagogique, la vérité du concept de miséricorde c’est fin un mal immense à la personne à qui on veut théoriquement faire du bien.

On dit que la Communion Eucharistique est un droit auquel on doit pouvoir accéder sans remplir aucune sorte de condition. Cela signifie ignorer les paroles mêmes du Nouveau Testament (1 Cor : 11,27-29). Celui qui reçoit le Corps et le Sang du Christ d’une manière indigne offense le Christ lui-même et, cela peut l’amener à sa condamnation. En deux mille ans d’histoire de l’Église, jamais l’on a prétendu séparer l’état de Grâce de la Communion Eucharistique. C’est quelque chose d’inédit dans l’Église ; jamais on n’a mis ces choses en doute. Pour qu’une personne puisse recevoir l’Eucharistie elle doit être en Grâce et en communion avec les enseignements de l’Église.

Les déclarations du Cardinal Kasper sur la possibilité d'admettre à la Communion Eucharistique les divorcés remariés, rompent avec toute la tradition de l’Église.

Si l’on ouvrait la porte à la Communion Eucharistique à la marge des conditions décrites (état en Grâce de Dieu et accepter l’Enseignement de l’Église), si l’on permettait de communier aux divorcés remariés, immédiatement viendrait la demande pour permette de communier pour toute personne, sans distinction de quoi que ce soit de son état de vie, son comportement moral ou son adhésion à l’Enseignement révélé par le Seigneur et maintenue fidèlement par l’Église dès le commence jusqu’à ce jour. Si on ouvre la porte pour les divorcés remariés, c’est une question de temps, et pas de beaucoup, pour que cette porte s’ouvre pareillement à tous, absolument.

Au-delà de cette conséquence prévisible, il faut se demander si la personne qui est admise dans ces conditions à recevoir l’Eucharistie en sort ou non bénéficiaire. Il faut répondre non à cela, parce que la Parole même de Dieu qui a été mentionnée avant dit que celui qui reçoit le Seigneur d’une manière indigne, mange et boit sa propre condamnation.

La miséricorde, la compassion, même quand elle est demandée par la personne même qui souffre, si elle est séparée de la vérité n’est pas une véritable miséricorde, elle est fausse et elle ne profite pas à celui qui la demande mais lui occasionne du mal.

Aujourd’hui l’on présente comme miséricordieux celui qui accueille et accède à la demande d’une personne qui désire communier et n’est pas en condition de le faire. Mais quelle autorité a-t-il pour autoriser cela ? Le Christ lui-même a établi les conditions et personne n’est au dessus de Lui ni n’a de l’autorité pour changer son message. Celui qui le fait est comme destituant le Christ comme fondateur du Christianisme et occupant sa place. Il le fait porté par la compassion mais il œuvre contre la volonté du Christ lui-même.

Une concession de ce type, non seulement ferait du mal à la personne qui s’approcherait de la communion sans les conditions requises, mais blesserait gravement la communauté, car elle l’amènerait à la division.

Si cela arrivait, on irait clairement vers un schisme.