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La cote du cardinal Kasper (2)

Marco Tosatti raconte ce qui s'est passé lors du "consistoire secret" du 22 février dernier. En fait, Kasper n'aurait pas vraiment la cote auprès de ses confrères cardinaux (11/4/2014)

>> Cf.
La cote du Cardinal Kasper

Consistoire secret: ce qui s'est passé.

Marco Tosatti
24 mars 2014
http://www.lastampa.it
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Dans le consistoire secret où l'on a discuté de divorcés remariés et d'Eucharistie, le «théorème Kasper» a rencontré très peu de consensus et beaucoup de critiques. Voici une reconstruction de quelques-unes des interventions les plus significatives. «Ce serait une erreur fatale», a dit quelqu'un, de vouloir emrunter le chemin de la pastoralité sans faire référence à la doctrine.

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Le Consistoire du 22 Février, pour discuter de la famille, devait être secret.
Et au contraire, d'en haut, il a été décidé qu'il était opportun de rendre publique la longue relation du cardinal Kasper sur le thème de l'Eucharistie aux divorcés remariés. Probablement pour ouvrir la piste en attendant le Synode d'octobre sur la famille. Mais une moitié du Consistoire est restée secrète: celle concernant les interventions des cardinaux. Et ce n'est peut-être pas un hasard, car après la longue (et apparemment pas vraiment légère, lorsqu'elle a été prononcée) intervention du cardinal Kasper, beaucoup de voix se sont élevées pour la critiquer. Tant et si bien que, dans l'après-midi, quand le Pape lui a donné la tâche de répondre, il a semblé à beaucoup que le ton du prélat allemand était vexé, sinon ennuyé.
L'opinion courante est que le «théorème Kasper» tend à faire en sorte que les divorcés-remariés puissent en général communier, sans que le mariage précédent soit reconnu comme invalide. Actuellement, ce n'est pas le cas, se basant sur les paroles de Jésus, très sévères et explicites sur le divorce. Celui qui a une vie matrimoniale complète sans que le premier lien soit considéré comme invalide par l'Eglise est, selon la doctrine actuelle, dans une situation permanente de péché.

C'est en ce sens qu'ont parlé clairement le cardinal de Bologne, Caffara , ainsi que le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, l'allemand Mueller. Tout aussi explicite, le cardinal Walter Brandmuller («Ni la nature humaine, ni les Commandements ni l'Evangile n'ont une date de péremption ... Il faut le courage de dire la vérité, y compris contre la coutume actuelle. Un courage que quiconque parle au nom de l'Eglise doit avoir, s'il ne veut pas manquer à sa vocation ... Le désir de gagner l'approbation et les applaudissements est une tentation toujours présente dans la diffusion de la religion») qui a ensuite rendu public ses propos (dans le TagesPost). Même le président des évêques italiens Bagnasco s'est exprimé de manière critique envers le «théorème Kasper»; tout comme que le cardinal africain Robert Sarah, à la tête de «Cor Unum» qui a rappelé, en conclusion de son discours combien au cours des siècles, et aussi sur des questions dramatiques, il y a eu des différences et des différends au sein de l'Eglise, mais que le rôle de la papauté a toujours été de défendre la doctrine.

Le cardinal Re, l'un des grands électeurs de Bergoglio, a fait une intervention très brève, qui peut se résumer ainsi: "je prends la parole un instant, parce qu'ici, il y a les futurs nouveaux cardinaux, et peut-être certains d'entre eux n'ont pas le courage de le dire, alors je le dis: Je suis totalement opposé à ce rapport".
Le préfet de la Pénitencerie apostolique, le cardinal Piacenza s'est dit opposé et il a dit en substance: "nous sommes ici aujourd'hui et nous serons ici en octobre pour un synode sur la famille, et donc, voulant faire un Synode positif je ne vois pas pourquoi nous devrions aborder uniquement le thème de la communion aux divorcés". Il a ajouté: "Voulant faire un discours pastoral, il me semble que nous devrions prendre note d'un pan-sexualisme très répandu et d'une agression de l'idéologie du genre qui tend à saper la famille comme nous l'avons toujours connue. Ce serait providentiel si nous pouvions être Lumen Gentium pour expliquer dans quelle situation nous nous trouvons et ce qui peut détruire la famille". Il a conclu en exhortant à reprendre en main les catéchèses de Jean-Paul II sur la corporéité, parce qu'elles contiennent de nombreux éléments positifs sur le sexe, sur l'être humain, le fait d'être femme, sur la procréation et l'amour.
Le cardinal Tauran, du dialogue inter-religieux, a repris le thème de l'attaque sur la famille, en particulier à la lumière des relations avec l'Islam. Et le cardinal de Milan, Scola, a soulevé des inquiétudes théologiques et doctrinales.
Egalement très critique, le cardinal Camillo Ruini . Qui a ajouté: "je ne sais pas si j'ai bien compté, mais jusqu'à présent, environ 85% des cardinaux qui se sont prononcés semblent contre la position du rapport. Et parmi ceux qui n'ont rien dit et qu'on ne peut pas classer, on relevait des silences dont je pense qu'ils étaient gênés".
Le cardinal Ruini a ensuite cité le Bon Pape Jean. Disant, en substance: "quand Jean XXIII a prononcé le discours d'ouverture du Concile Vatican II, il a dit que l'on pouvait faire un Concile pastoral, parce qu'heureusement la doctrine était pacifiquement acceptée par tous et qu'il n'y avait pas de différends; donc on pouvait lui donner une tournure pastorale sans crainte d'être mal compris, puisque la doctrine est très claire. Si Jean XXIII avait vu juste à ce moment - a commenté le cardinal - Dieu seul le sait, mais apparemment c'était peut-être vrai en grande partie. Aujourd'hui, on ne pourrait plus le dire de façon absolue, parce que la doctrine non seulement n'est pas partagée, mais elle est combattue". "Ce serait une erreur fatale" de vouloir parcourir le chemin de la pastoralité sans référence à la doctrine.
Il est donc compréhensible que le cardinal Kasper ait semblé un peu piqué, dans l'après-midi, quand le pape Bergoglio lui a permis de répondre, sans toutefois permettre une véritable contradiction: seul Kasper a parlé.
Il faut ajouter qu'aux critiques qui se sont élevées au Consistoire contre le «théorème Kasper» se sont jointes d'autres, à caractère privé, directement au Pape, ou public, par les cardinaux du monde entier. Des cardinaux allemands, qui connaissent bien Kasper, disent qu'il se passionne pour ce thème depuis les années 70.
Le problème relevé par plusieurs voix critiques est que sur ce point l'Evangile est très explicite. Et ne pas en tenir compte - c'est la crainte - rendrait très instable, et modifiable à volonté, tout autre point de doctrine fondé sur les Evangiles.