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Le Vatican et les multinationales

Sandro Magister a consacré récemment plusieurs articles fort intéressants aux sociétés de consulting embauchées par le Vatican pour améliorer ses stuctures et son organisation (18/2/2014)

Articles reliés sur mon site

17 janvier 2014
LA CURIE DE FRANÇOIS, PARADIS DES MULTINATIONALES

Le 17 janvier dernier, sur son blog multilingue CHIESA, Sandro Magister titre: LA CURIE DE FRANÇOIS, PARADIS DES MULTINATIONALES
(http://chiesa.espresso.repubblica.it)

L'auteur résume son propos: «C’est certes d’une Église "pauvre et pour les pauvres" que rêve le pape François. Mais, pour le moment, le Vatican est en train de devenir un pays de Cocagne pour les sociétés de conseil en organisation et en finances les plus réputées et les plus coûteuses du monde.»

Magister passe successivement en revue les tâches assignées aux multinationales McKinsey & Company (communication), Promontory Financial Group (comptes de l'IOR) et KPMG (comptabilité des institutions ayant leur siège dans la Cité du Vatican)

Il évoque au passage la confusion persistante dans la comm' du Vatican, malgré la coûteuse collaboration de la première citée, au point que - note ironiquement le vaticaniste - «dans ce désordre, le pape François préfère agir comme il l’entend. De ses trois interviews qui ont fait le plus de bruit, deux ont été accordées aux jésuites de "La Civiltà Cattolica" et la troisième l’a été au très laïc fondateur du journal "La Repubblica", sans que ni le père Lombardi, ni Burke, ni d’autres ne soient intervenus.»

Concluant:
« En dépit de la volonté affichée de transparence, rien ne filtre à propos des coûts générés par ces recours à des opérateurs extérieurs, coûts que l’on peut supposer énormes, en particulier ceux qui sont à la charge de l’IOR.
Comme si cela n’était pas suffisant, la "banque" du Vatican a dû couvrir, pour un montant de 3,6 millions d’euros, une partie de la dette de 28,3 millions, évaluée par Ernst & Young, des Journées mondiales de la jeunesse qui ont eu lieu à Rio de Janeiro».

Last but not the least
:
« [L'IOR] a dû verser une dizaine de millions d’euros pour combler la moitié du gouffre financier laissé dans le diocèse de Terni par son ex-évêque Vincenzo Paglia, aujourd’hui président du conseil pontifical pour la famille».

31 janvier 2014
ET DE QUATRE. POKER DU VATICAN AVEC LES MULTINATIONALES.

Le 31 janvier, sur son blog personnel en italien Settimo Cielo, il revenait sur le thème, avec un titre choc. Et ces précisions:

« Les quatre plus grandes sociétés au monde de vérification des états financiers et de conseils juridiques et fiscaux sont dans l'ordre PricewaterhouseCoopers (PwC), Ernst & Young, Deloitte et KPMG.
Jusqu'à hier, le Vatican avait appelé à la rescousse deux d'entre elles, Ernst & Young et KPMG, la première chargée de la modernisation des activités économiques et de gestion du gouvernorat, et la deuxième d'aligner sur les normes internationales la comptabilité de toutes les institutions et offices situés dans les murs léonins.
Mais depuis le 31 Janvier, le Vatican a fait un poker. Il a également engagé les deux autres sociétés, PricewaterhouseCoopers (pour la gestion de l'Hôpital pédiatrique Bambino Gesù), et Deloitte (pour la gestion de la Fondazione Casa Sollievo della Sofferenza, l'hôpital fondé par Padre Pio).
Pour les deux sociétés, l'objectif est «d'améliorer les modèles de gestion et de garantir la transparence et l'efficacité»
...
En dépit de la transparence tant vantée, on ne sait rien des coûts de ces aides extérieures.


Pour le seul contrat avec Promontory, le président de l'IOR Ernst von Freyberg a cependant dit au Financial Times que le coût est «bien au-dessus de sept chiffres», soit au-delà de 10 M € ».

9 février 2014
Mgr Parolin, le néo-secrétaire d'Etat, interrogé dans l'Avvenire

Dans cet article du 9 février sur Settimo Cielo, Magister commente l'interviewe accordée par le Secrétaire d'Etat Parolin au quotidien de la CEI, l'Avvenire - interviewe dont Riccardo Cascioli disait récemment que rien n'en méritait de faire titre (cf. ONU vs Saint-Siège) .
Je traduis le passage qui a un rapport avec le sujet de mon article:

* * *

Dans l'interview, Parolin ne consacre pas un seul mot au réquisitoire virulent lancé quelques jours plus tôt contre le Saint-Siège par la commission des Nations Unies sur les droits des enfants.
Un silence diplomatique, sans doute voulu pour ne pas trop agiter des eaux déjà moutonnantes du fait de la réplique confiée au directeur de la presse du Vatican Federico Lombardi.
Mais il y a aussi un autre silence - lui aussi intentionnel - dans les réponses de Parolin. Et c'est là où la journaliste qui l'interviewe lui demande, à propos de la réforme de la curie:
«Un rôle important semble avoir été assumé par les commissions qui ont également fait appel également à des consultants externes. A quels critères répond et à quel objectif vise la contribution de ces organismes?».
La réponse de Parolin est la suivante:
«Les commissions sont deux: la Commission pontificale référente d'étude sur l'organisation de la structure économico-administrative du Saint-Siège [à laquelle appartient le couple étange composé par Mgr Lucio Vallejo Balda et Francesca Immaculée Chaouqui - ndlr], et la Commission pontificale référente sur l'Institut pour les Œuvres de Religion. Leurs rôles et leurs fonctions sont ceux définis en son temps par le document avec lequel elles ont été créées. Pour ma part, je constate que ces comissions ont un mandat limité dans le temps et un caractère "référent", c'est-à-dire que leur finalité est de présenter au pape et au Conseil des huit cardinaux des suggestions et des propositions relevant de leur compétence».
Stop. Quelques mots glaciaux, sinon pour rappeler que les deux comissions ont une durée limitée et sont purement "référentes" ».

Et silence absolu, en dépit de la question, sur les «consultants externes» de type Promontory, McKinsey, Ernst & Young, KPMG, Deloitte, PricewaterhouseCoopers, qui sont en fait l'un des aspects les plus déconcertants et coûteux de cette phase de réorganisation de la Curie romaine.

12 février 2014
Un spécialiste des sociétés de consulting parle

Enfin, le 12 février, Sandro Magister renvoie à un blog connu, celui d'un certain Marco Benedetto où ses différents articles sur ce sujet sont commentés.
Marco Benedetto gênois de 68 ans a été pendant vingt-quatre ans, jusqu'en 2008, l'administrateur tout-puissant du groupe L'Espresso-La Repubblica, qu'il a dirigé d'une main sûre et avec une détermination légendaire, dans la phase de sa grande expansion. Il anime désormais un journal en ligne, Blitz.
Voici ce quil a écrit le 11 février (http://www.blitzquotidiano.it):

* * *

«Il peut paraître étrange que l'Eglise, après deux mille ans, ressente le besoin de recourir à des consultants en dehors de l'Esprit Saint. Les sociétés de Conseil prospèrent dans le grand monde de l'entreprise, pour une série de raisons: ils sont le bras séculier des chefs d'entreprise qui veulent imposer des changements, en en attribuant l'origine à des conseillers externes, autonomes et indépendants; ils sont utilisés par des dirigeants qui ne font pas confiance à leurs subalternes pour les travaux d'analyse de la structure.

«Les dirigeants capables,en réalité, se méfient des cabinets de conseil, qui connaissent rarement le thème, exploitent le savoir-faire de l'entreprise et présentent ensuite des factures salées pour des idées qu'un bon chef d'entreprise pourrait développer par lui-même.

«Mais la société de conseil, dont sont sortis des personnages de grande valeur (...) constituent également un puissant réseau de placement et de recyclage des manager.

«Il y a eu des cadres de niveau intermédiaire qui ont cherché à exploiter les résultats d'un consultant pour dénigrer leur supérieur immédiat et, forts du crédit acquis, ont essayé d'obtenir de l'aide dans la recherche de meilleurs postes.

«Tout cela n'est pas dans les articles de Sandro Magister, mais on est surpris du risque potentiel de conflit d'intérêts où pourrait se débattre Francesca Immaculée Chaouqui, chargé des relations extérieures de Ernst & Young et également membre du Comité papal faisant usage de ce conseil. Mais nous savons que les voies de Dieu sont infinies».

* * *

Et Magister de conclure, mi-figue mi-raisin:
Paroles d'un grand connaisseur. Je me demande si au Vatican, quelqu'un étudiera cette leçon.