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ONU vs Saint-Siège

Une synthèse des articles de ce site relatifs au rapport du 5 février. Et deux réflexions très édifiantes de Riccardo Cascioli, le directeur de La Bussola (15/2/2014)

Rappel:
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Le 5 Février 2014, le Comité sur les Droits de l'Enfance des Nations Unies publiait un rapport de seize pages sur la conformité des comportements de l'État de la Cité du Vatican à la Convention des Nations Unies sur les Droits de l'Enfance.

Le même jour, Giuliano Ferrara réagissait dans un article intitulé FINIE, LA TRÊVE ENTRE LE MONDE ET FRANÇOIS, que j'ai traduit ici: C'est reparti!
Depuis, j'ai consacré à cet évènement d'une ampleur sans précédent, à la fois dans le temps (il est HISTORIQUE) et dans l'espace (il est PLANETAIRE) un dossier dont on trouvera les détails ci-dessous.
Quelques jours après la sortie du rapport, Giuliano Ferrara publiait un "appel au Pape François" afin que cette déclaration de guerre du monde à l'Eglise reçoive du Saint-Siège une réponse adéquate, venant du sommet. Je n'ai pas vu d'échos en France.

Dossier:

C'est reparti! L'Onu accuse le Vatican de violer la Convention sur les droits de l'enfant. Finie, la trêve entre le monde et François, dit Giuliano Ferrara (5/2/2014)

L'ONU en guerre contre l'Eglise Massimo Introvigne a lu l'extravagant rapport du Comité pour les droits de l'Enfance de l'ONU. Les choses deviennent claires! (6/2/2014)

Guerre de l'ONU contre l'Eglise (suite) Sur la Bussola, le directeur Riccardo Cascioli fait une imparable reconstruction des derniers épisodes. Il est question de la BBC, d'ONG, de "Fondations"... bref, des "pouvoirs forts". A lire absolument, pour comprendre (6/2/2014)

L'Eglise bientôt sous tutelle? Retour sur quelques-uns des paragraphes les plus inquiétants du rapport sur le Vatican par la Commission de l'ONU pour les droits des enfants (7/2/2014)

Guerre de l'ONU contre l'Eglise, encore... De Benoît à François. Un an après, les mêmes problèmes. Un article d'Andrea Gagliarducci, qui épingle les insuffisances de la comm' ... et le silence relatif du Pape (11/2/2014)

La fin de longues fiançailles ? ... entre le Pape et le monde. Carlota a traduit l'analyse d'un religieux espagnol, à propos du rapport de l'ONU, qui me laisse quelque peu sceptique (16/2/2014)

La guerre de l'ONU contre l'Eglise continue Les 5 et 6 mai prochains, le Saint-Siège présentera son rapport sur la Convention contre la torture (Cat) à la commission compétente de l'ONU, et répondra à ses questions (2/5/2014)

L'ONU, un cadavre pourri ... que l'Eglise doit quitter, dit le Père Santiago MARTÍN un prêtre blogueur espagnol, à la veille de la présentation par le Saint-Siège de son rapport sur la Convention contre la torture (5/5/2014)

L'ONU contre l'Eglise, ça continue Énième épisode. Une mise au point de Monique (6/5/2014, mise à jour le 8/5))

ONU: le Saint-Siège se défend Explications d'Andrea Gagliarducci après l'assimilation vicieuse et unilatérale, par le comité de l'ONU, des abus sur mineurs à des actes de torture (12/5/2014)

Dans deux autres articles, Riccardo Cascioli, le directeur de la Bussola, qu'on ne peut vraiment pas soupçonner de papophobie, souligne: a) l'inadéquation, et même la faiblesse de la réponse du Saint-Siège en termes de contenus - en particulier celle du Secrétaire d'Etat Parolin (*). b) la nullité persistante de la communication, pourtant très coûteuse du Saint-Siège.
Je ne suis pas persuadée que les choses se réduisent à une affaire de "communication" (la mauvaise foi des médias est patente), mais si le Vatican en paie une à grands frais, autant qu'elle serve à quelque chose (en tout cas pas uniquement à mettre en scène le Pape, qui n'en a certes pas besoin).


(*) Du temps de Benoît XVI, c'est le Pape en personne qui s'en chargeait.

     

Un Secrétaire de peu de paroles

Le premier article de Riccardo Cascioli (http://www.lanuovabq.it/it/articoli-un-segretariodi-poche-parolin-8426.htm), daté du 12 février, et intitulé "Un segretario di poche Parolin" est un jeu de mots autour du nom du Secrétaire d'Etat nommé par François. Un Secrétaire apparemment lisse et consensuel sur les sujets qui fâchent.

Riccardo Cascioli écrit: "Si l'on s'en tenait aux réactions officielles, nous devrions dire que pour le Saint-Siège, la dure attaque des Nations Unies sur la pédophilie est un incident à ne pas trop prendre au sérieux".

Il précise qu'il a signé "L'appel au Pape François" de Giuliano Ferrara sur Il Foglio. Avant tout, parce qu'il considère que la réponse officielle du Saint-Siège est "pauvre dans les contenus et préoccupante deans ses modalités".

En ce qui concerne les contenus, Riccardo Cascioli se réfère simplement au Wall Streeet Journal (qui n'est pas une feuille paroissiale!) lequel a noté qu'il s'agissait d'une attaque sans précédent à la liberté religieuse, que Parolin semble toutefois prêt à minimiser. En réalité, "il apparaît clairement que la question de la pédophilie est un prétexte pour attaquer l'Eglise sur quelque chose d'infiniment plus grand".

Je traduis in extenso la suite, car elle a une grande importance dans la compréhension de ce qui est en jeu:

* * *

Pour comprendre la signification de tout cela, il faut d'abord avoir clairement à l'esprit la façon dont fonctionne le système des Nations Unies.
Aujourd'hui, une grande partie du pouvoir réel dans le monde est dans les mains des agences de l'ONU, allant de la Banque mondiale à l'Organisation mondiale de la Santé, du Haut Commissariat pour les réfugiés à l'UNICEF, du Programme pour le développement (PNUD) à celui pour la population (FNUAP) et ainsi de suite. Il y en a plus de 40, qui traitent à peu près tout. A ces agences, il faut ensuite ajouter les comissions chargées de surveiller la mise en œuvre des conventions internationales par les pays signataires (c'est le cas du Comité sur les droits de l'enfant à qui nous avons affaire.)
Le pouvoir des agences est donné surtout par le fait qu'elles ont une présence enracinée dans le territoire - surtout dans les pays en développement - et une abondante disponibilité de fonds sur lesquels les divers gouvernements n'exercent de fait aucun contrôle. Au cours des dernières décennies, toutefois, les aides au développement accordées par les différents gouvernements se sont déplacées vers le multilatéral, c'est-à-dire qu'au lieu de passer de gouvernement à gouvernement, elles passent de gouvernement à des agences de l'ONU, qui pourvoient ensuite à les utiliser en fonction de leurs projets. Mais avec un travail patient d'infiltration commencé déjà à la fin des années 60, ces agences sont maintenant dans les mains d'un lobby qui fait la propagande du contrôle des naissances, de l'avortement, de la contraception et de l'homosexualité. D'où une série de politiques globales que les gouvernements transposent sans vraiment en discuter. Il suffit de penser à la façon dont sont entrés dans notre système des concepts qui, jusqu'à il y a vingt ans étaient inconnus, comme le développement durable, la santé reproductive, les droits en matière de reproduction, et ainsi de suite.

Durant toutes ces décennies, ces lobbies ont trouvé dans l'Union européenne et dans les administrations démocratiques des États-Unis leurs principaux alliés, ils n'ont rencontré qu'une seul, vrai, grand obstacle: le Saint-Siège, la seule entité d'Etat à s'opposer à toute réduction de l'homme et de sa dignité. N'ayant pas d'intérêts géopolitiques ou économiques à défendre, le Saint-Siège a été libre, durant toutes ces années, de se battre en faveur de la dignité humaine. ...

Nous avons vu, aux assises des Nations Unies, des pays changer à l'improviste leurs positions, soit de peur de se voir refuser l'aide des États-Unis et de l'Europe, soit après s'être assurés d'une fourniture d'armement adéquate. Avec le Saint-Siège, ce petit jeu ne pouvait pas fonctionner; et pas seulement: dans les différentes conférences internationales qui ont eu lieu depuis le début des années 90, le Saint-Siège a servi de point de référence pour de nombreux pays dans le monde en développement, en particulier latino-américain et islamique, déterminés à résister à la «corruption» voulue par les pays occidentaux. C'est ainsi que se sont créés des obstacles gênants à la joyeuse machine de guerre de la culture dominante.

C'est pour cette raison que l'Eglise catholique est si fortement contrée. Le scandale de la pédophilie se présente donc comme une excellente occasion de discréditer l'Eglise et de garder le silence sur les questions qui intéressent le "maître de ce monde". C'est pourquoi l'attaque la semaine dernière n'est pas un incident isolé, et c'est pourquoi il est question d'avortement, de contraception et d'homosexualité. On force sur la question de la pédophilie pour contraindre l'Église à céder sur les autres points, ceux qui comptent vraiment. Le document du 5 Février, indique le début d'une véritable escalade anti-catholique. Penser à répondre simplement par la présentation de documents pour se disculper des accusations de pédophilie, signifie ne pas avoir compris ce qui est en jeu. Une compréhension qu'a certainement le nonce apostolique à Genève, Mgr Silvano Tomasi, qui est un vétéran des conférences internationales et des milieux de l'ONU, et qui connaît parfaitement la situation, mais qui ne semble pas trouver d'écoute adéquate à Rome.

Le 5 février, après une journée entière où Mgr Tomasi a été laissé seul à répondre à tous les journalistes qui demandaient une réponse du Saint-Siège au document de l'ONU, Mgr Parolin est finalement intervenu directement, avec une réponse argumentée après avoir examiné attentivement le document de l'ONU, et réaffirmant la volonté du Saint-Siège "de répondre à toutes les lignes directrices de la Convention". Unique réplique légèrement polémique: "J'étais un peu surpris que l'on ait voulu entrer dans des thèmes qui interfèrent avec la doctrine catholique, en particulier la question de l'avortement". C'est tout. Et c'est vraiment peu.
La chose qui laisse par la suite perplexe, c'est que quelques jours plus tard, le 9 Février, l'Avvenire a publié une interviewe tous azimuts de Mgr Parolin (en fait une pleine page du journal, où il est difficile de trouver un phrase ou un concept qui mérite un titre) dans laquelle on ne trouve aucune référence, même lointaine, à l'histoire de l'ONU. Considérant peu probable que l'argument ne soit pas venu à l'esprit de la journaliste qui l'a interviewé, nous devons supposer que c'est le secrétaire d'État qui a demandé de ne pas en parler. Et, compte tenu des enjeux, cela est vraiment incompréhensible, et par ailleurs une aide à ceux qui - au sein de l'Eglise - veulent les mêmes changements doctrinaux exigées par le Comité des Nations Unies. Certainement pas un bon signe pour le Synode sur la famille que certains veulent transformer en une revanche pour renverser les principes de Humanae Vitae.

     

La communication ne vaut pas pas un tweet

Passons au second article, intitulé: "Saint-Siège, la communication ne vaut pas un tweet" (c'est sans doute un jeu de mots...) (http://www.lanuovabq.it/it/articoli-santa-sedela-comunicazionenon-vale-un-tweet-8433.htm).

* * *

L'affaire de la condamnation du Saint-Siège par le comité de l'ONU sur les droits de l'enfance, a entre autre, mis en évidence les habituels problèmes de communication du Saint-Siège.
La façon dont le tout a été géré a augmenté les effets négatifs de l'attaque de l'ONU.

Avant tout, la lenteur de la réponse. Le matin du 5 Février, c'est Mgr Silvano Tomasi, le nonce apostolique à Genève ayant présenté la position du Saint-Siège devant la Commission des Nations Unies, qui a fait des déclarations à chaud. Tomasi a dit clairement que le dossier de l'ONU était de toute évidence déjà préparé avant l'audition, du fait d'ONG hostiles à l'Église catholique, et liées aux lobbies pro-avortement et gay. Mais il est tout aussi évident que Tomasi a agi comme substitut, au point que dans la soirée, le secrétaire d'État, Mgr Pietro Parolin est intervenu personnellement- adoucissant considérablement le ton et renvoyant une réponse articulée du Saint-Siège à un examen plus approfondi du document de l'ONU - et que ce n'est que deux jours plus tard qu'est arrivée la note du porte-parole du Vatican le père Federico Lombardi, laquelle, tout en mettant l'accent sur l'esprit de coopération entre l'ONU et le Saint-Siège, formulait des références précises à l'action de la la Commission sur les mineurs.

Bref, trois interventions différentes en 48 heures, avec des ajustements successifs de la position. Des indécisions et des hésitations inconcevable à l'époque où la vitesse et la précision sont des exigences essentielles de la communication. La nouvelles de la condamnation de l'ONU a fait en quelques minutes le tour du monde, on ne peut pas attendre 48 heures avant de sortir une déclaration officielle, qui aura évidemment un impact très limité, voire nul, sur l'opinion publique. En deux jours, la nouvelle de la condamnation du Saint-Siège a déjà été digérée et métabolisée, si on choisit ensuite la voie d'une déclaration longue et compliquée, alors - du point de vue de l'opinion publique - c'est comme si on n'avait rien dit.

Ces dernières années, on fait beaucoup au Vatican pour paraître en phase avec les temps, en suivant tous les développements des nouveaux médias, pour développer une présence sur les réseaux sociaux, mais ensuite, quand il s'agit d'intervenir rapidement sur une question aussi grave que celle du 5 Février, on se plante spectaculairement. Un pape qui tweete des pensées spirituelles fait indubitablement du folklore et peut même être utile pour beaucoup de gens, mais il devient inutile s'il n'est pas en mesure de communiquer de façon claire et en temps opportun la position de l'Église sur des faits qui en quelques minutes atteignent tous les coins de la terre et ont le pouvoir de détruire l'image de l'Eglise ou d'en fausser gravement le message.

Et ici s'insére un deuxième facteur qui concerne la communication du Vatican. En effet, tout devrait passer par le porte-parole, qui, dans le cas qui nous occupe, ne s'est signalé que deux jours après le document de l'ONU. Comment cela? Il semble en effet que le 5 Février le Père Lombardi n'était pas à Rome, mais dans un autre pays européen pour des engagements non spécifiés. Rien d'étrange, mais l'absence physique du porte-parole ne peut pas signifier le black-out de la communication. Le fait est que Mgr Tomasi a dû se mettre d'accord en toute hâte avec la Secrétairerie d'Etat sur la position à tenir: ses déclarations, reflètent d'une part ce qu'il avait en vue devant la Commission (et de nombreuses années de présence daux Nations Unies) et de l'autre, de ne pas trop se compromettre dans l'attente d'une réponse officielle venue de Rome.

En d'autres termes, l'affaire s'est produite dans un moment de vide du pouvoir (à l'égard de la communication) qui est inconcevable pour une structure comme celle du Saint-Siège, qui, par ailleurs, ces derniers mois, a multiplié le recrutement de consultants (grassement payés) pour la communication, comme l'a récemment souligné le vaticaniste Sandro Magister. En particulier, on se rappelera qu'après les Vatileaks, en Juillet 2012, un journaliste américain, Greg Burke, vaticaniste d'expérience, a été enrôlé pour "mettre la main à la vieille machine de communication, afin qu'elle puisse aller de l'avant". La tâche déclarée de Burke était d'aider le père Lombardi pour rendre plus efficace et en temps opportun l'intervention de l'Eglise. Mais à l'épreuve des faits, on voit qu'il n'y a qu'improvisation et "à peu près", comme il y a deux ans.

Pourtant, il ne devrait pas être si difficile, ni même coûteux, de remettre en place un service qui est essentiel à la mission de l'Église. D'un certain point, les encycliques, messages, discours du pape, sont secondaires par rapport à la manière dont ils sont communiqués. Nous le voyons: les paroles du Pape sont manipulées, tirées çà et là, utilisées de manière sélective selon les fins de chacun. Avoir une structure de communication qui se soucie de veiller à ce que sur les journaux et à la télévision passe le message correct (dans la mesure du possible) est une priorité. Et elle ne peut pas être résolue en prenant des super consultants de très coûteuses entreprises internationales. Le Saint-Siège, dans la période récente, a déjà eu une expérience positive, durant le pontificat de Jean-Paul II, quand le porte-parole était Joaquin Navarro-Valls: il suffirait de regarder les critères qui avaient guidé cette époque pour trouver une solution efficace (et moins coûteuse) pour aujourd'hui.