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Obéir au pape seulement en relation avec le Christ

La contribution d'Antonio Livi (biographie en italien: http://it.wikipedia.org/wiki/Antonio_Livi ), prêtre et philosophe italien, au débat ouvert par la Bussola sur le cours du Pontificat de François (22/1/2014)

>>> Image ci contre du blog de don Livi: http://www.antoniolivi.com/it/

Sur le sujet

     

J'ai traduit sa très longue contribution à titre d'information, et pour alimenter le débat, bien que je sois loin d'êttre d'accord avec tout - et la première partie, en bleu ci-dessous, aurait pu (selon moi!) être beaucoup plus courte.
Je la résume à gros traits: ce qui doit intéresser le fidèle catholique, ce n'est pas le pape en tant que personne, mais le Christ qu'il représente (mais sous Benoît XVI, il n'était pas nécessaire de le préciser, car l'homme s'effaçait totalement pour laisser transparaître le Christ)

"De ce Pape, comme de tous les Papes, on ne doit pas nécessairement s'intéresser à tous les discours improvisés, surtout s'ils ne sont pas ensuite reproduits dans les Acta Apostolicae Sedis, car ils ne constituent pas un véritable magistère pontifical, même au plus bas degré de l'autorité..."

Comme il n'est pas possible au fidèle lambda de lire dans le détail et en revenant à la source tous les textes émanant du Pape, don Livi conseille de "laisser couler" et de se concentrer sur les deux seuls documents qui engagent vraiment le magistère, l'encyclique Lumen Fidei (qui est en fait de Benoît XVI) et l'exhortation apostolique post-synodale Evangelii gaudium.

La seconde partie, meilleure, aborde la relation de l'Eglise avec le milieu des médias, décidé à la détruire (l'auteur parle d'auto-destruction) et essayant de se servir du pape à cette fin. Et les médias d'inspiration catholique ne sont pas épargnés, y compris la revue jésuite à laquelle le Pape se confie volontiers.

Particulièrement intéressant à cet égard est le passage répondant à ceux qui, comme Massimo Introvigne, tentent d'expliquer le pape à travers sa spiritualité "jésuite":

"Si l'action du Pape est présentée comme l'expression d'un «courant» dans l'Eglise (celui des progressistes, des réformateurs, des antidogmatiques), ou pire encore, comme l'imposition à toute l'Eglise d'un «charisme» particulier, ou d'une «voie» spirituelle spécifique (celle des jésuites), on ne fait pas justice de la fonction propre de la papauté: le Saint-Père est le Père de tous, et son «charisme» lui impose de reconnaître et de promouvoir tous les «charismes» que l'Esprit suscite dans l'Église, c'est-à-dire les différentes spiritualités des ordres et des congrégations religieuses, des mouvements et des associations de laïcs, ainsi que les différents rites liturgiques et les traditions pastorales des églises locales en Occident et en Orient".

Le problème, c'est que les médias n'inventent pas TOUT. Ils choisissent, et ils scénarisent, dans un but intéressé, mais le Pape leur fournit un bon matériel
Et c'est le Pape lui-même qui a choisi ces médias destructeurs (interviewes à Scalfari, mais aussi à Tornielli, pour La Stampa) comme interlocuteurs privilégiés. Difficile alors de conseiller aux fidèles catholiques d'ignorer purement et simplement des interventions dont certaines se sont retrouvées sur le site du Saint-Siège et en première page de l'OR, même si l'on sait qu'elles n'ont aucun caractère contraignant pour le fidèle.

Déclarations troublantes

Il faut admettre que certaines déclarations sont troublantes...
Un exemple récent:
Dimanche dernier 19 janvier, visitant une "paroisse engagée pour les réfugiés", proche de la Stazione Termini (voir récit sur RV) , le Pape s'est adressé à 80 d'entre eux, choisis parmi les 400 qui reçoivent aide et assistance de cette paroisse.
Et il leur aurait dit (c'est du moins ce que rapporte Vatican Insider):
"C'est important que vous fassiez des réunions [pour partager les souffrances]. Ceux qui sont chrétiens avec la Bible, sont qui sont musulmans avec le Coran, avec la foi que vous avez reçue de vos pères, qui vous aidera toujours à aller de l'avant. Partager aussi sa propre foi, parce que un seul est Dieu: le même"
(cf. http://opportuneimportune.blogspot.it/)...

Pour mémoire:
On pourra objecter (et le lui a-t-on assez reproché, mais n'oublions pas que c'était à la suite de la terrible instrumentalisation de son discours de Ratisbonne, qui avait même provoqué des morts) que Benoît XVI s'est rendu à la Mosquée Bleue d'Istanbul, en 2006, et qu'il y a prié, les mains croisés sur le ventre.
Voici comment il justifiait son geste, de retour de Turquie, dans la catéchèse du 6 décembre 2006:

Dans le domaine du dialogue interreligieux, la Divine Providence m'a donné d'accomplir, presque à la fin de mon voyage, un geste qui n'était pas prévu au début, et qui s'est révélé très significatif: la visite à la célèbre Mosquée bleue d'Istanbul. En m'arrêtant quelques minutes pour me recueillir en ce lieu de prière, je me suis adressé à l'unique Seigneur du ciel et de la terre, Père miséricorideux de l'humanité tout entière. Puissent tous les croyants se reconnaître comme ses créatures et rendre le témoignage d'une véritable fraternité!

Le ton, les implications et les circonstances sont très différents... Déjà, le Saint-Père parlait de sa prière A LUI, et il disait qu'il avait prié SON DIEU, pour éliminer toute équivoque.

     

Obéissance au pape, seulement en relation avec le Christ
Antonio Livi
18/01/2014
http://www.lanuovabq.it
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L'opinion publique catholique, et pas seulement en Italie, continue d'être agitée par des polémiques autour des discours du pape et des différentes interprétations qu'ils ont eues de la part d'opinionistes, qui se disent conservateurs ou libéraux (mais croyants) et par d'autres opinionistes qui se déclarent non-croyants mais qui ont un quasi-monopole des médias.

Moi, en tant que prêtre, quand je me réfère à l'opinion publique catholique, je pense surtout à la foi des individus, et le fait que ces événements médiatiques augmentent chaque jour davantage la perplexité et la confusion parmi les fidèles me conduit à prendre une fois de plus la parole pour contribuer avec la rigueur de la logique (qui est ma compétence scientifique) et cette «lumière de la foi» (Lumen fidei) dont a parlé le pape François, à ré-orienter les fidèles dés-orientés (sic!). J'ai récemment collaboré à la publication d'un livre de plusieurs auteurs qui s'intitule justement «Vérité de la foi: ce qu'il faut croire, et à qui» (Verità della fede: che cosa credere, e a chi, ed. Leonardo da Vinci). A présent, je m'insère dans le fructueux débat d'idées initié sur La Nuova Bussola entre Mario Palmaro (qui était auparavant intervenu à plusieurs reprises, avec Alessandro Gnocchi, sur Il Foglio de Giuliano Ferrara) et le directeur Riccardo Cascioli, auquel s'est joint ensuite le sociologue Massimo Introvigne.

Palmaro a exposé à nouveau, de la manière respectueuse qui est la sienne, ses doutes quant à l'opportunité (pour la pastorale) et l'efficacité (pour l'évangélisation) des attitudes et des paroles du Pape François. Cascioli a répondu en réitérant la ligne éditoriale de la Nuova Bussola, qui considère qu'il n'est pas correct que les catholiques manifestent dans les médias leurs opinions critiques envers le Pape; mieux vaut insister pour clarifier auprès de l'opinion publique la vérité catholique garantie par le Magistère, et faire confiance à l'indéfectibilité que le Christ assure toujours à son Eglise. Enfin Introvigne a cru pouvoir justifier ces orientations doctrinales et pastorales du pape François que Palmaro a critiquées, en les ramenant à la théologie et à la spiritualité jésuite.

Je ne peux pas ne pas partager les préoccupations de Palmaro, et en même temps je comprends les objections de Cascioli. Je suis d'accord avec l'un et avec l'autre, non pas tant parce que je suis un ami de tous les deux, mais parce que je crois que les deux positions sont l'expression d'un amour sincère pour la foi de l'Eglise, pour cette foi qui seule peut assurer l'unité dans l'essentiel et en même temps le pluralisme légitime dans le domaine des choix théologiques et pastoraux, qui, par leur nature doivent être libres, dans la mesure où ils n'affectent pas le dogme, mais ce qui est "discutable".
En tant que prêtre, j'admire la mens catholica de ces intellectuels laïques qui, dans leur travail professionnel s'efforcent toujours de fournir à l'opinion publique les critères doctrinaux pour distinguer justement entre ce qui est dogmatique et ce qui est discutable. Je ne suis pas du tout d'accord, en revanche, avec Massimo Introvigne, et ce que je vais dire maintenant servira à expliquer les raisons pour lesquelles je suis d'accord avec les deux premiers et en désaccord avec le troisième. Ce sont des raisons qui ne sont pas de nature idéologique, encore moins politique, mais exclusivement théologique (et tant pis si certains, y compris parmi les théologiens, ne sont pas en mesure d'apprécier ces distinctions).

Il faut se rappeler, d'abord, que pour nous tous, catholiques, la principale (et parfois l'unique) raison pour laquelle nous devrions nous intéresser aux mots et aux gestes du Pape, c'est parce qu'il est le chef de l'Eglise du Christ par volonté expresse du Christ lui-même, comme nous le savons à partir de foi. C'est donc l'adhésion convaincue au dogme du Corps mystique qui justifie l'obéissance inconditionnelle aux directives pastorales du pape et motive l'union affective et effective avec lui, cette dévotion qui faisait dire à sainte Catherine de Sienne, au XIVe siècle, que le Pape est «le doux Christ sur la terre» (ce qui ne l'a pas empêchée de se rendre à Avignon pour lui faire des reproches pour ne pas résider à Rome). Un saint du XXe siècle, Josémaria Escriva, pour indiquer le juste ordre d'une dévotion motivée par la foi, disait que «pour nous, chrétiens, les grands amours sont le Christ, Marie et le Pape».

Ce que le pape dit et fait dans l'exercice du ministère pétrinien doit intéresser tous les fidèles - indépendamment des différentes appartenances au sein de l'Eglise, des différents feeling ou de toute autre variable sur le plan humain - toujours et seulement pour le motif de la foi, parce que le Christ lui-même l'a voulu comme Pasteur de l'Eglise universelle, autrement dit parce que d'une manière éminente, il est vraiment le «Vicaire du Christ». Cela signifie que le Pape - qui qu'il soit, à un moment donné de l'histoire - n'intéresse pas tant en tant que personnalité humaine ou comme «docteur privé», c'est-à-dire comme simple théologien, mais plutôt comme le garant suprême de la vérité divine confiée à l'Eglise par l'unique Maître, qui est le Christ.

En somme, dit un peu brutalement, le Pape intéresse relativement, c'est-à-dire qu'il intéresse seulement en relation avec le Christ, dont il reçoit l'autorité de «paître ses brebis» en son nom; seulement en relation avec le Christ, dont il doit préserver, interpréter et annoncer la Parole au monde, «sans rien ajouter et sans rien enlever»; seulement en relation avec le Christ, dont le premier Pape, Saint-Pierre, a dit que «il ne nous a pas été donné d'autre Nom sous le ciel par lequel nous pouvions être sauvés»; et seulement en relation avec le Christ que lors du jubilé de l'an 2000, l'Eglise, avec le pape Jean-Paul II, a de nouveau placé au centre de sa vie et de la mission comme celui qui «hier, aujourd'hui et éternellement» est le seul Sauveur.

Dans une perspective de foi, dans un horizon de sens authentiquement chrétien, ce qui intéresse absolument est uniquement le Christ, dont parlent les Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Testament, et dont la vie, la mort et la résurrection sont constamment commémorées dans la liturgie de l'Eglise afin qu'à tous les fidèles soit consentie une compréhension spirituelle toujours plus grande du mystère du «Verbe qui s'est fait chair».

En revanche, la personnalité humaine, la biographie, les gestes et les paroles de l'homme qui à chaque moment historique occupe le siège de Pierre méritent d'être connus et interprétés par les croyants uniquement dans la mesure où ils servent à comprendre et interpréter toujours mieux la Parole du Christ, de même que l'affection, le dévouement et l'union avec le Pape actuel doivent être encouragés dans la mesure où ils aboutissent à un esprit accru d'adoration du «Dieu-avec-nous» et de renforcement de cette union avec Lui qui a commencé avec la grâce du Baptême. En outre, aucun des grands saints que nous connaissons n'ont dépendu de leur chemin de foi et leur engagement ascétique et apostolique, d'une connaissance approfondie de la biographie et des idées personnelles du pape ou des papes de leur temps; ils dépendaient en revanche entièrement de la Doctrine de la Foi, c'est à dire du dogme, connu par la prédication ordinaire de l'Eglise et la fréquentation des Écritures, et de la confrontation aux différentes expériences ecclésiales, en particulier la vie des saints. Un docteur de l'Église comme Augustin, par exemple, est venu à la conversion après avoir écouté la prédication d'Ambroise et avoir médité sur l'Evangile, et il a choisi l'état monastique par la lecture de la Vie d'Antoine écrite par l'évêque Athanase. Thérèse d'Avila, elle aussi un Docteur de l'Eglise, dans aucune de ses œuvres ne nomme le pape régnant alors, sachant toutefois qu'elle devrait en obtenir l'autorisation finale pour la réforme du Carmel.
(ndt: mais le Saint pourrait être le Pape lui-même, non? C'est aussi un exemple de sainteté que l'on attend du Pape)

Maintenant, si tout cela est vrai - et c'est sans aucun doute vrai, c'est même une «vérité sacro-sainte» - alors que peut-on trouver, que doit-on éventuellement chercher aujourd'hui, dans les discours et les initiatives d'un pape si assidûment suivi par le presse et la télévision dans le monde entier? Comment interpréter correctement le sens de ce qu'il fait et ce qu'il dit? Voici des critères de discernement qu'en tant que prêtre, il me semble indispensable de fournir à tous les fidèles qui cherchent sincèrement une croissance de leur vie de foi et une plus grande union avec le Christ à travers l'union avec le Pape

Le critère de base est que le pape, tout pape, nous re-porte (sic!) au Christ, re-présentant et ré-actualisant l'Evangile avec les actes de son Magistère et ses directives pastorales. De ce Pape, comme de tous les Papes, on ne doit pas nécessairement s'intéresser à tous les discours improvisés, surtout s'ils ne sont pas ensuite reproduits dans les Acta Apostolicae Sedis, car ils ne constituent pas un véritable magistère pontifical, même au plus bas degré de l'autorité: ce ne sont pas des actes impliquant, de quelque façon que ce soit, cette infaillibilité personnelle que Vatican I (1870) a reconnue comme étant la prérogative du Pontife romain, et qui en soi est toujours liée à l'intention de parler en tant que Pasteur de l'Eglise universelle pour «définir» une doctrine dogmatique ou morale. En outre, le contenu doctrinal de ces discours doit être compris en les écoutant ou en les lisant intégralement, en tenant compte du contexte, de toutes les circonstances de temps et de lieu, chose qui ne peut pas arriver si nous lisons simplement un résumé et une interprétation arbitraire dans la presse..

On me dira: mais un simple fidèle n'aura jamais le temps ni ne ressentira jamais le besoin d'aller vérifier si chaque discours du pape François a été interprété correctement par les médias ... Je réponds: exact! Mais c'est précisément pour cette raison qu'il convient aux simples fidèles de laisser tomber le chevauchement de nouvelles impromptue qui mettent tout dans le même sac, soulignant uniquement les aspects extérieurs et contingents de la papauté; il n'est pas obligatoire et il n'est même pas possible de suivre attentivement et d'évaluer correctement chaque catéchèse du mercredi, chaque homélie à la messe à Santa Marta, et puis tous les discours improvisés du pape (une moyenne de trois par jour), de même qu'il n'est pas obligatoire et n'est même pas possible de connaître en «temps réel» toutes les nominations et les changements qui le Pape fait en vue de la soi-disant «réforme de la Curie» et du soi-disant «financement des églises» à travers le monde catholique.

Et comme ce n'est qu'en connaissant les choses de manière approfondie que l'on peut tenter de les mettre en relation avec le «chemin» de l'Eglise en tant que telle, en définitive, il est préférable que les simples fidèles (qui ne se soucient pas du tout des polémiques idéologiques, et encore moins des jeux de pouvoir au sein de la caste cléricale) consacrent le peu de temps disponible aux quelques documents qui constituent vraiment le Magistère de ce pape: l'encyclique Lumen Fidei et l'exhortation apostolique post-synodale Evangelii gaudium. Je dis cela comme prêtre, qui a le devoir de connaître, respecter et suivre fidèlement les directives du Pape: ne perdez pas votre temps à suivre les ragots, ne vous laissez pas impliquer dans les intérêts mondains (comme les appelle le pape François) et les spéculations pseudo-théologique des médias; laissez-vous plutôt guider par votre bon sens chrétien et limitez-vous à lire, avec l'intention d'en tirer profit, ces deux documents. Vous verrez que le pape, quand il exerce son magistère ordinaire, est globalement en ligne avec tout le magistère précédent (il ne peut pas être autrement); vous vous apercevrez que Lumen fidei ne contredit en rien Fides et ratio de Jean-Paul II , et en outre reconnaît explicitement la contribution que son prédécesseur, Benoît XVI a apportée à la rédaction du texte; vous ferez l'expérience qu'aucun pape ne rejette la doctrine contenue dans les documents du Magistère précédent et qu'il n'est pas possible que le charisme de l'infaillibilité personnelle porte, paradoxalement, à «rompre» avec la tradition, c'est-à-dire à enseigner le faux.

* * *

Mais alors - me diront certains de ces fidèles - pourquoi «les gens» sont-ils convaincus que François est un Pape anti-dogmatique et révolutionnaire, et, par conséquent, pourquoi y a-t-il ceux qui (comme Enzo Bianchi), sautent dans le char du vainqueur dans la guerre contre Tradition, et de l'autre côté, ceux qui restent déconcertés et scandalisés en croyant assister à la liquidation de l'Église par la main même de son chef visible?
La raison est évidente: toute information, de toutes sortes et espèces, ne mérite du crédit que si elle provient de sources vérifiables et garanties, et si elle permet des recoupements: c'est la logique de la connaissance par éléments de preuve, qui concerne non seulement l'information, mais la connaissance de l'histoire, la divulgation scientifique, la connaissance de la conscience d'autrui, et enfin la connaissance des mystères du surnaturel, c'est à dire la foi chrétienne. Aujourd'hui, les sources qui fournissent aux simples fidèles des informations sur la vie de l'Eglise et le ministère du pape et les accompagnent de commentaires, ne sont jamais garanties et vérifiables, et ne permettent guère de contrôles croisés, de sorte qu'ils ne sont pas fiables. Mieux vaut laisser aller, comme je le disais. Mais si on veut vraiment essayer de connaître et de comprendre, il faut au moins suivre ces conseils dépassionnés que je donne maintenant (pour les simples fidèles, bien sûr, pas pour ceux qui ont par leur service le devoir de s'informer sur les directives pastorales et les dispositions disciplinaires du Saint- Siège).

Le premier conseil que je donne aux simples fidèles est de n'accorder aucun crédit dans ce domaine aux médias déclarés «laïques» (ce qui, dans le langage politique actuel, équivaut à athées, ou au moins agnostiques, et en pratique signifie "nourrissant des préjugés hostiles au dogme et à la morale catholique"). Les nouvelles et les commentaires sur l'œuvre du pape diffusées par ceux qui ne croient ni la divinité du Christ ni à la fin surnaturelle de l'Eglise sont viciés dès le départ, de sorte qu'aux croyants, ils ne peuvent fournir que des informations mystificatrices et déviantes.
L'exemple le plus frappant est l'article dans lequel le fondateur de la Repubblica, non content d'avoir commencé par manipuler le contenu de son entretien avec le pape François, en parle à nouveau pour inventer «des tournants historiques» dans la doctrine catholique, affirmant même que «le pape a aboli le péché!» .

Plus récemment, L'Unità et La Stampa parlent de l'«entorse» à la discipline canonique que le Pape aurait opérée en baptisant le 12 Janvier, l'enfant d'un jeune couple qui n'avait pas célébré de mariage catholique. En Amérique, The Advocate, la plus ancienne revue des organisations homosexuelles, met sur sa couverture le Pape Bergoglio comme Homme de l'année 2013, en affirmant qu'avec ses déclarations, il a «légitimé les gay».

On peut faire mille exemples, démontrant que l'attention malsaine avec laquelle la presse et la télévision d'orientation laïciste suit tout ce que le Pape dit et fait, donnant la parole à des «vaticanistes» et opinionistes de toutes sortes (y compris les inévitables.. Flores d'Arcais et Odifreddi) n'est évidemment pas dûe au fait qu'elle souhaite fournir des informations correctes sur la réalité religieuse de l'Eglise - qui, pour ces organes de presse est seulement superstition et hypocrisie - mais à la stratégie culturelle bien connue des «pouvoirs forts», lesquels visent à briser toute résistance aux réformes juridiques et sociales que l'idéologie laïciste (où confluent le progressisme libertin, l'athéisme militant, l'animalisme, le scientisme, l'homosexualisme) est en train d'imposer dans tout l'Occident.

C'est une stratégie évidente qui depuis soixante-dix ans est devenue chaque jour plus féroce, grâce au fait que ces commentateurs malveillants de l'actualité ecclésiale jouissent aujourd'hui d'une hégémonie politique et culturelle incontesté, exercée aussi à travers le monopole des médias au point que les fidèles catholiques eux-même ne savent ce que fait le Pape qu'à travers ce que les journalistes anti-catholiques leur proposent jour après jour. Si ensuite ces opinion maker, qui existent même au sein de l'Eglise (la soi-disant «presse d'inspiration catholique», mais surtout les opérateurs pastoraux dans tous les environnements) se contentent d'agir comme un écho complaisant des médias anti-catholiques (en considérant qu'il s'agit d'un devoir de «dialogue» et d'«ouverture sur le monde d'aujourd'hui», selon l'orientation pastorale du Concile, et encore plus du pape actuel), alors le dommage fait à la pastorale authentique est immense, parce que ce qui arrive aux fidèles, ce sont uniquement les messages ambigus, voire même mystificateurs.

Il est compréhensible - même si ce n'est pas acceptable, car contraire aux règles d'un véritable dialogue, sans arrière-pensées - que les francs-maçons, les matérialistes dialectiques et les nihilistes veuillent faire passer des faits réels, documentés, ce qui n'est rien d'autre que leur rêve, à savoir l'auto-destruction de l'Eglise catholique, à travers l'alignement du dogme et de la doctrine morale, jusqu'à l'équivalence de la foi chrétienne à toute autre foi, et même à l'athéisme; il est moins compréhensible que ceux qui ont le devoir constitutionnel de guider l'opinion publique intra-ecclésiale contribuent à transmettre aux fidèles le message que le pape François, avec ses directives doctrinales et disciplinaires, met en œuvre une réforme radicale de l'Eglise, réforme qui conduira à ne plus condamner aucune erreur pratique ou doctrinale et à considérer comme bonnes et et justes toutes les options existentielles, y compris l'irréligion et l'athéisme.

* * *

Cela voudrait dire que l'Église entend se réformer dans le sens où l'entendent ses ennemis de tous les temps, lesquels entendent le dialogue du pape François avec eux comme une capitulation sans conditions, comme la pleine acceptation de leur dénonciation de l'Église en tant que système de pouvoir obscurantiste, ennemi du progrès et de la liberté de conscience. En d'autres termes, le message qui parvient aux fidèles est que l'Eglise, avec le Pape François renie son Credo et sa Tradition et renonce à sa raison d'être, qui est de proclamer le message surnaturel du salut en Jésus-Christ. Logiquement, ceux qui croient en l'indéfectibilité de l'Église savent que cela est impossible, et comprennent que tous les arguments avancés par les médias anti-catholiques en faveur de cette thèse sont fausses, ne sont que des interprétations abusives ou même fantaisistes des attitudes et des propos du pape François à différentes occasions et avec différents interlocuteurs: attitudes et paroles dont l'opportunité et l'efficacité pastorale peuvent ne pas sembler évidentes, mais qui sont indubitablement inspirées par le désir de poursuivre les fins de l'Église du Christ. C'est ce que je pense en toute conscience, et c'est que je considère que doit penser tout fidèles qui nourrit des sentiments de dévotion pour le Vicaire du Christ, comme le respect dû à la personne du pape, quel qu'il soit.

Mais, pour tout ce que j'ai dit, les fidèles ordinaires ne doivent même pas se fier, à cet égard, aux médias officiellement catholiques. L'attention portée aux discours du Pape et la manière dont ils sont traités par les journaux, les magazines et les radios ou télévisions qui se présentent comme «d'inspiration catholique» sont évidemment liées à la liberté de choix religieux et professionnel, mais ils ne peuvent en aucun cas ignorer les exigences de la conscience, car il est du devoir de tout croyant, dans l'Église, de contribuer au bien commun, c'est-à-dire à la vie de foi du Peuple de Dieu.
Dans l'intérêt du peuple de Dieu, qui a le droit d'être dirigé par ses pasteurs, nous devons tous contribuer à orienter, c'est-à-dire à diriger les esprits et les cœurs des croyants vers l'Orient, qui est le Christ.

Si l'action du Pape est présentée comme l'expression d'un «courant» dans l'Eglise (celui des progressistes, des réformateurs, des antidogmatiques), ou pire encore, comme l'imposition à toute l'Eglise d'un «charisme» particulier, ou d'une «voie» spirituelle spécifique (celle des jésuites), on ne fait pas justice de la fonction propre de la papauté: le Saint-Père est le Père de tous, et son «charisme» lui impose de reconnaître et de promouvoir tous les «charismes» que l'Esprit suscite dans l'Église, c'est-à-dire les différentes spiritualités des ordres et des congrégations religieuses, des mouvements et des associations de laïcs, ainsi que les différents rites liturgiques et les traditions pastorales des églises locales en Occident et en Orient.

Certes, il a parfaitement le droit de se sentir «fièrement jésuite» (comme il l'a dit récemment dans l'Eglise du Gesù à Rome) et d'opter pour des formes de pastorale inspirées par saint Ignace; mais si les choix personnels du pape sont présentés comme si, à travers eux, on voulait établir de nouvelles règles, y compris canoniques, valables pour toute l'Eglise, on aplatit la figure du Pape au niveau des querelles cléricales. On retombe dans l'erreur fatale de faire passer le discutable pour le dogme, ce qui conduit dans la conscience des fidèles, à cette relativisation de l'absolu qui suit l'absolutisation du relatif. C'est pourquoi je désapprouve la réplique d'Introvigne à Palmaro publiée par la Bussola; et c'est pourquoi je désapprouve également la campagne que mène depuis des mois le jésuite Antonio Spadaro, directeur de la Civiltà Cattolica, qui, en plus de demander et d'obtenir une interview exclusive avec le Pape François pour son magazine (en la présentant comme une sorte d'encyclique programmatique de son pontificat), en a ensuite fait une exégèse personnelle en plus d'une occasion, jusqu'à la publication d'un volume de différents auteurs traduits en plusieurs langues et publié en Italie, en France et en Amérique. Puis il a continué à faire fonction d'exégète officiel du Pape jésuite avec l'exhortation apostolique Evangelii gaudium (cf. Antonio Spadaro, «Evangelii gaudium: radici, struttura e significato ella prima Esortazione apostolica di Papa Francesco», dans La civiltà cattolica, n. 3923, 7 décembre 2013, pp. 417-433, Antonio Spadaro), la présentant comme une expression authentique de la tradition morale et théologique des jésuites, chose confirmée, dans le même numéro de la revue, par un article du jésuite Brian O'Leary, intitulé «Le vocabulaire spirituel de Pierre Favre», le jésuite récemment canonisé par le pape Bergoglio.

Tout cela ne contribue pas à orienter les fidèles, mais les désoriente en permanence.
Si le choix (option prudentielle) d'une certaine spiritualité ou l'adoption d'une certaine pratique pastorale est idéologisé, transformé en une doctrine théologique avec laquelle on a l'intention de ré-former l'Eglise ou re-formuler les dogmes (sic!), il n'y a pas moyen d'éviter qu'une partie des fidèles exalte le Pape comme artisan de cette réforme radicale ou de cette révolution que certains prétendus théologiens espèrent, soulevant la réaction d'autres (à juste titre définis comme «réactionnaires») qui finissent même par craindre que le pape ne garantisse plus l’orthodoxie. Pietro Prini parlait, il y a plusieurs années d'un «schisme submergé», faisant allusion au détachement de la majorité des simples fidèles de l'enseignement dogmatique et moral de l'Église; à présent, le conflit entre catholiques des deux factions (un conflit idéologique qui rappelle les «extrémismes opposés» de la politique italienne des années soixante-dix) peut dégénérer en une multiplication de schismes (il y a déjà le douloureux épisode de la Fraternité Saint-Pie X).

Mieux vaut alors, comme je l'ai dit, laisser tomber les nombreuses interprétations des intentions du Pape que certains malveillants imposent à l'opinion publique catholique en manipulant le contenu de ses discours: que l'on adhère à ses enseignements officiels, et à coup sûr, on verra - au-delà des initiatives de «dialogue» qui peuvent être imprudentes, ou des références aux sujets doctrinaux qui peuvent être ambiguës - que les principes de la doctrine chrétienne ne sont pas menacés et que, comme l'a enseigné Benoît XVI, chaque réforme pastorale de l'Eglise sera une «réforme dans la continuité»
Et pour les simples fidèles, à juste titre peu intéressés par les nominations, les remplacements et les dépositions dans le domaine ecclésiastique, ceci suffit.