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Confidences passées de Benoît XVI

A la messe pour son 80e anniversaire, à une délégation du Sud-Tyrol... (17/1/2014)

La pudeur et la délicatesse dans l'expression des sentiments s'allient à la cordialité et à l'humour, lorsqu'il est en petit comité..

15 avril 2007
Homélie lors de la messe à l'occasion du 80e anniversaire

Des dizaines de milliers de pélerins, parmi eux, des cardinaux, des évêques, des diplomates étrangers (et même le ministre-président du land de Bavière, Edmund Stoïber) s'étaient rassemblés ce dimanche 15 avril 2007 Place Saint-Pierre pour prier avec le Pape à la veille de son quatre-vingtième anniversaire.

Extraits

Ces jours particulièrement illuminés par la lumière de la divine miséricorde coïncident précisément avec une occasion pour moi significative: je peux porter mon regard en arrière sur 80 années de vie.
...

Nous sommes rassemblés ici pour réfléchir sur le déroulement d'une longue période de mon existence. Bien sûr, la liturgie ne doit pas servir à parler de son moi, de soi-même; toutefois, notre propre vie peut servir pour annoncer la miséricorde de Dieu. "Venez, écoutez que je raconte, vous tous les craignant-Dieu, ce qu'il a fait pour mon âme" dit un Psaume (65, [66], 16). J'ai toujours considéré comme un grand don de la Divine Miséricorde que la naissance et la renaissance m'aient été accordées, pour ainsi dire, le même jour sous le signe du début de Pâques. Ainsi, le même jour, je suis né membre de ma propre famille et de la grande famille de Dieu.

Oui, je rends grâce à Dieu car j'ai pu faire l'expérience de ce que signifie la "famille"; j'ai pu faire l'expérience de ce que signifie la paternité, de sorte que la parole sur Dieu comme Père est devenue compréhensible pour moi de l'intérieur; sur la base de l'expérience humaine m'a été dévoilé l'accès au Père grand et bienveillant qui est au ciel. Devant Lui, nous avons une responsabilité, mais dans le même temps, Il nous donne confiance, car dans sa justice transparaît toujours la miséricorde et la bonté avec lesquelles il accepte également notre faiblesse et nous soutient, de sorte que peu à peu, nous pouvons apprendre à marcher droit.
Je rends grâce à Dieu car j'ai pu faire l'expérience profonde de ce que signifie la bonté maternelle, toujours ouverte à celui qui cherche un refuge, et précisément ainsi, en mesure de me donner la liberté.
Je rends grâce à Dieu de m'avoir donné ma sœur et mon frère qui, par leur aide, ont été fidèlement proches de moi le long du chemin de la vie.
Je rends grâce à Dieu pour les compagnons rencontrés sur mon chemin, pour les conseillers et les amis qu'Il m'a donnés. Je rends grâce en particulier car, dès le premier jour, j'ai pu entrer et croître dans la grande communauté des croyants, dans laquelle est grande ouverte la frontière entre vie et mort, entre ciel et terre; je rends grâce d'avoir pu apprendre tant de choses en puisant à la sagesse de cette communauté, dans laquelle ne sont pas seulement contenues les expériences humaines depuis les temps les plus reculés: la sagesse de cette communauté n'est pas seulement sagesse humaine, mais en elle parvient à nous la sagesse même de Dieu - la Sagesse éternelle.
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En poursuivant sur le chemin de la vie, je rencontrai ensuite un don nouveau et exigeant: l'appel au ministère sacerdotal. En la fête des saints Pierre et Paul de 1951, lorsque, avec quarante compagnons, nous nous trouvâmes dans la Cathédrale de Freising, étendus sur le sol et que tous les saints furent invoqués sur nous, la conscience de la pauvreté de mon existence face à ce devoir me pesait. Certes, le fait que la protection des saints de Dieu, des vivants et des morts, soit invoquée sur nous était un réconfort. Je savais que je n'aurais pas été seul. Et quel réconfort me procuraient les paroles de Jésus que, par la suite, au cours de la liturgie de l'Ordination, nous pûmes entendre des lèvres de l'Evêque: "Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis".
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Les miséricordes de Dieu nous accompagnent jour après jour. Il suffit que nous ayons le cœur vigilant pour pouvoir les percevoir. Nous sommes trop enclins à ressentir uniquement la difficulté quotidienne qui nous a été imposée en tant que fils d'Adam. Si toutefois, nous ouvrons notre cœur, alors, nous pouvons, même plongés en elle, constater sans cesse également combien Dieu est bon avec nous; combien Il pense à nous précisément dans les petites choses, nous aidant ainsi à atteindre les grandes. Avec le poids accru de la responsabilité, le Seigneur a apporté également une nouvelle aide dans ma vie. Je vois constamment avec une joie reconnaissante combien est grande la foule de ceux qui me soutiennent par leur prière; qui, avec leur foi et leur amour, m'aident à accomplir mon ministère; qui sont indulgents avec ma faiblesse, reconnaissant également dans l'ombre de Pierre la lumière bénéfique de Jésus Christ. C'est pour cela que je voudrais en cette heure rendre grâce de tout cœur au Seigneur et à vous tous. Je voudrais conclure cette homélie par la prière du saint Pape Léon le Grand, cette prière qu'il y a trente ans précisément, j'ai écrite sur l'image-souvenir de ma consécration épiscopale: "Priez notre bon Dieu, afin qu'il veuille en nos jours renforcer la foi, multiplier l'amour et accroître la paix. Qu'il me rende, moi, son misérable serviteur, apte à accomplir son devoir et utile à votre édification et qu'il m'accorde d'exercer mon service de telle sorte que, avec le temps donné, s'accroisse mon dévouement.
Amen".

© Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana (http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2007/documents/hf_ben-xvi_hom_20070415_80-genetliaco_fr.html )

24 décembre 2007
Rencontre avec une délégation de Tittmonning

Le 24 décembre 2007, après l'audience générale, le Saint-Père recevait une délégation d'habitants de Tittmoning - le gros village bavarois, sur la frontière autrichienne, où le petit Joseph Ratzinger vécut avec sa famille de 1929 à 1932 - venu lui remettre la distinction de citoyen d'honneur.
J'en ai parlé tout récemment ici: benoit-et-moi.fr/2013-III/benoit/nols-de-benoit-xvi.php
Je retrouve la video de la télévision bavaroise que j'avais mise en ligne à l'époque. Certes, c'est en allemand, mais la cordialité et l'humour n'ont pas besoin de traduction!

17 janvier 2009
Concert du choeur Regensburger Domspatzen à l'occasion du 85e anniversaire de Mgr Georg Ratzinger

Je l'ai là aussi évoqué très récemment.
Le discours qu'il a prononcé (et qui n'est pas traduit en français sur le site du Vatican, de sorte que ma traduction est sans doute inédite!) est à la fois un hymne à Mozart, "le grand fils de Salzbourg", une critique musicale (dans le beau sens du terme, lorsque le "critique" nous fait partager sa propre perception) et aussi un hommage aux liens du sang et à l'amour fraternel, et un recueil de souvenirs personnels très émouvants.
Lire ici: benoit-et-moi.fr/2013-III/benoit/benoit-xvi-et-mozart.html

11 novembre 2011
Rencontre avec une délégation du village natale de sa grand-mère maternelle

Le 11 novembre 2011, Benoît XVI recevait une délégation de Naz Sciaves, la petite ville du Sud Tyrol, dans la province de Bolzano (NE de l'Italie...) où naquirent et vécurent Maria Tauber et Maria Tauber-Peintner, respectivement son arrière-grand mère et sa grand-mère maternelles, venus lui remettre le titre de "citoyen d'honneur".
Sandro Magister titrait joliment un billet sur Settimo Cielo: pour des vacances avec les anges, réservez à Naz-Sciaves.

Voici ma traduction du discours imprompu du Pape Benoît:

Cher et estimé Monsieur le Maire
très chers frères dans le sacerdoce,
chers amis de Naz-Sciaves!

Je peux seulement dire de tout coeur "Vergelt's Gott" [Dieu vous récompense] pour le grand honneur que vous m'avez donné d'être aujourd'hui un citoyen d'honneur de votre municipalité et d'être donc, pour ainsi dire, des vôtres, y compris du point de vue légal, et de l'état civil. Grâce au beau tableau que vous m'avez offert, je peux encore faire des «promenades» dans votre communauté, et de cette manière aussi, me sentir chez moi, même si je redoute de ne plus avoir la possibilité de venir en personne chez vous, mais de pouvoir regarder Naz-Sciaves seulement d'en haut. Cependant, avec le cœur, je suis chez vous, et je suis vraiment heureux de ce cadeau que vous m'avez fait.

Le Sud-Tyrol est une terre particulière, et elle est imprimée dans mon coeur à travers les récits de ma mère. Moi-même, je n'ai pas connu ma grand-mère, ni mon arrière-grand-mère: ma grand-mère est morte quand j'avais trois ans, mais beaucoup de ses histoires sont restées, avant tout, le fait demeure que, durant toute sa vie, elle avait en elle la nostalgie du Sud-Tyrol, et intérieurement, elle ne s'est jamais vraiment insérée en Bavière. Lors de sa dernière maladie, elle disait: "Si je pouvais obtenir un peu d'eau de ma patrie, je guérirais sûrement!" (1).
Elle ne pouvait pas guérir, mais elle a vécu des "eaux" de sa patrie, et avec cela, elle a eu une vie difficile, mais pleine et riche.

Il me vient à l'esprit, à ce sujet, une autre petite histoire. Jeune fille, ma mère a travaillé dans une famille de Kufstein; là elle avait trouvé une amie, qui a ensuite épousé un boulanger et que j'ai connu, enfant. Elle l'aimait beaucoup, et son amie disait souvent: "Mariedl, tu dois savoir une chose: le Tyrol ce sont les anges qui l'ont "mis ensemble". Notre mère l'a gardé comme une sorte de testament et nous l'a ainsi légué. Elle était convaincue, au fond d'elle-même qu'il en était ainsi. Et puis, en 1940, quand j'avais 13 ans, pour la première fois, nous les trois frères et soeurs, nous avons fait un tour à vélo et nous sommes allés au Tyrol du Nord et nous avons vu que c'était vraiment ainsi: c'étaient les anges qui l'avaient "mis ensemble". Et puis, dans les années 50, je suis venu au Tyrol du Sud où j'ai pu percevoir cette proximité particulière de Dieu qui s'exprime dans la beauté de ces terres. Mais cela n'est pas devenu ainsi que grâce à la Création, mais parce que les hommes ont répondu à Dieu: si nous pensons aux clochers gothiques, aux belles maisons, à la gentillesse et à l'amabilité des gens, à la belle musique, nous savons que les hommes ont répondu, et dans la collaboration - entre le Créateur, ses anges et les hommes - c'est devenu une belle terre, une terre d'une beauté extraordinaire. Et je suis fier et heureux d'en faire partie, d'une façon ou d'une autre.

Mon souhait en ce moment est qu'elle reste ainsi.
Vous, monsieur le maire, vous avez parlé de l'église qui est située au centre du village et est une expression de communion qui maintient unies les personnes, et qui dans le même temps, est également un signe d'ouverture: elle ouvre la communauté au-delà de la vallée, vers l'ensemble de la chrétienté, vers le monde, et fait assumer la responsabilité ensemble. Mon espoir, donc, est qu'elle reste ainsi: que la nature, la création et l'être des hommes se raccordent en un unique harmonie; que la foi soit porteuse de joie et aide à surmonter les situations difficiles: mon arrière grand-mère s'en est allée, je crois, parce que sa maison était menacée par les eaux; que naisse la force de garder cette terre encore et encore - chaque génération doit recommencer - aussi belle qu'elle l'est, belle de l'intérieur; et qu'elle puisse ainsi rester une patrie qui aide les gens à vivre la bonne façon d'être des hommes.

“Vergelt’s Gott” [que Dieu vous récompense], et la bénédiction de Dieu sur vous tous!

* * *

(1) Dans le livre-interviewe "Mon frère le Pape (page 20) Mgg Georg Ratzinger rappelle:

La famille de ma mère était originaire du Tyrol. Ses parents étaient boulangers... Ses grands-parents avaient possédé près de Brixen, dans le Sud-Tyrol (qui était encore autrichien à l'époque), un moulin qui fut ensuite emporté lors d'une crue de la Rienz. Après quoi toute la famille partit s'installer en Bavière. Jusqu'à la fin de sa vie, ma grand-mère eut la nostalgie de son pays natal. Quand elle tomba malade et se sentit glisser peu à peu vers la mort, elle répéta souvent : « Si j'avais seulement un peu d'eau de chez moi, je guérirais. » L'eau du Tyrol, elle en était persuadée, était très différente de l'eau bavaroise. Elle croyait aussi que sa petite cabane pleine de foin tyrolien était plus nourrissante pour le bétail que toute une charrette de foin bavarois. C'était vraiment une grande patriote tyrolienne