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Deux textes de Benoît XVI sur le divorce

L'exhortation apostolique post-synodale "Sacramentum Caritatis" et la rencontre avec les familles au Parc Bresso de Milan en juin 2012 (23/5/2014)

La lettre pastorale de l'évêque d'Avila traduite par Carlota (Eucharistie et divorcés) a fait allusion à deux textes importants, l'un revêtu de l'autorité du Magistère, l'autre, informel, lors d'un entretien "a braccio", venant du coeur.

     

Témoignage des familles, à Milan

Le Pape répondait en toute simplicité aux questions de participants à la grande veillée du Parc de Bresso à l'occasion de la journée mondiale des Familles, les 2 et 3 juin 2012. On se souvient que la première question était celle de la petite Cat Tien, une fillette vietnamienne qui l'avait interrogé sur son enfance, ce qui nous avait valu des confidences touchantes pleines de spontanéité et riches d'enseignements sur la beauté de la famille (cf. benoit-et-moi.fr/2012(II)/).

Voici le dernier échange, il concerne précisément la situation des divorcés -"remariés".

Famille Araujo (Famille brésilienne de Porto Alegre)

Maria Marta : Sainteté, comme dans le reste du monde, dans notre pays aussi, les échecs matrimoniaux continuent à augmenter.

Je m’appelle Maria Marta, et lui Manoel Angelo. Nous sommes mariés depuis 34 ans et nous sommes déjà grands-parents. En qualité de médecins et psychothérapeutes de familles, nous rencontrons beaucoup de familles, remarquant dans les conflits de couples une difficulté plus marquée à pardonner et à accepter le pardon, mais dans différents cas nous avons rencontré le désir et la volonté de construire une nouvelle union, quelque chose de durable, pour les enfants aussi qui naissent de la nouvelle union.

Manoel Angelo : Certains de ces couples remariés voudraient se rapprocher de l’Église, mais quand ils se voient refuser les sacrements, leur déception est grande. Ils se sentent exclus, marqués par un jugement sans appel.

Ces grandes souffrances blessent profondément celui qui en est touché ; déchirures qui deviennent aussi une partie du monde, et sont aussi nos blessures, de toute l’humanité.

Saint-Père, nous savons que ces situations et que ces personnes tiennent beaucoup à cœur à l’Église : quelles paroles et quels signes d’espérance pouvons-nous leur donner ?

* * *

Saint-Père : Chers amis, merci pour votre travail de psychothérapeutes pour les familles, très nécessaire.
Merci pour tout ce que vous faites pour aider ces personnes souffrantes.
En réalité, ce problème des divorcés remariés est une des grandes souffrances de l’Église d’aujourd’hui. Et nous n’avons pas de recettes simples.
La souffrance est grande et nous pouvons seulement aider les paroisses, chacun à aider ces personnes à supporter la souffrance de ce divorce.
Je dirais que naturellement, la prévention est très importante, c’est-à-dire approfondir dès le début le fait d’être amoureux en une décision profonde, mûre ; et aussi, l’accompagnement pendant le mariage afin que les familles ne soient jamais seules mais soient vraiment accompagnées sur leur chemin.
Et nous devons dire à ces personnes, – comme vous avez dit – que l’Église les aime, mais elles-mêmes doivent voir et sentir cet amour. Cela m’apparaît être une grand tâche d’une paroisse, d’une communauté catholique, de faire réellement tout ce qu’il y a de possible pour qu’elles se sentent aimées, acceptées ; qu’elles ne sont pas « en dehors » même si elles ne peuvent recevoir l’absolution et l’Eucharistie : elles doivent voir que même ainsi, elles vivent pleinement dans l’Église. Même si l’absolution dans la Confession n’est pas possible, un contact permanent avec un prêtre, avec un guide de l’âme, est très important pour qu’elles puissent voir qu’elles sont accompagnées et guidées.
Et puis, il est aussi très important qu’elles sentent que l’Eucharistie est vraie et qu’elles y participent si elles entrent vraiment en communion avec le Corps du Christ. Même sans la réception « corporelle » du sacrement, nous pouvons être spirituellement unis au Christ dans son Corps (*). Et faire comprendre cela est important. Que réellement elles trouvent la possibilité de vivre une vie de foi, avec la Parole de Dieu, avec la communion de l’Église et puissent voir que leur souffrance est un don pour l’Église, parce qu’elles servent ainsi à tous pour défendre aussi la stabilité de l’amour, du mariage ; et que cette souffrance n’est pas seulement un tourment physique et psychique, mais qu’elle est aussi une souffrance dans la communauté de l’Église pour les grandes valeurs de notre foi. Je pense que leur souffrance, si elle est réellement intérieurement acceptée, est un don pour l’Église.
Elles doivent le savoir, qu’ainsi elles servent l’Église, elles sont dans le cœur de l’Église.

Merci pour votre engagement.

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2012/june/documents/hf_ben-xvi_spe_20120602_festa-testimonianze_fr.html

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(*) Sur son blog en italien Settimo Cielo, Sandro Magister parle à ce sujet de la "communion de désir", reprenant les termes d'un prêtre missionnaire Carlo Buzzi qui lui a écrit deux lettres (cf. "La communion aux divorcés remariés? Oui, la communion de désir", http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350799?fr=y)

     

Sacramentum Caritatis

Eucharistie et indissolubilité du mariage

§
29.
Si l'Eucharistie exprime le caractère irréversible de l'amour de Dieu pour son Église dans le Christ, on comprend pourquoi elle implique, en relation au sacrement de Mariage, l'indissolubilité à laquelle tout véritable amour ne peut qu'aspirer. L'attention pastorale que le Synode a réservée aux situations douloureuses dans lesquelles se trouvent de nombreux fidèles qui, après avoir célébré le sacrement de Mariage, ont divorcé et contracté une nouvelle union, est donc plus que justifiée. Il s'agit d'un problème pastoral épineux et complexe, une vraie plaie du contexte social actuel, qui touche de manière croissante les milieux catholiques eux-mêmes. Par amour de la vérité, les Pasteurs sont obligés de bien discerner les diverses situations, pour aider spirituellement de la façon la plus appropriée les fidèles concernés.
Le Synode des Évêques a confirmé la pratique de l'Église, fondée sur la Sainte Écriture (cf. Mc 10, 2-12), de ne pas admettre aux sacrements les divorcés remariés, parce que leur état et leur condition de vie contredisent objectivement l'union d'amour entre le Christ et l'Église, qui est signifiée et mise en œuvre dans l'Eucharistie.
Toutefois, les divorcés remariés, malgré leur situation, continuent d'appartenir à l'Église, qui les suit avec une attention spéciale, désirant qu'ils développent, autant que possible, un style de vie chrétien, par la participation à la Messe, mais sans recevoir la Communion, par l'écoute de la Parole de Dieu, par l'adoration eucharistique et la prière, par la participation à la vie de la communauté, par le dialogue confiant avec un prêtre ou un guide spirituel, par le dévouement à la charité vécue et les œuvres de pénitence, par l'engagement dans l'éducation de leurs enfants.

Là où surgissent des doutes légitimes sur la validité du Mariage sacramentel qui a été contracté, il convient d'entreprendre ce qui est nécessaire pour en vérifier le bien-fondé. Il faut aussi s'assurer, dans le plein respect du droit canonique, de la présence sur le territoire de tribunaux ecclésiastiques, de leur caractère pastoral, de leur fonctionnement correct et rapide.
Il importe qu'il y ait, dans chaque diocèse, un nombre suffisant de personnes préparées pour le bon fonctionnement des tribunaux ecclésiastiques. Je rappelle que « c'est une obligation grave que le travail institutionnel de l'Église réalisé dans les tribunaux soit rendu toujours plus proche des fidèles ».
Il est cependant nécessaire d'éviter de comprendre la préoccupation pastorale comme si elle était en opposition avec le droit. On doit plutôt partir du présupposé que le point fondamental de rencontre entre le droit et la pastorale est l'amour de la vérité: cette dernière en effet n'est jamais abstraite, mais « elle s'intègre dans l'itinéraire humain et chrétien de tout fidèle ».
Enfin, là où la nullité du lien matrimonial n'est pas reconnue et où des conditions objectives rendent de fait la vie commune irréversible, l'Église encourage ces fidèles à s'engager à vivre leur relation selon les exigences de la Loi de Dieu, comme amis, comme frère et sœur; ils pourront ainsi s'approcher de la table eucharistique, avec les attentions prévues par la pratique éprouvée de l'Église. Un tel chemin, pour qu'il soit possible et qu'il porte du fruit, doit être soutenu par l'aide des pasteurs et par des initiatives ecclésiales appropriées, en évitant, dans tous les cas, de bénir ces relations, pour que ne surgissent pas chez les fidèles des confusions autour de la valeur du Mariage.

Vu la complexité du contexte culturel dans lequel vit l'Église dans beaucoup de pays, le Synode a aussi recommandé d'avoir le plus grand soin pastoral pour la formation des fiancés et pour la vérification attentive de leurs convictions concernant les engagements prescrits pour la validité du sacrement de Mariage. Un sérieux discernement à ce sujet pourra éviter que des élans émotifs ou des raisons superficielles conduisent les deux jeunes à assumer des responsabilités qu'ils ne sauront ensuite honorer.
Le bien que l'Église et la société tout entière attendent du mariage et de la famille fondée sur lui est trop grand pour qu'on ne s'engage pas totalement dans ce domaine pastoral spécifique. Mariage et famille sont des institutions qui doivent être promues et garanties de toute équivoque possible quant à leur vérité, parce que tout dommage qui leur est causé constitue de fait une blessure pour la convivialité humaine comme telle.

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/apost_exhortations/documents/hf_ben-xvi_exh_20070222_sacramentum-caritatis_fr.html