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Nous, le Pape, et les chrétiens d'Irak

Voici deux articles traitant de ce sujet.
L'un est une tribune du bon Mgr Negri, publiée dans "Il Giornale" du 20 août, mais qui l'avait déjà été sur La Bussola du 22 juillet dernier - donc avant le voyage du Pape en Corée. L'autre d'un blog en italien que j'ai découvert récemment, celui de Piero Laporta (*). Le premier corrige la rudesse du second (**) (dont certaines exagérations sont sans doute rhétoriques et ne doivent donc pas être prises au pied de la lettre, mais il dit aussi des choses très justes). Si la perception de l'attitude du Pape est très différente pour l'un et l'autre (très sévère, pour Laporta, évidemment de loyauté pour Mgr Negri) , dans les deux cas, l'objectif final est le même: tirer la sonnette d'alarme avant qu'il ne soit trop tard... Car le martyre des chrétiens d'Irak nous tend un miroir, et nous commettrions une erreur fatale en nous en détournant.

Ce qui est le plus étonnant dans l'article de Piero Laporta, c'est qu'en parcourant son blog "à l'envers", càd en remontant vers l'élection de François, on y trouve des articles extrêmement favorables au Pape - et même encore récemment. On se retouve donc dans un cas de figure qui évoque Antonio Socci.
L'attitude envers les chrétiens d'Irak et les musulmans marquera-t-elle un tournant dans la perception du Pontificat?

(*) Piero Laporta se présente lui-même ici : catholique, il revendique comme principal centre d'intérêt la communication sur Internet, et il collabore (ou a collaboré) à différents journaux et magazines italiens, notamment Libero, Il Giornale, la revue de géopolitique Limes, etc...

(**) Il semble que les propos du Pape (et ceux dans l'avion ne font pas exception) sont systématiquement tirés à hue et à dia, selon les convenances de chacun. Beaucoup de journaux ont titré, après la conférence de presse en vol "Le Pape donne son accord pour intervenir en Irak" (qui pour critiquer, qui pour applaudir)... ce qui n'était pas si évident. Surtout, rares sont ceux qui ont vraiment lu ses propos, et surtout, regardé et écouté la vidéo de la conférence de presse, en VO.
Les deux vidéos insérées dans l'article de Peiro Laporta et reproduites plus bas (liens directs: ici, et à partir de 55" ), sont à cet égard embématiques. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le Pape était embarrassé et tout sauf enthousiaste, même en tenant compte du caractère impromptu des propos: nul besoin de comprendre l'italien pour s'en rendre compte!

     
Mgr Negri
Le monde musulman a des responsabilités spécifiques dans les persécutions qui ont lieu. Mais l'Occident ne parvient pas à dénoncer cette vérité, péchant par veulerie

NEGRI SUR LES CRIMES DE L'ISLAM: «LE COURAGE DE LA VERITE EST ESSENTIEL POUR ETRE DES TEMOINS CHRETIENS»
Le monde musulman a des responsabilités spécifiques dans les persécutions qui ont lieu. Mais l'Occident ne parvient pas à dénoncer cette vérité, péchant par veulerie
www.ilgiornale.it
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C'est quelque chose d'énorme, ce gigantesque exode de masse de chrétiens expulsés des lieux où depuis des millénaires la présence chrétienne est enracinée, uniquement parce qu'ils sont chrétiens. Donc pour ce que la tradition catholique appelle la haine de la foi. Et cela doit être mentionné explicitement: ils ne sont pas seulement jetés hors de leurs maisons, privés de tous leurs biens, privés de tous leurs droits et donc de possibilité de subsistance; mais la raison de tout cela est la foi.
Et cela, les chrétiens, l'Église, ne peuvent que le ressentir comme un événement terrible et en même temps grandiose, car c'est l'événement du martyre.
J'ai écouté avec beaucoup de gratitude les interventions du pape François, si fortes, si passionnées et en même temps si profondément empreintes de douleur, de compassion.
Avec non moins de gratitude, j'ai lu la longue interviewe du cardinal Kurt Koch à l'Osservatore Romano (résumée sur vaticaninsider, je n'ai pas trouvé l'original), qui a offert un moment de réflexion douloureuse sur cet événement.

Le cardinal Koch a insisté sur un aspect qui n'est pas toujours au premier plan dans les interventions du monde catholique. Le problème est qu'une dénonciation explicite présente une grande difficulté. Les responsables de ces terribles événements ont des noms et prénoms explicites, et pas seulement ceux parmi les derniers, les épigones de cette histoire de criminalité idéologique. Mais il y a une tradition qui remonte aux siècles de la présence islamique au Moyen-Orient et en Europe (?).

Aujourd'hui, le cardinal Koch dit que nous devrions être plus courageux dans la dénonciation. Le courage a toujours été un élément fondamental, pour une présence chrétienne, mais plus que jamais en un moment comme celui-ci. Le courage est un aspect du témoignage chrétien, il est un aspect fondamental de l'impact avec la réalité du monde et des hommes qui y vivent. Cette responsabilité doit donc être connue et proclamée , sinon, même les dénonciations et la volonté de partager la terrible situation de beaucoup de nos frères riquent d'être partiels.

Certes, nous occidentaux, en particulier nous, chrétiens de cet Occident qui à juste titre, a été ces derniers temps décrit comme caractérisé par une profonde fatigue, risquons de ne pas affronter la réalité en fonction de l'ensemble de ses facteurs. Surtout, nous essayons de cacher ou au moins de réduire l'impact avec ce monde islamique qui, que cela nous plaise ou non, a la responsabilité historique de ces événements d'aujourd'hui, comme au cours des siècles qui ont précédé ce dernier.

Peut-être y a-t-il une prévalence de la volonté de dialogue à tout prix qui affaiblit la vérité. Et un dialogue sans la vérité ou qui ne part pas de la vérité, n'est pas un dialogue: c'est un compromis, c'est de la connivence, c'est de la veulerie.

Je me souviens encore des interventions de Benoît XVI au cours de l'inoubliable Synode sur la nouvelle évangélisation, quand il est intervenu et a dit que «le dialogue est à la mesure de la force de sa propre identité»; et la force de sa propre identité, c'est la plénitude de la conscience critique de sa propre identité. Le dialogue est l'expression d'une culture: le dialogue ne produit pas de culture, il l'exprime.

Nous nous cachons ou courons le risque de nous cacher face à cette terrible menace qui pèse sur l'Occident, et pas seulement sur l'Occident, faisant un peu ce qu'ont fait les démocraties dites libérales bourgeoises face à la terrible histoire de Hitler, dans la période précédant immédiatement la Seconde Guerre mondiale. Ne pas avoir le courage de cette dénonciation est exactement à la mesure de la faiblesse de la foi. Le reste finit par être juste des discours creux. L'Église n'a pas besoin de discours creux et, que je sache, Dieu non plus.

Mgr Luigi Negri, Archevêque de Ferrare

Piero Laporta
François, l'un de nous

FRANÇOIS EST L'UN DE NOUS, NI PLUS NI MOINS
C'est pour cela qu'il est tellement aimé par tout le monde, même par nos frères musulmans en Irak et par leur avant-garde chez nous
www.pierolaporta.it/francesco-come
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Qui a dit que les papes doivent toujours être superlatifs?
Ceux qui parmi nous ont vécu à cheval sur deux siècles, croyants ou pas, avouons-le, sont convaincus que les papes, même ceux que l'on déteste, doivent avoir des qualités spéciales. Quelqu'un qui nous observerait d'en haut s'étonnerait de notre folie.
Nous fut donné un géant de la foi et de la charité, comme Pie XII; nous l'avons calomnié, maltraité, couvert de tous les outrages. Nous avons piétiné sa dignité et son immense et silencieuse charité, donné du crédit à un théâtreux, embauché par les fabricants du mal satanique (allusion à la pièce "Le Vicaire"). Même après que ceux-ci aient plongé dans les profondeurs de l'histoire (hélas non...! ou pas vraiment), nous n'en avons pas moins laissé le pape Pacelli dans l'ombre.
Après quelques tours est arrivé, car il avait rendez-vous avec l'histoire, le grand Jean-Paul II, assez grand pour nous faire passer au-delà de l'Union soviétique sans qu'une guerre éclate. S'il avait été vivant Charles De Gaulle se serait mis à genoux. Le grand général, en réalité plutôt antipathique et arrogant, ne cessait de répéter que les Etats naissent et meurent grâce aux guerres, selon une loi millénaire immuable. Si De Gaulle avait assisté, durant la nuit de Noël 1991, à la dissolution de l'Union soviétique, il n'aurait pas hésité à s'incliner devant le grand pape polonais. C'était le Saint Noël catholique, pas celui orthodoxe, pour souligner la coïncidence.

Et il arriva après trente jours d'interrègne du pape Luciani (dans une certaine mesure, un précurseur de Bergoglio). Comment avons-nous accueilli le pape Jean-Paul II? Nous lui avons tiré dessus, nous l'avons diffamé (à voix basse, bien sûr, parce que le personnage n'était pas sans défense); à peine les forces vinrent-elles à lui manquer, ceux qui grinçaient des dents depuis les premiers moments de son règne se sont présentés pour en salir la mémoire, comme des hyènes autour d'un lion mourant.

Le destin, ou Sa main, nous a nous offert une occasion supplémentaire. Benoît XVI, un autre géant de la foi, en outre soutenu par une intelligence aussi vertigineuse que sa culture. Sa qualité la plus grande était, cependant, la bonté. L'accueil? Hostilité et pièges à Bruxelles et à Washington, à Paris comme dans son bien-aimé Berlin et avant encore à Münich, Londres ou Rome, d'un côté et de l'autre du Tibre. Accablé par une méchanceté sans limites, il s'est retiré et prie pour nous.

Est arrivé Bergoglio et nous découvrons qu'il n'y a pas d'école où l'on enseigne comment être pape. Une personne normale, voire plus accessible que le curé de la paroisse que nous rencontrons à la messe, il nous a paru une solution pour un monde devenu fou.

«Bonsoir!», a-t-il dit en apparaissant pour la première fois à la loggia pétrinienne. Il aurait pu dire: «Loué soit Jésus Christ», il a préféré un banal salut mondain. Puis il a demandé à la place de prier pour lui. La place a obéi, ne sachant pas si cette demande était nécessaire ou appropriée.

Rentré de Lampedusa, il est allé en Corée du Sud survolant, à l'aller et au retour, le désert de Ninive où cent mille agneaux sont abattus, castrés, massacrés, violés, asservis, abandonnés à eux-mêmes ou au moins cibles d'armes offertes par les satrapes européens.
Demain ou dans quelques mois, le sang débordera et le christianisme est comme une poule fascinée par le serpent, s'illusionnant d'être épargné à cause de sa paralysie. Le sang, toutefois, se rapproche, insoucieux des astuces sémantiques. «Soyez candides comme des colombes et prudents comme des serpents» a recommandé le Christ à ses disciples. Depuis longtemps, il y a un différend quant à savoir si le Christ a dit «prudents» ou, comme d'autres le soutiennent, «rusés». Quoi qu'il en soit, il semble que dans l'«avion sacré» on ait manqué à la fois de prudence et de ruse tandis que planait la nouvelle doctrine de Pierre sur la guerre juste: «Il est permis d'arrêter l'agresseur. Pas de bombarder».

Espérons que nos frères musulmans n'ont pas entendu; car si on peut tout au plus les «arrêter», la terre acquise à ce jour leur appartient, puisqu'on ne doit ni bombarder ni faire la guerre, comme l'ordonne le pape. On ne pourra pas davantage les chasser de nos ville, armes à la main, s'ils décident de s'en emparer. Nous pourrons tout au plus les arrêter. En vérité, «arrêter» est un exercice bien connu depuis un certain temps, avec le soutien des coopératives et de la Caritas qui spéculent sur les généreuses subventions de l'Etat, sans oublier l'appui de politiciens que l'on peut légitiment soupçonner d'être quelque peu intéressés. Elle semble donc un peu bizarre, cette nouvelle doctrine du «fait accompli» à travers l'injonction apostolique d'«arrêter», mais c'est certainement une doctrine méditée, et même préméditée.

A bord du «saint avion», s'il y avait eu un journaliste, il aurait pu faire quelque commentaire. Sainteté, Vous êtes le Vicaire du Christ, personne mieux que vous ne peut appliquer votre doctrine, par ailleurs déjà mise en œuvre dans le lointain 452. Allez vous-même les arrêter, comme le fit Léon le Grand avec Attila.
Entre autres choses, ce serait plus facile, avec l'avion, c'est le moment: atterrir, bénir nos frères musulmans en armes, et puis leur dire gentiment comme Léon le Grand à Attila: Arrêtez!
Ni bombes, ni guerre, allez-y, Sainteté.
[Lien direct vers la vidéo: www.pierolaporta.it/wp-content/uploads/2014/08/Papa-In-Iraq-è-lecito-fermare-l'aggressore-non-bombardare..mp4]

«Si c'était nécessaire, à notre retour de Corée nous pouvons aller en Irak. C'était l'une des possibilités».
Et, disons-le, c'est un bon message médiatique, comme le «Vergogna!», celui lancé de Lampedusa pour les caméras rassemblées à Rome par le Père Federico Lombardi, qui se trouve chez lui sous l'arbre du bien et du mal.
«Si c'était nécessaire, à notre retour de Corée nous pouvons aller en Irak. C'était l'une des possibilités». Postposer le passé avec le présent pour donner à entendre que l'on fait ce qui est en réalité omis, nous semble assez différent du «Que votre "oui" soit oui, et votre "non" non; ce qui est en plus vient du malin» évangélique, mais ne chipotons pas. Par ailleurs - voir la vidéo - le Père Lombardi est très satisfait tandis que le pape s'exécute avec diligence; dommage, cependant, qu'il ne s'arrête pas là: «En ce moment ...» François n'est pas suffisamment jésuite et Lombardi a un sursaut de contrariété voyant la marmite se découvrir (1): «En ce moment ... ».
[Lien direct vers la vidéo: www.pierolaporta.it/wp-content/uploads/2014/08/Papa-Francesco-disposto-andare-in-Iraq.mp4" type="video/mp4]

François s'interrompt, il se rend compte qu'il s'est laissé conduire dans un piège, il cherche ses mots, embarrassé, et lance enfin: «En ce moment ... ce n'est pas ... la meilleure chose à faire ... mais je suis prêt à aller en Irak». Le Père Lombardi est livide, l'expédient n'a réussi qu'à moitié. Il reviendra aux courtisans de faire passer le message: «Le pape veut aller en Irak», autrement dit l'exact opposé de ce qui s'est en fait passé. «Que votre "oui" soit oui, et votre "non" non; ce qui est en plus vient du malin», mais après tout ce n'est que l'Evangile, un vieux livre d'origine incertaine.

Si dans l'«avion sacré», il y avait eu un journaliste, il se serait interrogé: «Ce n'est pas la meilleure chose à faire? Sous nos pieds, tandis que nous les survolons, nos frères musulmans, moins modérés que d'habitude, taillent, coupent les têtes... enterrent vivants, mutilent les morts. Un troupeau de cent mille désespérés, et nous qui étions à Lampedusa avec des caméras, pour deux cents victimes du destin, aujourd'hui, nous survolons le carnage, nous hâtant vers nos demeures (pour l'instant) sûres.
Quelle était la meilleure chose à faire à ce moment-là, pour le Pape? Qui, avant lui devrait donner l'exemple, sinon pour «arrêter» nos frères musulmans, au moins pour consoler les victimes?
Nos frères musulmans sont prévenus. Comme il est seulement permis, d'«arrêter», plus ils avanceront loin, plus ils tueront de chrétiens, plus ils massacreront d'enfants, mieux c'est. Le «fait accompli» est donc le nouveau dogme pétrinien sur la guerre juste. Deux mille ans de civilisation catholique sont à un tournant. Très bien, si cela doit être, que cela soit, et que François prêche par l'exemple et aille les arrêter.
Nous avons reçu plus d'un pontife à l'intelligence très fine et à la foi de diamant, des prophètes maltraités, assassinés, moqués. Aujourd'hui, nous avons Bergoglio.
«Jésus lui-même», a rappelé François dans l'homélie du 4 Avril «l'a dit aux Pharisiens, comme le raconte le fameux chapitre 23 de saint Matthieu dont la lecture nous ferait du bien. Jésus est explicite: vos pères ont tué les prophètes, mais vous, pour vous ôter votre culpabilité, pour vous purifier, aux prophètes, vous faites un sépulcre!».
Relisons-le, ce passage. Après quatre mois, nous n'avons même pas fait pour les saints martyrs prophètes d'Irak le peu qu'on fait les pharisiens, et nous n'avons pas béni leurs tombes, même pas en psalmodiant «arrêtez-vous», si ce n'est à une distance de sécurité.
Allons, personne n'oblige le destin ou l'Esprit Saint à nous donner un pape qui soit un génie et un géant de la foi. Après tout François est en de bonnes mains: le père Lombardi suggère les manoeuvres savantes et sélectionne les scribes courtisans dociles qui les livrent à l'histoire; en retour, ils peuvent faire leurs courses au supermarché du Vatican et avoir une réduction sur l'essence (ndt: c'est évidemment une métaphore..). A ce prix, ils piétinent (ndt: le mot utilisé est moins châtié) la vérité.
Par ces moyens, avec ces amis de confiance, ils arrêteront nos frères musulmans modérés, en regardant l'avenir avec confiance, parce que nous avons François, un Pape qui est comme nous, ni plus ni moins; c'est pour cela qu'il est aimé de tout le monde, même de nos frères musulmans modérés qui arrivent, et à leur avant-garde déjà parmi nous.

* * *

(1) Allusion au proverbe italien Il diavolo fa le pentole ma non i coperchi (le diable fait les casseroles mais pas les couvercles, i.e. "la ruse peut fournir le récipient pour contenir les mauvaises actions, mais pas le couvercle pour les cacher".

Mise à jour

L'appel des patrirches orientaux.
Le Patriarche Ephrem Karim de l'Eglise syro-orthodoxe demande au Pape François qu'il fasse «un usage plus audacieux de son influence pour la cause des chrétiens irakiens».

Au terme de leur visite au Kurdistan irakien, les Patriarches orientaux catholiques et orthodoxes réaffirment lors d'une conférence de presse la nécessité de chasser l'État islamique de Mossoul et la plaine de Ninive
www.zenit.org/it (d'après Asia News)
21/8/2014
(ma traduction)
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La visite de solidarité des Patriarches orientaux orthodoxes et Catholiques à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, s'est achevée hier. Une visite dont les tons sont allés au-delà du contexte pastoral et du protocole, en particulier après la rencontre avec le président de la région autonome, Massoud Barzani, au cours de laquelle les patriarches ne se sont pas privés d'exprimer une opinion ferme sur la question de la légitimité de l'usage de la force pour repousser l'agression des djihadistes de l'Etat islamique et ramener les chrétiens à Mossoul et dans les villages de la plaine de Ninive.

Un point de vue que les patriarches ont ensuite été exprimé publiquement lors d'une conférence de presse qui a suivi la rencontre.
Après la conférence, les Patriarches Younan, de l'Église syro-catholique, et Ephrem Karim de l'Eglis syro-orthodoxe resteront un peu plus longtemps dans la région, pour rester proches de groupes de fidèles en Irak. Le cardinal Béchara Rai et Gregorios III sont en revanche rentrés au Liban.

Selon l'agence Asia News, la conférence n'a rien eu de conventionnel. Avant tout pour le «cri d'alarme» lancé par les Patriarches sur la situation dans le pays, pour laquelle ils ont appelé à une intervention immédiate qui «correspond à ce que l'Église catholique enseigne en matière de légitime défense».

«Il n'y a pas une seconde à perdre», affirme Youssef II Younane, «en Mésopotamie, notre survie est en jeu. Les nations libres qui adhèrent à la Charte des droits de l'homme devraient avoir le courage d'être fidèles à leurs principes».

«Nous demandons - remarque le patriarche avec vigueur - une intervention internationale pour nous défendre, et certainement pas pour conquérir quoi que ce soit (ndt: allusion aux propos du Pape dans l'avion!). Nous avons le droit de nous défendre, et nous demandons à être défendus. La communauté internationale l'a bien fait dans le passé au Kosovo, malgré l'opposition à l'époque de la Russie».

C'est pourquoi, avec le Pape François, nous, les chefs des Eglises orientales demandons de «faire en sorte que nos droits soient respectés par une intervention militaire de nature défensivee, pour affronter les groupes djihadistes qui nous menacent».

D'accord également le Patriarche maronite Béchara Rai pour interpeller au plus vite la communauté internationale. «Nous pensons - a-t-il dit - que laisser le champ libre aux djihadistes de l'État islamique serait vraiment une honte pour l'Occident. Qu'un groupe terroriste d'inspiration diabolique soit laissé libre d'agir est un scandale sans précédent».

«Nous demandons - a ajouté le cardinal - à la communauté internationale d'assumer ses responsabilités. Il est inacceptable qu'un groupe de cette nature opprime ainsi des peuples, et que la communauté internationale ne prenne pas la défense d'un groupe incapable de se défendre seul».

Pour sa part, le patriarche Younane a implicitement accusé la doctrine wahhabite professé en Arabie Saoudite, en tant que source d'inspiration de l'État islamique. «Ce groupe n'a pu naître - a-t-il dit - que grâce à quelque soutien. Aujourd'hui , il essaie de se dérober à ses responsabilités, qui découlent de cette situation».

A propos de la rencontre avec le président Barzani - toujours selon Asia News - des sources proches de la délégation patriarcale ont révélé qu'il aurait fourni d'amples assurances que les peshmergas sont prêts à faire leur devoir pour défendre les chrétiens d'Irak, mais qu'en même temps le Kurdistan requiert de meilleurs équipements du point de vue militaire.

Au même moment, Barzani a confié aux membres de la délégation que les djihadistes ont rempli de mines les rues et les maisons des villages abandonnés par les chrétiens en fuite, et qu'en cas de besoin, les peshmergas ne disposent pas de l'équipement et de l'expérience pour intervenir.

Dans son intervention, enfin, le patriarche Ephrem a même revendiqué une région autonome pour les chrétiens d'Irak, dans le cadre d'une république fédérale de l'Irak. «La Constitution irakienne le permettrait», a dit Ephrem. Il n'a pas manqué de lancer un appel au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon afin qu'il se rende personnellement en Irak.
Un mot enfin pour le Pape François, afin qu'il fasse «un usage plus audacieux de son influence pour la cause des chrétiens irakiens».
Le patriarche des syro-orthodoxes a également demandé la libération de Mossoul, constatant qu'il est désormais possible d'assurer le retour dans certains villages de la plaine de Ninive.

A l'issue de la visite, en introduisant la conférence de presse, le patriarche chaldéen Sako, a affirmé que les Églises d'Orient sont un ensemble de «petites églises, mais qu'à travers leur union, elles peuvent former une Église grande et forte».

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