Accueil

Un scoop de La Repubblica

Les "conservateurs" du Synode auraient fait une démarche préventive auprès du Pape émérite, lui demandant d'intervenir (19/10/2014, mise à jour: un commentaire de Raffaella)

     

Que doit-on comprendre à la lecture de l'article que j'ai traduit ci-dessous?
Tout simplement qu'on a frôlé le schisme. Qu'on est allé appeler le grand Benoît XVI à la rescousse. Qu'il a permis d'éviter la rupture, et de sauver ce qui est encore sauvable.
La démarche des "conservateurs" (si la rumeur se confirme, mais je suis sûre que l'épisode n'est pas inventé) est absolument inouïe, et indique au sein de l'Eglise une situation beaucoup plus grave que ce qu'on a pu imaginer. S'il y avait, comme le prétendent certains contre toute évidence, une continuité parfaite entre les deux papes, un tel épisode n'aurait jamais eu lieu!
Mais surtout: BENOÎT XVI NE POUVAIT EN AUCUN CAS RÉAGIR AUTREMENT QU'IL L'A FAIT
.
Il n'avait tout simplement pas le choix. Sinon, c'était le schisme de facto.

L'article de La Repubblica rend d'une certaine façon un hommage inattendu (étant donnée la source!) à l'équanimité de Benoît XVI, mais cède (de façon nettement moins inattendue) à la mauvaise tentation d'instrumentaliser le pape émérite au profit de ses thèses habituelles:
La démarche de celui-ci n'est pas plus un désaveu des frondeurs "de droite" qu'un assentiment aux ouvertures du pape François. Benoît XVI ne veut que le bien de l'Eglise, il n'est d'aucune faction, pas plus qu'il ne l'était quand il était le bras droit de Jean-Paul II.

     

ET RATZINGER REPOUSSE LA FRONDE DES CONSERVATEURS:
«Le pape, ce n'est pas moi, c'est François qui décide»
La mission ratée (*) d'un groupe de cardinaux dans la résidence de Benoît. Qui informe son successeur avec un billet.
Claudio Tito
www.repubblica.it
19 octobre 2014
(ma traduction)
-----

Durant les jours les plus chauds de ce Synode, il y a eu un billet qui a définitivement changé la façon et probablement le résultat de la discussion. Un billet qui est resté inconnu à la plupart. Un message court, mais essentiel. Expédié du monastère Mater Ecclesiae et remis à Santa Marta. Deux lieux qui dans le Saint-Siège de ces deux dernières années ont pris une valeur particulière: ils sont, respectivement, les résidences du pape émérite Joseph Ratzinger et du pontife en exercice, Jorge Mario Bergoglio.
Et bien sûr parce que dans la confrontation qui s'est consommée entre les 191 pères du Synode, il y a eu aussi un protagoniste inattendu: Benoît XVI.
Ratzinger n'a évidemment pas pris part aux travaux des commissions et des réunions convoquées par son successeur. Pourtant, il n'était pas absent. Soutenant François (*). «Non seulement dans la prière - explique-t-on dans les couloirs du trône de Pierre - mais aussi avec sa figure et sa stature du pape émérite et de plus grand théologien vivant».
Durant ces jours, en effet, il s'est peut-être consommé une des batailles les plus âpres depuis Vatican II. Les thèmes de la famille ont été au centre d'un affrontement sans précédent. Les ouvertures aux familles non-traditionnelles et les droits (*) des homosexuels ont déterminé une discussion serrée. Qui, par ailleurs, avait commencé depuis un certain temps: d'abord avec le rapport «ouverturiste» du cardinal Kasper (auquel s'était joint l'archevêque de Chieti Bruno Forte) lors du dernier consistoire, qui a constitué la base de l'affrontement du Synode. Ensuite, avec le document «traditionaliste» signé par cinq cardinaux, Müller (chef de l'ex-Saint-Office), Burke (préfet de la Signature Apostolique), Caffara (archevêque de Bologne), Brandmüller et De Paolis. Et appuyé en substance par l'archevêque de Milan Scola.

Ainsi le Synode a été précédé et donc caractérisé par la confrontation-conflit qui s'est poursuivi encore ces jours-ci.
Et précisément à cheval entre la phase préparatoire et le rendez-vous effectif, le rôle de Benoît XVI a crû de façon exponentielle. Et même, à certains moments, la tension a atteint des sommets. Créant alarme et inquiétude dans les Conférences épiscopales. Mais peut-être le moment le plus critique est-il resté caché jusqu'à aujourd'hui. Ce fut quand quelques-uns des cardinaux conservateurs qui avaient lu et commenté avec surprise les thèses Kasper sont allés trouver le pape émérite dans le monastère Mater Ecclesiae. Interrompant le style toujours réservé que Ratzinger s'est imposé depuis le jour de sa démission. Lors de cette rencontre, ses interlocuteurs ont tenté une opération sans précédent: essayer de le sensibiliser (*) sur les thèses qui devaient être en discussion au synode. Une opération potentiellement capable de diviser verticalement l'Eglise. Organisant de facto une fronde interne contre le pape. Et pas en termes de «pouvoir réel» ou pour des nominations. Mais sur le terrain de la doctrine.

La réponse de Benoît XVI, cependant, a été claire: «Le pape, ce n'est pas moi, ne vous adressez pas à moi».
En effet, peu de temps après - comme cela lui est souvent arrivé dans ces deux années - il a envoyé une note en privé au Pape. Le contenu en est inconnu, mais le timing confirme l'idée d'une collaboration informative.
Même quand la controverse est devenue plus brûlante. Même quand l'aile la plus conservatrice de l'épiscopat n'a rien fait pour cacher ses doutes et ses critiques sur le document rendu public par le cardinal Kasper, le pape émérite s'est employé à éviter fractures et courants.
«Cum Petro et sub Petro», telle est la synthèse que Ratzinger fait de sa présence au Vatican. «Et s'il parle - remarquent les observateurs les plus attentifs du Saint-Siège - c'est toujours à l'appui de François» (*).
Une façon de dire que personne ne pourra jamais utiliser Benoît contre Bergoglio. Du reste, les relations entre le pape émérite et son compatriote Kasper n'ont pas été interrompues au cours de ces mois (*). Comme n'a pas été interrompu le dialogue entre Benoît XVI et l'archevêque de Chieti, Forte (*).

Même après cette rencontre (?) secrète, cependant, la composante la plus conservatrice n'a pas renoncé à mettre en évidence les observations et les notes - y compris les plus acérées - au cours des travaux du Synode. Le risque d'une fracture évidente et manifeste et a été une constante de ces jours.
Et le résultat presque inévitable a été celui d'une médiation finale. C'est un travail de correction constante des thèses initiales. Il suffit de regarder la soi-disant «Relatio post disceptationem» du cardinal hongrois Erdö, président du synode, et les deux documents finaux approuvés. Tous deux, en effet, font un pas en arrière dans leur contenu du point de vue dogmatique, mais pas de celui pastoral. Une façon d'éviter les scissions et les divisions. Même si le rendez-vous final, celui des décisions n'est pas et ne pouvait pas être celui-là. Mais le Synode de 2015.
Peut-être, toutefois, le résultat poursuivi par le pape cette fois, at-il été avant tout de ne pas exposer l'Église à une division. Surtout après les efforts d'unité faits à la suite des scandales de ces dernières années (?).

* * *

(*) Passages tendancieux, douteux, ou visant à instrumentaliser le pape émérite.

Le commentaire de Raffaella

Mon amie a écrit pour son site, avec le coeur et la raison, un très beau commentaire, soulignant - malgré toute la sympathie que m'inspire la cause qu'ils défendaient - le caractère incongru de la démarche des "conservateurs" d'utiliser Benoît contre François.
Il se peut finalement que la solution de compromis trouvée hier, et même la standing ovation qui aurait accueilli le discours du Pape (selon Vatican Insider), eh bien.... on les doive tout simplement à Benoît XVI. Et pas seulement à sa prière!

Article de Raffaella ici: ilblogdiraffaella.blogspot.it
Ma traduction.

BENOÎT XVI SAUVE L'ÉGLISE UNE FOIS DE PLUS, ÉVITANT UN SCHISME.
La tentative (échouée) de le tirer par la soutane

------

Vraiment très intéressant, ce que nous pouvons lire sur la Repubblica, non tant pour le contenu lui-même que pour les déductions que nous pouvons en tirer.
J'ai attendu jusqu'à cet instant pour écrire ce commentaire, attendant un démenti possible. Il n'y en a pas eu, et donc tout cela est vrai ou au moins plausible.
Il n'y a rien à faire: quand l'Église est en difficulté, elle court immédiatement «à Canossa» chez Ratzinger.
Tous les Papes qui nous sont proches historiquement se sont fiés à l'intelligence extraordinaire, à la grande humanité et à la sagesse de Benoît XVI.
Jean XXIII l'a fait, quand il a félicité, et remercié le cardinal Freising pour avoir lu au Concile un texte écrit par celui qui était alors un jeune théologien bavarois.
Paul VI l'a fait, qui l'a voulu archevêque de Münich et cardinal.
L'estime du Pape Luciani pour le futur pape Benoît est également notoire.
Sans parler de Jean-Paul II avec lequel le futur Benoît XVI a noué une relation de travail et d'amitié.
Et même le successeur de Joseph Ratzinger a besoin de lui, ou au moins ses partisans.

Dès qu'il a été clair que le synode n'allait pas être ce que l'on croyait au début (une marche triomphale vers l'approbation de la thèse de certains cardinaux et évêques), voilà que les fronts opposés ont frappé à la porte de Joseph Ratzinger.
Selon Tito - l'auteur de l'article - la soi-disant «fronde» traditionaliste est matériellemnt allée parler avec le pape émérite, qui à juste titre et avec une fine ironie, leur a conseillé de s'adresser au pape en charge.
Mais également l'autre «fronde», celle que pour plus de commodité, nous appellerons «progressiste», s'est servie et se sert de Benoît XVI, par exemple en citant des passages de ses écrits, les décontextualisant et rassurant tout le monde sur le fait que Ratzinger est toujours et quoi qu'il advienne, en phase avec le Pape Bergoglio.
Cette fronde se sert également des médias amis, en utilisant cette même stratégie qu'au fil des ans, nous avons appris à bien connaître: des grenouilles à la bouche grande ouverte qui, dans les couloirs obscurs, laissent passer des secrets utiles à la (leur) cause.

Quoi qu'il en soit, les deux fronts accomplissent et ont accompli une action peu correcte, qui toutefois a lamentablement échoué: tenter d'utiliser le pape émérite en faveur de ou contre le pape régnant.
En grand théologien, comme quelqu'un qui donnerait sa vie pour l'Eglise, Benoît XVI ne se poserait JAMAIS contre son successeur. Impensable que sorte de sa bouche un mot de reproche ou de critique. Ceux qui ont pensé tirer Benoît XVI par les habits dans ce sens prouvent qu'ils ne l'ont jamais connu. Tout comme ceux qui tentent de mettre le timbre 'Ratzinger' sur chaque décision bergoglienne n'ont rien compris.
Il n'est pas admissible qu'ils utilisent le Pape émérite seulement quand cela les arrange, quand la situation leur glisse hors des mains, quand ils visent trop haut, avant de faire des comparaisons délétères et infantiles quand ils ont le vent en poupe.
La première attitude est puérile, et encore plus la deuxième.
On n'accourt pas chez le professeur uniquement lorsque le voisin de table vous a volé votre gomme.
Dans tout ce gâchis se dégage de manière splendide, comme toujours, la figure du pape Benoît, qui, avec sa parole mais surtout sa prière, a de fait évité une scission. Un schisme? Qui sait ...
Certes, les choses ne s'étaient pas bien engagées, et le document final du Synode, un compromis pour ainsi dire au rabais par rapport aux attentes initiales, est là pour démontrer la souffrance de l'Église.
J'espère qu'on se rend compte combien précieux est le don du pape émérite Joseph Ratzinger. Il aurait suffi d'un mot de lui mal rapporté pour créer une fracture verticale.
Je suis émue par l'obéissance de Benoît, son dévouement total à l'Eglise du Christ, qui l'a amené à se sacrifier.
J'ai été très heureuse de revoir le Saint-Père ce matin, mais j'aurais surtout besoin d'écouter sa voix, pour apprendre, pour nourrir mon âme et mon esprit. Je le répète: le fait qu'il n'intervienne jamais est une perte indicible surtout pour l'Église.
Le Pape François a beaucoup de chance de l'avoir à ses côtés, comme l'ont eu les prédécesseurs de Benoît XVI auquel, par contre, a toujours manqué «son Ratzinger». Quand il a eu besoin de soutiens désintéressés et sincères, bien peu de voix se sont élevées pour prendre sa défense. Voulons-nous parler à nouveau de Ratisbonne? Ce n'est pas le moment...

Je conclus en vous invitant à la prière et à une étreinte idéale au pape émérite qui encore une fois, même en silence, a donné la preuve de la grandeur de son esprit et de son cœur.
Raffaella

  © benoit-et-moi, tous droits réservés