Accueil

Benoît XVI: discours à la Rote Romaine (IV)

Le discours du 29 janvier 2009: le problème de l'incapacité psychique dans les causes de nullité matrimoniale (29/9/2014)

>>> Articles reliés: Le magistère de Benoît XVI sur le mariage

     

Le discours de 2009 est très technique, et je ne l’ai pas reproduit en entier. Benoît XVI renvoie aux allocutions à la Rote romaine prononcées par JP II en 1987 et 1988 (ARR_87 et ARR_88) , au Code de droit canonique, et au catéchisme de l’Eglise catholique.

En substance, le Saint-Père invite les membres de la Rote à exercer la plus grande vigilance dans l’évaluation des causes de nullité matrimoniale (qui ne tournent pas forcément autour de la consommation ou non), mais de garder présente à l’esprit « la capacité humaine innée au mariage » : il s’agit de ne pas décourager les jeunes, qui pourraient penser, dans le contexte d’aujourd’hui, qu’il est pratiquement impossible de se marier.

Le Pape met en garde contre la « tentation réductionniste », du fait de certains courants anthropologiques prétendus humanistes « tournés vers l'auto-réalisation et l'auto-transcendance égocentrique, [qui] idéalisent tellement la personne humaine et le mariage qu'ils finissent par nier la capacité psychique de nombreuses personnes, en la fondant sur des éléments qui ne correspondent pas aux exigences essentielles du lien conjugal ».

* * *

Le discours du Pape

LE PROBLÈME DE L'INCAPACITÉ PSYCHIQUE DANS LES CAUSES DE NULLITÉ MATRIMONIALE
------

Vous attendez du Pape, au début de votre année de travail, une parole qui soit pour vous une lumière et une orientation dans le déroulement de vos tâches délicates. Les thèmes que nous pourrions aborder en cette circonstance pourraient être nombreux, mais vingt ans après l'allocution de Jean-Paul II sur l'incapacité psychique dans les causes de nullité matrimoniale du 5 février 1987 (ARR_87) et du 25 janvier 1988 (ARR_88) , il semble opportun de se demander dans quelle mesure ces interventions ont été accueillies comme il se doit dans les tribunaux ecclésiastiques.
Le moment n'est pas venu de tracer un bilan, mais aux yeux de tous apparaissent les éléments d'une question qui continue à être d'une grande actualité. Dans certains cas, on peut malheureusement ressentir encore vivement l'exigence dont parlait mon vénéré prédécesseur: celle de préserver la communauté ecclésiale « du scandale de voir, en pratique, détruite la valeur du mariage chrétien par la multiplication exagérée et presque automatique des déclarations de nullité dans le cas d'échec du mariage, sous prétexte d'une quelconque immaturité ou faiblesse psychique des contractants » (ARR_87).

Au cours de notre rencontre d'aujourd'hui, j'ai à cœur de rappeler l'attention des agents du droit sur l'exigence de traiter les causes avec la profondeur qui leur est due, requise par le ministère de vérité et de charité qui est propre à la Rote romaine.
En effet, à cette exigence de la rigueur de la procédure, les allocutions susmentionnées, sur la base des principes de l'anthropologie chrétienne, fournissent les critères de fond non seulement pour les examens des expertises psychiatriques et psychologiques, mais également pour la définition judiciaire même des causes.

[Dans une longue partie, Benoît XVI examine des détails très techniques, contenus dans les allocutions ARR_87 et ARR_88. Puis il poursuit :]

En cette occasion, toutefois, je voudrais également reprendre en considération le thème de l'incapacité à contracter un mariage, qui est traité au canon 1095 (1), à la lumière de la relation entre la personne humaine et le mariage et rappeler certains principes fondamentaux qui doivent éclairer les agents du droit.

¤ REAFFIRMER LA CAPACITE HUMAINE INNEE AU MARIAGE
-----

Il faut tout d'abord redécouvrir de manière positive la capacité qu'en principe, chaque personne humaine possède de se marier, en vertu de sa nature même d'homme ou de femme. Nous courons en effet le risque de tomber dans un pessimisme anthropologique qui, à la lumière de la situation culturelle actuelle, considère presque impossible de se marier. A part le fait que cette situation n'est pas uniforme dans les différentes régions du monde, on ne peut pas confondre avec la véritable incapacité de consentement les difficultés réelles que connaissent beaucoup de personnes, en particulier les jeunes, qui en arrivent à considérer que l'union matrimoniale est normalement impensable et impraticable. Au contraire, la réaffirmation de la capacité humaine innée au mariage est précisément le point de départ pour aider les couples à découvrir la réalité naturelle du mariage et l'importance qu'il possède sur le plan du salut.

¤ LA CAPACITÉ "NÉCESSAIRE" POUR SE MARIER
------

Ce qui est en définitive en jeu est la vérité même sur le mariage et sur sa nature juridique intrinsèque, présupposé incontournable pour pouvoir accueillir et évaluer la capacité nécessaire pour se marier.
Dans ce sens, la capacité doit être mise en relation avec ce qu'est essentiellement le mariage, c'est-à-dire « la communauté profonde de vie et d'amour que forme le couple fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur » (Gaudium et spes, §48), et, de manière particulière, avec les obligations essentielles qui lui sont inhérentes et que les époux doivent assumer (can. 1095, §3).

¤ LA CAPACITÉ NE DEPEND PAS DE LA CONSOMMATION OU NON DU MARIAGE
-----

Cette capacité n'est pas quantifiable par rapport à un degré déterminé de réalisation existentielle ou effective de l'union conjugale à travers l'accomplissement des obligations essentielles, mais par rapport à la volonté efficace de chacun des contractants, qui rend possible et active cette réalisation dès le moment du pacte nuptial. Le discours sur la capacité ou l'incapacité n'a donc de sens que dans la mesure où il concerne l'acte même de contracter le mariage, car le lien mis en acte par la volonté des époux constitue la réalité juridique de l'una caro biblique (Gn 2, 24; Mc 10, 8; Ep 5, 31; cf. can. 1061), dont la subsistance valable ne dépend pas du comportement successif des conjoints au cours de leur vie matrimoniale.

¤ MISE EN GARDE CONTRE «L’OPTIQUE RÉDUCTIONNISTE» ET « CERTAINS COURANTS ANTHROPOLOGIQUES HUMANISTES »
-----

Inversement, dans l'optique réductionniste qui méconnaît la vérité sur le mariage, la réalisation effective d'une véritable communion de vie et d'amour, idéalisée sur un plan de bien-être purement humain, ne devient essentiellement dépendante que de facteurs accidentels, et non pas en revanche de l'exercice de la liberté humaine soutenue par la grâce.
Il est vrai que cette liberté de la nature humaine, « blessée dans ses propres forces naturelles » et « inclinée au péché » (Catéchisme de l'Eglise catholique) est limitée et imparfaite, mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'est pas authentique et insuffisante pour réaliser cet acte d'autodétermination des contractants qu'est le pacte conjugal, qui donne vie au mariage et à la famille fondée sur celui-ci.
Assurément, certains courants anthropologiques humanistes, tournés vers l'auto-réalisation et l'auto-transcendance égocentrique, idéalisent tellement la personne humaine et le mariage qu'ils finissent par nier la capacité psychique de nombreuses personnes, en la fondant sur des éléments qui ne correspondent pas aux exigences essentielles du lien conjugal.

Face à ces conceptions, les spécialistes du droit ecclésial ne peuvent pas ne pas tenir compte du sain réalisme auquel faisait référence mon vénérable prédécesseur (cf. Jean-Paul II, ARR_97, §4) car la capacité fait référence au minimum nécessaire afin que les futurs époux puissent donner leur être masculin et féminin pour fonder ce lien auquel la plus grande majorité des êtres humains est appelée.
Il s'ensuit que les causes de nullité pour incapacité psychique exigent, comme ligne de principe, que le juge se serve de l'aide d'experts pour établir l'existence d'une véritable incapacité , qui est toujours une exception au principe naturel de la capacité nécessaire pour comprendre, décider et réaliser le don de soi-même, à partir duquel naît le lien conjugal.
(...)


© Copyright 2009 - Libreria Editrice Vaticana

NDLR

(1) Can. 1095
Sont incapables de contracter mariage les personnes:
1. qui n'ont pas l'usage suffisant de la raison;
2. qui souffrent d'un grave défaut de discernement concernant les droits et les devoirs essentiels du mariage à donner et à recevoir mutuellement;
3. qui pour des causes de nature psychique ne peuvent assumer les obligations essentielles du mariage.
---

Can. 1061
1. Le mariage valide entre baptisés est appelé conclu seulement, s'il n'a pas été consommé; conclu et consommé, si les conjoints ont posé entre eux, de manière humaine, l'acte conjugal apte de soi à la génération auquel le mariage est ordonné par sa nature et par lequel les époux deviennent une seule chair

  © benoit-et-moi, tous droits réservés