Accueil

B XVI et la pédophilie: le coup de patte de l'ours

Des dizaines et des dizaines d'évêques destitués sous son règne. Un article de Marco Tosatti datant du 27 février 2013, et qui revient au premier plan de l'actualité (29/9/2014)

>>> Cf.
Pédophilie, la tolérance zéro vient de Benoît XVI

«Il a fait tout ce qu'il pouvait pour laisser à son successeur une Eglise plus forte et plus propre que celle qu'il avait reçue»

     

LE COUP DE PATTE DE L'OURS
Marco Tosatti
27 février 2013
San Pietro e dintorni
-------

Quand Benoît XVI a été élu au conclave de 2005, il a choisi de mettre sur son blason l'ours de Saint Corbinien. On raconte que l'ours a mangé la mule du saint, qui lui a ordonné de prendre sur lui la charge de la mule, et de le suivre.
Benoît XVI a pris sur lui la charge de l'Église de Jean-Paul II (et de ses prédécesseurs).

«Un ours au sourire de velours, un peu timide; mais qui se souviendra, si besoin est, que les ours ont aussi des griffes et des dents», avais-je écrit.
Et je pense que c'est la reconnaissance la plus sobre et la plus juste à donner au pape Ratzinger, à la veille de sa «dissimulation» (nascondimento: présence cachée) au monde, et au début d'une vie marquée par la prière: qui a su montrer griffes et dents peut-être plus qu'aucun de ses prédécesseurs, pour nettoyer l'Eglise.
Le dernier épisode date d'il y a quelques jours: il a convaincu un archevêque et cardinal de se retirer de son rôle, et de ne pas venir au Conclave, pour des raisons de morale.
Selon mon compte, le cas de Keith O'Brien (1) serait pratiquement le quatre-vingtième du genre sous le règne de Benoît. Mais ce chiffre pourrait être plus élevé, selon le nonce au Kyrgisistan et au Tadjikistan, l'archevêque Miguel Maury Buendia.
«Il a accompli un nettoyage de l'épiscopat - a-t-il déclaré à l'agence EWTN News. Il a destitué deux ou trois évêques par mois dans le monde entier, parce que leur diocèse était un vrai gâchis, ou leur discipline une catastrophe. Les nonces de l'endroit venaient voir l'évêque et lui disaient: "Le Saint-Père vous demande de démissionner pour le bien de l'Église". Quand le nonce arrivait, presque tous les évêques reconnaissaient le désastre et acceptaient de renoncer. Il y a eu deux ou trois cas où ils ont dit non, et le pape les a simplement destitués. Et c'est aussi un message aux évêques: faites la même chose dans votre diocèse».

Et quelque coup de patte - peut-être trop peu, selon certains - a été également donné à la Curie, comme en témoigne le cas Viganò (2), actuel nonce aux États-Unis, que Benoît XVI n'a pas voulu faire cardinal.
Ce n'est pas un hasard si Benoît XVI a passé presque tous les jours des heures et des heures à étudier les «ponenze» (3), c'est à dire les dossiers qui arrivaient du monde entier pour la création de nouveaux évêques, pour être sûr de mettre la bonne personne à la tête du diocèse. Et souvent, il en a refusés, demandant d'autres candidats. En somme, il a fait tout ce qu'il pouvait pour laisser à son successeur une Eglise plus forte et plus propre que celle qu'il avait reçue. Un travail qui est le premier héritage de celui qui recueillera son fardeau de Pape.

Notes de traduction

(1) Après avoir nié les "comportements indécents" dénoncés par trois prêtres et un ancien séminariste, il est contraint par le pape Benoit XVI à la démission après la publication de l'affaire dans "The Observer" le 23 février 2013 peu avant son 75e anniversaire. Keith O'Brien finit par reconnaître le 3 mars 2013, que son "comportement sexuel a été parfois en deçà des standards qu'on attendait d'un prêtre, d'un archevêque et d'un cardinal". Il présente ses excuses et demande pardon à "ceux qu'il a offensés" (selon wikipedia)
Voir aussi: www.lanuovabq.it/it/articoli-il-peccato--gravela-giustificazionemolto-peggio

(2) On se souvient que son nom a été cité dans les vatileaks.

(3) Tosatti en avait parlé à Antonio Mastino (benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/quand-marco-tosatti-rencontre-antonio-mastino-ii):

- Ecoute, je peux te dire une chose avec certitude, et c'est l'une des nombreuses choses qui a rendu ce pontificat grand. Tout d'abord, aucun pape autant que lui, silencieusement, avec la plus grande discrétion, n'a démis autant d'évêques indignes d'exercer leur ministère, entre '80 et '90; il a réduit des centaines de prêtres à l'état laïc, une fois qu'il a eu pris connaissance des carences de toutes sortes, mais surtout morales. Personne autant que lui - et il était vraiment le premier pape à agir concrètement dans ce domaine - n'a combattu non seulement par les réglements, mais par des actions concrètes, les cas d'abus sexuels ou de pédophilie dans le clergé, comme il avait tenté de le faire comme cardinal, mais avait été durement entravé par certains potentats de curie.

- Et ses nominations? Sur cela aussi, on a trouvé à redire.
- Voilà, c'est l'autre question qui rend ce pontificat grand. Sauf dans le cas Bertone, et analogue. Wojtyla quand on lui présenté les «ponenze», c'est à dire les listes avec les évêques à nommer dans chaque diocèse, se limitait à approuver le premier des trois noms choisis par les nonciatures, sans plus approfondir. Pas Ratzinger: il allait s'informer sur les trois candidats, il en parcourait le curricalum, officiel ou non, voyait ce qu'ils avaient fait, dit, écrit, et parfois disait «non, pas ceux-là, donnez-moi trois autres noms». Un travail gigantesque, épuisant, de sélection qu'avec beaucoup de patience il accomplissait tous les jours. Ce n'est pas par hasard qu'à la tête de chaque diocèse, sous son pontificat, les évêques qui ont été nommés étaient les meilleurs, du moins par rapport à ce qui était disponible sur le terrain, irréprochables du point de vue moral et doctrinal.


  © benoit-et-moi, tous droits réservés