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Deux articles de Nicolas Bonnal

... sur Benoît XVI. Très beaux. A découvrir (5/9/2014)

>>> Gorbatchev au Vatican
>>> Gorbatchev au Vatican (suite)

     

Je ne connaissais pas Nicolas Bonnal, avant de reproduire hier un article écrit pour le site Bd Voltaire.
J'ai relevé quelques commentaires haineux à la suite de sa courageuse réflexion (je dois à la vérité de dire que les commentaires sont variés, mais révèlent dans leur ensemble une grande ignorance du sujet. Ceci dit sans acrimonie, ni condescendance).
Ceux qui veulent les voir cliqueront sur le bandeau ci-dessous.... et verront à quoi on s'expose, de la part des "bien-pensants" qui sont probablement aussi catholiques (hélas) en s'en prenant - même sur un ton très modéré - au Pape. Une grande nouveauté... (J'ai effacé les noms des internautes.)
Les autres passeront directement aux deux articles annoncés.

etc..

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Nicolas Bonnal collabore aux sites <Les 4 vérités> et Boulevard Voltaire.

J'y ai trouvé ces deux très beaux articles où il question de Benoît XVI, pour lequel l'auteur éprouve une grande admiration: le premier sur le chant chrétien à la messe, le second sur ces chrétiens qui résistent en créant des Katholics parks , écrit au moment où, en France, à peine votée la loi Taubira sur le soi-disant "mariage pour tous", on débattait de l'adoption par les couples gays, de la procréation assistée et de la GPA, et d'autres sujets témoignant à quel point le monde a perdu la boussole. On y trouvera un écho des propos de Laurent Lafforgue, expliquant comment, avec quelques amis, il avait créé une école entièrement privée (cf. Comment remédier au désastre de l'école? et Laurent Lafforgue interviewé dans "TEMPI" )
Et on verra que les deux textes rendent très petits, voire carrément minables certains des commentaires ci-dessus et très, très mesquins leurs auteurs.

Les 4 vérités
Saint Bernard, Benoît XVI et la très nécessaire excellence du chant chrétien à la messe.
16 août 2013

Benoît XVI qualifie la cacophonie d’un chant mal exécuté chute dans la regio dissimilitudinis, dans la « région de la dissimilitude ».
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Beaucoup d’entre nous chantonnent à la messe le dimanche sans y prendre garde, laissant à des oreilles béotiennes et philistines le soin d’apprécier une véritable cacophonie de voix éraillées. Si le prêtre et la chorale n’ont pas astreint l’assistance à une certaine discipline, cela peut à mon sens provoquer un véritable désastre sur le plan spirituel ; je le dis comme je le pense parce que de grandes voix et de grandes plumes se sont appliquées à dénoncer le chanté éraillé de la messe fatiguée qui n’honore pas Notre Seigneur.

Il faut d’abord voir que la messe n’est pas une corvée, pas plus que le dimanche. Je me rappelle Sister Act, cette petite comédie osée racontant l’histoire d’une chanteuse réfugiée dans un couvent, et qui disait tout honnêtement que les gens préfèrent payer cent dollars au spectacle qu’aller écouter un chœur grelottant mais gratuit à la messe. C’est que le chœur – ou le cœur – n’y est pas. Le « catho » des médias, un peu oublieux de Bach et de Monteverdi, est alors le premier à collaborer à la mauvaise image qu’on a de lui, puisqu’il casse les oreilles de « son Dieu » comme de l’assistance.

Pour étayer mon propos je commence par une référence littéraire du XIXème siècle. Nerval écrit ceci dans les chapitres européens (souvent ignorés, alors que passionnants) de son initiatique voyage en orient ; on voit qu’il reproche au catholique français un fonds de tristesse, de mélancolie et aussi une absence de vocation quelque part sur le plan artistique ; il n’est pas le seul grand écrivain à penser ainsi dans son siècle : voyez Bloy, Flaubert, Huysmans, mais on fera mieux après, au temps de Bernanos par exemple.

C’est qu’ici, comme en Italie, la religion n’a rien d’hostile à la joie et au plaisir. La taverne a quelque chose de grave, comme l’église éveille souvent des idées de fête et d’amour. Dans la nuit de Noël, il y a huit jours, j’ai pu me rendre compte de cette alliance étrange pour nous. La population en fête passait de l’église au bal sans avoir presque besoin de changer de disposition ; et, d’ailleurs, les rues étaient remplies d’enfants qui portaient des sapins bénits, ornés, dans leur feuillage, de bougies, de gâteaux et de sucreries… L’intérieur des églises, de Saint-Étienne surtout, était magnifique et radieux.

On est à Vienne, au pied de Stefansdom, dans la bienheureuse Autriche des Habsbourg, bien catholique et bien baroque. La religion n’a rien ici à voir avec le jansénisme et la mentalité radine du bourgeois français, elle est plutôt branchée friandise et décoration, dans de la joie et de la bonne humeur. Nerval traite ensuite le problème du chant religieux proprement dit à la messe, célébrant la beauté et la noblesse du chant religieux germanique :

L’effet de ces chœurs aux milliers de voix est vraiment surprenant pour nous autres Français, accoutumés à l’uniforme basse-taille des chantres ou à l’aigre fausset des dévotes. Ensuite les violons et les trompettes de l’orchestre, les voix de cantatrices s’élançant des tribunes, la pompe théâtrale de l’office, tout cela, certes, paraîtrait fort peu religieux à nos populations sceptiques.

Nerval
enfonce le clou :

Mais ce n’est que chez nous qu’on a l’idée d’un catholicisme si sérieux, si jaloux, si rempli d’idées de mort et de privation, que peu de gens se sentent dignes de le pratiquer et de le croire. En Autriche, comme en Italie, comme en Espagne, la religion conserve son empire, parce qu’elle est aimable et facile, et demande plus de foi que de sacrifices.


Il est vrai que la France a subi une terrible révolution antichrétienne et que cela a sans doute refroidi l’ardeur des ouailles ultérieurement au siècle du positivisme, mais comme le siècle précédent était déjà celui du libertinage… On continue avec Nerval :

Ainsi toute cette foule bruyante, qui était venue, comme les premiers fidèles, se réjouir, aux pieds de Dieu de l’heureuse naissance, allait finir sa nuit de fête dans les banquets et dans les danses, aux accords des mêmes instruments. Je m’applaudissais d’assister une fois encore à ces belles solennités que notre Église a proscrites, et qui véritablement ont besoin d’être célébrées dans les pays où la croyance est prise au sérieux par tous.

L’Église n’a rien proscrit du tout, il suffit de lire la prose des saints-pères comme je le fais régulièrement maintenant. Et de la relire.


J’ai relu donc le merveilleux discours de Benoît XVI au couvent des Bernardins, où l’on a eu droit à un feu d’artifice, un grand moment de l’histoire de l’intellectualité et aussi de la sensibilité chrétienne. Il y a tout dans ce grand texte qu’on gagne à lire et relire, comme une page de l’Évangile ou même un grand classique.

Sur le chant et la foi, avec sa douceur savante et pédagogue, le docteur subtil Benoît XVI énonçait les belles vérités suivantes :

Pour saint Benoît, la règle déterminante de la prière et du chant des moines est la parole du Psaume : Coram angelis psallam Tibi, Domine – en présence des anges, je veux te chanter, Seigneur (cf. 138, 1). Se trouve ici exprimée la conscience de chanter, dans la prière communautaire, en présence de toute la cour céleste, et donc d’être soumis à la mesure suprême : prier et chanter pour s’unir à la musique des esprits sublimes qui étaient considérés comme les auteurs de l’harmonie du cosmos, de la musique des sphères.


Les chœurs angéliques ! On comprend alors que le chant à la messe est une chose très sérieuse, pythagoricienne, comme diraient les cuistres, et qui a un fondement théologique. En cas de cassage d’oreilles, voici ce qu’il en faut penser, toujours selon Benoit XVI au couvent des Bernardins :

À partir de là, on peut comprendre la sévérité d’une méditation de saint Bernard de Clairvaux qui utilise une expression de la tradition platonicienne, transmise par saint Augustin, pour juger le mauvais chant des moines qui, à ses yeux, n’était en rien un incident secondaire. Il qualifie la cacophonie d’un chant mal exécuté comme une chute dans la regio dissimilitudinis, dans la « région de la dissimilitude ». Saint Augustin avait tiré cette expression de la philosophie platonicienne pour caractériser l’état de son âme avant sa conversion (cf. Confessions, VII, 10.16) : l’homme qui est créé à l’image de Dieu tombe, en conséquence de son abandon de Dieu, dans la « région de la dissimilitude », dans un éloignement de Dieu où il ne Le reflète plus et où il devient ainsi non seulement dissemblable à Dieu, mais aussi à sa véritable nature d’homme.

On ne peut pas être plus cruel : casser les oreilles de Dieu (à moins qu’on n’y croie pas, ou comme ça…) relève du péché de dissimilitude et de la cacophonie. C’est rompre avec Dieu, en tout cas produire le contraire de l’effet annoncé : le reliment à lui. C’est une suite du péché originel. Ce n’est tout de même pas pour rien qu’en France moderniste et républicaine on aime à se foutre des choristes et que le mot choriste rend je ne sais quoi de sémantique méprisante et condescendante. Mais Benoît XVI va plus loin :

Saint Bernard se montre ici évidemment sévère en recourant à cette expression, qui indique la chute de l’homme loin de lui-même, pour qualifier les chants mal exécutés par les moines, mais il montre à quel point il prend la chose au sérieux. Il indique ici que la culture du chant est une culture de l’être et que les moines, par leurs prières et leurs chants, doivent correspondre à la grandeur de la Parole qui leur est confiée, à son impératif de réelle beauté.

Les penseurs athées du XIXème siècle comme Nietzsche ou Feuerbach s’énervaient de cette crise hypocrite du catholicisme qui voyait des gens s’entasser sans conviction et par habitude dans les églises bêlant et ânonnant sans conviction les plus beaux textes du monde. S’ils avaient entendu chanter de grands chœurs, le jugement eût été bien différent.

Il ne faut bien sûr pas généraliser mais retenir cette leçon-clé : dis-moi comment tu chantes à la Messe, et je te dirais si tu crois. Prêtons donc l’oreille et efforçons-nous en chantant à messe.

Et le reste est littérature.

(www.les4verites.com/societe/saint-bernard-benoit-xvi-et-la-tres-necessaire-excellence-du-chant-chretien-a-la-messe)

Les 4 vérités
Benoît XVI et les Katholik parks.
20 mai 2013

Il y a un moment où l’on croit que l’on peut encore changer le monde, le métamorphoser, en ralentir la course folle. Car on a peur sinon de se montrer égoïste, de tourner le dos au réel, de ne pas assez lever sa coupe de champagne en l’honneur de la république ou de la démocratie-marché mondialisée

Les récentes décisions de l’Assemblée et du Sénat de droite concernant l’eugénisme ou la culture de l’être humain comme semis ou pièce de rechange précisent le débat. Jamais une société, jamais des pouvoirs, même plus occultes d’ailleurs, n’avaient à ce point défié le divin, le vivant et l’humain. Pour eux nous sommes des machines, ou des volailles en batterie. Il vaut mieux le savoir et en prendre son parti. On peut toujours espérer mieux. Mais, comme le rappelle Soljenitsyne,

« Nous avons tendance à attendre les instructions d’un monarque, ou d’un guide, ou d’une autorité spirituelle ou politique, – or, cette fois, il n’y a rien, personne, que du menu fretin qui s’agite dans les hautes sphères. »

C’est ici que je repense à tous mes amis, pères de famille plus ou moins nombreuses, mais au moins nombreuses, et qui ont appris depuis une trentaine d’années à vivre en marge, à s’organiser en réseaux, comme on dit, ou en communautés ; pas dans la volonté de constituer des sectes, mais dans celle de créer un monde, comme dit Chesterton, où l’on crée et l’on aime ses citoyens. Ce monde, c’est la famille chrétienne, c’est tout ce que la démocratie-marché va nous laisser, jusqu’à ordre ou désordre nouveau, qu’on se le dise. Mes amis créent alors leurs écoles, leurs communautés parallèles, leurs katholik parks qui finissent vite par rassembler des centaines d’écoliers. On se surprend aussi en France à voir ces photos de famille où l’on dénombre cent ou deux cents têtes blondes autour du ou des arrière-grands-parents : et l’on se dit qu’il y a encore dans la terre de France des forces de résistance concrètes qui affrontent la culture de mort et de destruction.

Et c’est Benoît XVI, pape de l’après-chrétienté, honni puis ignoré des médias, qui vient nous consoler et nous montrer la route à suivre (L’Essence de la Foi, Une parole pour tous) :

« Etant donné qu’il existe une culture hédoniste qui veut nous empêcher de vivre selon le dessein du Créateur, nous devons avoir le courage de créer des îlots, des oasis, puis de grands terrains de culture catholique, dans lesquels vivre les desseins du Créateur. »

Dans Le sel de la terre, le cardinal Ratzinger écrivait déjà :

« L’Eglise prendra d’autres formes. Elle ressemblera moins aux grandes sociétés, elle sera davantage l’Eglise des minorités, elle se perpétuera dans de petits cercles vivants où des gens convaincus et croyants agiront selon leur foi. Mais c’est précisément ainsi qu’elle deviendra comme le dit la Bible, le sel de la terre.»

Je vois d’ici nos cathos bien modernes et bien bourgeois, bien intégrés à la société moderne, bons cadres mondialisés, bons électeurs de Bayrou ou Simone Veil, hausser les épaules : « ce pape est vieux, on le remplacera, il y en aura un plus cool ». Mais ce ne sont pas eux qui lui survivront. Ceux qui lui survivront, ce seront aussi ceux qui n’ont pas voté le PACS, qui n’auront pas succombé au désespoir, et qui auront eu des enfants dans une cité chrétienne. La culture de l’amour contre l’inculture de la mort. La vierge sage contre la vierge folle.

Le paganisme, l’irrespect de la vie, les tyrannies ont toujours existé. Mais pour la première fois un défi scientifique est lancé à l’humanité : celui de la remplacer. Il est anglo-saxon, comme d’habitude, la démonologie matérialiste étant une spécificité britannique, qu’il s’agisse de la Nouvelle Atlantis de Bacon, de son scientisme et de ses biotechnologies, ou du capitalisme luciférien si bien illustré par Milton (relire le chant I du Paradis perdu, qui est programmatique à cet égard).

En marge de cette cité d’ennui et de terreur, propre à effarer en leur temps les visionnaires William Blake ou Hugo, on peut rêver de ces Katholik parks, formulation provocatrice pour ces communautés de chrétiens, ces oasis de la foi, qui seront les cités de demain, quand ce monde crépusculaire, tant du point de vue financier que démographique ou culturel aura disparu. Dans mon livre sur Tolkien, publié en 1998, et qui m’a permis de rencontrer ma femme, chrétienne orthodoxe élevée secrètement dans le cadre des persécutions communistes, j’avais souligné le rôle fondamental de ces mondes elfiques marginaux comme Melian ou Gondolin, et qui servent de refuge contre le Mordor industriel et technoscientifique de la Fin des temps. Je ne pensais pas que l’on devrait si vite y arriver, dans nos bonnes vieilles démocraties sociales et libérales, dont la seule pierre de fondation, m’a dit un jour un chartreux espagnol témoin de l’anéantissement de son vieux pays, est l’antichristianisme.

Je donnerai une dernière fois la parole au Saint-Père, aussi savant que poète, qui lui a décidé de ne plus prendre de gants pour rassurer ses brebis égarées ou non :

« Nous avons besoin d’îles où la foi en Dieu et la simplicité interne du christianisme vivent et rayonnent ; d’oasis, d’arches de Noé dans lesquelles l’homme peut toujours venir se réfugier. Les espaces de protection sont les espaces de la liturgie. Reste que même dans les différents mouvements et communautés, dans les paroisses, dans les célébrations des sacrements, dans les exercices de piété, dans les pèlerinages, etc., l’Église cherche à offrir des forces de résistance, puis à développer des zones de protection dans lesquelles la beauté du monde, la beauté de l’existence possible, devient de nouveau visible en contraste avec tout ce qui est abîmé autour de nous. » (Benoît XVI, Lumière du monde).

http://www.les4verites.com/societe/benoit-xvi-et-les-katholik-parks

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