Page d'accueil

Les nouveaux pharisiens

Anna a traduit un long argumentaire paru sur le site "The Remnant" au moment du Synode d'octobre dernier, à propos de l'utilisation abusive du mot pharisiens par les partisans de la "ligne Kasper" (28/12/2014)

(Anna)
L'article démonte l'utilisation erronée de l'appellation "Pharisiens" de la part de François et de Kasper. Il a été publié sur The Remnant (voir ici: Une Première Communion vraiment spéciale ) lors de la session d'octobre du synode.

L'auteur de l'article Brian M. McCall est un juriste catholique, il enseigne le Droit à l'Université d'Oklahoma et aussi en d'autres universités américaines, et écrit depuis 2005 sur the Remnant.

Pour les citations de la Bible j'ai utilisé, avec quelques petites variations, la nouvelle traduction de la Bible de chez MamE, éd. 2013.

Le Père George Leo Haydock, auteur des commentaires dont se sert Brian M. McCall, était un prêtre catholique anglais (1774-1849) issu d'une famille de Récusants anglais (catholiques fidèles à Rome) auteur entre autres d'un important commentaire de la Bible publié la première fois en 1811 (donc, avant que le modernisme influence les études bibliques), très apprécié et utilisé au Royaume Uni et en Amérique encore aujourd'hui.

Voice of the Family, dont il est également question dans l'article est une initiative laïque catholique américaine, soutenue pas des associations pro-life et pro-family, née en vue du Synode pour la Famille de 2014.

     

FRANÇOIS ET KASPER: LES NOUVEAUX PHARISIENS
remnantnewspaper.com/web/index.php/articles/item/1178-francis-and-kasper-the-modern-pharisees
20 octobre 2014
-----
Le différend entre les Pharisiens et Notre Seigneur est déformé. C'était les Pharisiens à travers leur distorsion technique de la signification des mots de la loi qui prônaient une conformité minimaliste à la loi naturelle et divine. Notre Seigneur était en effet venu demander une application plus rigoureuse de la Loi et des Prophètes.

Vous avez peut-être fait comme moi l'expérience d'une attaque ad hominem simplement en affirmant ou défendant le simple dogme du mariage maintenu par les catholiques partout et toujours (au moins jusqu'à ce que l'oracle gnostique du Cardinal Kasper n'arrive sur la scène). Le mariage est l'union entre un homme et une femme dont le lien n'est rompu que par la mort d'un des époux. Nos grand-parents auraient considéré inconcevable qu'une affirmation aussi simple et fondamentale puisse devenir une source de dérision et de persécution de la part de confrères catholiques. Et pourtant, prononcez cette vérité aujourd'hui et vous serez probablement confrontés à quelque chose comme: «Vous êtes comme les Pharisiens. Le Christ est venu apporter la miséricorde pendant que les Pharisiens, obstinés, s'accrochaient à la lettre de la loi au lieu d'adopter le nouvel esprit de miséricorde du Christ. Comme les anciens Pharisiens vous refusez obstinément la loi de la miséricorde que le Pape François cherche à promouvoir».

Réagissant à la scandaleuse relation de mi-Synode, Maria Madise, coordinatrice de Voice of the Family, remarque la même offensive: «La relation de mi-Synode va augmenter la proportion des fidèles catholiques étiquetés comme 'Pharisiens' pour le seul fait de soutenir l'enseignement catholique sur la chasteté (purity) sexuelle».
Comme le radotage pseudo-historique falsifié à dessein pour soutenir l'abandon de la loi naturelle et divine (cf. l'article de Roberto de Mattei sur l'utilisation abusive du Concile de Trente) une pareille attaque déforme complètement le vrai débat entre Notre Seigneur et les Pharisiens. La discussion n'était pas entre une interprétation excessivement rigide de la loi de la part des Pharisiens et son interprétation plus souple miséricordieuse et moderne de la part de Notre Seigneur. C'était plutôt l'exact contraire.

Le débat entre notre Seigneur et les Pharisiens est déformé de façon fallacieuse en une discussion entre les Pharisiens rigides, légalistes et étroits d'esprit s'accrochant à la lettre de la loi alors que le Sauveur miséricordieux la dépassait libéralement. Ceux qui réitèrent l'affirmation éternelle selon laquelle un époux s'engageant en des actes maritaux avec une personne alors que l'époux ou épouse est encore en vie commet objectivement un adultère (indépendamment de comment la loi civile humaine l'appelle) et ne peut pas être admis au Sacrement de la Vivante et Sainte Communion, sont ainsi simplement «des Pharisiens qui appliquent strictement la lettre de la loi».

«François et Kasper visent simplement à étendre la main de la miséricorde». Si nous examinons le témoignage de la Sainte Ecriture (confirmée par la Tradition de l'Eglise) nous voyons que la réalité est exactement le contraire. C'était en effet Notre Seigneur qui venait réclamer une application plus rigoureuse et non laxiste de la Loi et des Prophètes. Les Pharisiens au contraire, avec leur déformation technique de la signification des mots de la loi, prônaient une interprétation minimaliste de la loi naturelle et divine. Dans la mesure où la lettre de la loi était respectée, affirmaient-ils, nous étions justifiés. Au contraire Notre Seigneur est venu inviter tous les hommes à une plus rigoureuse et parfaite obéissance de la loi.
Nous allons examiner l'épisode rapporté par Mathieu, dans lequel Notre Seigneur fait une claire distinction entre Sa propre demande de rigueur et la pratique des Pharisiens.

Ne pensez pas que je sois venu vous abolir la Loi, ou les prophètes. Je ne suis pas venu l'abolir, mais l'accomplir. Amen, je vous le dis: avant que le ciel et la terre disparaissent pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu'à ce que tout se réalise. […] Je vous dis en effet que si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume des Cieux (Mt. 5, 17-20).

Premièrement, il nous faut comprendre ce que Notre Seigneur entend par la «Loi» qu'il n'était pas venu abolir. Il est évident qu'il ne se réfère pas au lois cérémonielles données par Dieu aux Juifs, comme les sacrifices sanglants et la circoncision, car il les a abolies et remplacées par les sacrements de la Nouvelle Loi. Comme l'explique le Père Haydock dans son Commentaire de la Bible, dans ce contexte Notre Seigneur se réfère aux préceptes moraux de la loi, ces mêmes préceptes de la loi divine et naturelle valides pour toujours comme le Sixième Commandement, Tu ne commettras pas d'adultère. «Les préceptes moraux devaient continuer, et être respectés, même avec une plus grande perfection» (*) Non seulement Notre Seigneur n'avait aucune intention de changer ces préceptes ni même demander une application plus indulgente: Il était au contraire venu demander une «plus grande perfection» dans leur observance. Les Pharisiens ne s'opposaient pas au Seigneur parce qu'Il offrait un interprétation plus clémente ou tolérante de la Loi, c'était exactement le contraire. Ils utilisaient des interprétations sophistes afin de minimiser la conformité avec l'esprit du législateur, la perfection préconisée par la Loi.
Le Père Haydock explique:

Notre Sauveur parle de cette façon afin de préparer les esprits des Juifs à ses nouvelles instructions. Car bien qu'ils n'étaient pas très soucieux de respecter la loi, ils étaient néanmoins très jaloux de tout changement apporté à la lettre de la loi; en particulier, si le changement proposé demandait une moralité plus parfaite. (*)

Les Pharisiens étaient donc des ennemis jurés de Notre Seigneur non parce qu'Il voulait tendre une main de miséricorde mais parce qu'IL demandait une plus stricte et rigoureuse observance des préceptes moraux de la Loi. Les versets qui suivent cette affirmation de la nature immuable des préceptes moraux confirment la signification donnée par Notre Seigneur. Il utilise le Cinquième Commandement pour illustrer ce qu'il entend. Selon une interprétation Pharisaïque, littérale du Cinquième Commandement, on n'enfreint pas la loi à moins de tuer littéralement le corps d'une autre personne. Notre Seigneur fait comprendre que le Cinquième Commandement est plus exigeant et il souligne cette rigoureuse exigence en renversant le système légal des Juifs.

Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens: Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu'un commet un meurtre, il devra passer en jugement (the jugement). Et bien! moi je vous dis: Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu'un dit à son frère, Raca, il devra passer devant le tribunal (the council). Et si quelqu'un le traite de fou, il sera passible du feu de l'enfer (Mt. 5:21-22)
[23 Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens: Tu ne tueras point; mais qui tuera sera justiciable du tribunal.
22 Et moi, je vous dis: Quiconque se met en colère contre son frère £ sera justiciable du tribunal; et qui dira à son frère: Raca! sera justiciable du Sanhédrin; et qui lui dira: Fou! sera justiciable pour la géhenne du feu] (selon bible.catholique.org/evangile-selon-saint-matthieu/3185-chapitre-5).

Le Père Haydock nous explique que passer en jugement signifiait être condamné par le tribunal de niveau plus bas (the lowest level court) en Israel, une institution appelée «Le Jugement». En revanche, être condamné par le «Tribunal», signifiait risquer d'être condamné par la plus haute cour (the highest court) en Israel, le Sanhédrin, qui pouvait infliger la peine de mort. Etre passible du feu de l'enfer se réfère évidemment au plus haut des tribunaux, le Jugement Divin. Selon l'interprétation Pharisienne, donc, c'est seulement si quelqu'un tuait réellement une autre personne qu'il pouvait être condamné par la plus basse cour d'Israel. Encore, Notre Seigneur établit une hiérarchie des délits en trois niveaux. Si quelqu'un est simplement et sans justification en colère avec une autre personne il est passible du tribunal de niveau plus bas. S'il prononce une rude insulte, «Raca», contre son frère, il est passible du Tribunal Suprême d'Israel. S'il insulte simplement son frère en l'appelant fou il est passible du Tribunal Divin et risque le feu de l'enfer. Notre Seigneur ne propose pas que le Tribunal du Jugement relâche avec clémence les assassins. Plutôt, en situant ce qui apparaîtrait comme une offense moindre contre une personne (des insultes au lieu de la mort) sous la juridiction des autorités légales plus hautes, il souligne la plus grande rigueur exigée par le Cinquième Commandement, en opposition à l'interprétation plus littérale et minimaliste de Pharisiens. Le principe est clair: le Christianisme est une religion qui demande une plus parfaite obéissance à la loi morale, et pas moins. (*)

Au sujet des questions examinées par le Synode, Notre Seigneur répète son message d'exiger plus, et non pas moins, que la lettre des Commandements, en utilisant le Sixième Commandement comme un autre exemple.

Vous avez appris qu'il a été dit anciennement : «Tu ne commettras pas d'adultère». Eh bien je vous dis que quiconque regarde une femme avec convoitise, a déjà commis l'adultère avec elle dans son coeur (Mt 5: 27-28)

Les Pharisiens souhaitaient vivement punir l'adultère effectif, mais Notre Seigneur corrige leur fixation sur les significations techniques littérales et leur signale que l'esprit de la loi exige qu'on ne désire même pas intérieurement de commettre l'adultère.

Quelques versets plus loin, Notre Seigneur déclare explicitement et définitivement que la situation d'une tentative de deuxième mariage, alors que l'époux/se est toujours vivant, est celle de l'adultère (un acte explicitement visé même par la vieille application moins rigide du Sixième Commandement). Notre Seigneur a donc décrété que le fait même de désirer d'entrer dans ce que le Cardinal Kasper et le Saint Père appellent par euphémisme une «deuxième union» est une acte d'adultère.

Il a également été dit, Si quelqu'un renvoie sa femme, qu'il lui donne un acte de répudiation (bill of divorce). Mais je vous dis que quiconque renvoie sa femme, sauf en cas d'union illégitime, la pousse à l'adultère. Et celui qui épouse celle qui est renvoyée, commet un adultère (Mt 5-31-32)

Et pour le lecteur le plus borné des Saintes Ecritures qui ne comprend pas la simple signification d'un langage sans ambiguïté, le Père Haydock insiste: vivre maritalement avec une personne qui a divorcé civilement est un adultère.

Un divorce ou une séparation de corps peut être permis en des cas sérieux des mariages chrétiens; mais ces cas aussi, celui qui épouse celle qui a été rejetée, commet un adultère. Sur cela il n'y a pas d'exception. Le lien du mariage est perpétuel; ce que Dieu a uni, aucun pouvoir sur la terre ne peut séparer. Voir encore Mt 19,9 et suivants. Le lien du mariage est un lien tellement sacré que la séparation des parties ne peut pas le dissoudre, n'étant pas légal pour aucune des parties de se remarier après un divorce. (*)

Pourtant, comme les Pharisiens du passé le Cardinal Kasper et le Pape François affirment que cet enseignement est trop «dur» et se demandent «qui peut l'accepter?»
Comme les Scribes et les Pharisiens légalistes et sophistes ils cherchent plutôt à l'interpréter créativement afin d'en diminuer la rigueur, cette même rigueur que Notre Seigneur est venu proclamer dans la nouvelle Loi, qui non seulement proscrit les actes extérieurs comme l'adultère, mais le désir même de les commettre.
Comme de vrais sophistes ils affirment: nous nous conformerons à la lettre de la loi acceptant que ces unions soient théoriquement des adultères, mais dans la pratique nous ne les traiterons pas comme tels.
Vivre dans une union adultère est objectivement vivre dans un état de péché mortel qui empêche de recevoir les Sacrements du Vivant sans que ce péché ait préalablement été absout, ce qui ne peut arriver que si on a la ferme intention de s'amender. Pourtant, le projet est d'agir dans la pratique comme si ce n'était pas le cas et d'admettre les adultères à la Communion, carrément de les admettre à commettre un sacrilège.
En tant que créatures rationnelles nous ne pouvons pas longtemps agir en opposition à ce que nous croyons. Ou nous changeons notre conviction ou bien notre action. Les pratiques pastorales qui contredisent le dogme ont donné leur fruit amer pendant plus d'un demi siècle. Quasiment tout geste pratique manifestant la Présence Réelle a été aboli (génuflexions, doigts canoniques, etc.). Le résultat est que la grande majorité des catholiques (y compris le clergé) ne croit plus en la Présence Réelle. L'indication est claire: arrêtons de considérer l'adultère un adultère et personne ne croira plus que c'est un adultère, nonobstant la vide affirmation d'un Cardinal ou d'un Pape que littéralement l'Eglise la considère fausse en théorie (?).

Mais «qui suis-je pour juger» ce qu'ils sont en train de préparer à Rome? Notre Seigneur est et sera juge de ce qui va être accompli. Avant de continuer sur ce chemin mortel de confusion et destruction, les nouveaux Pharisiens devraient lire et méditer l'avertissement aux anciens Pharisiens: «Celui qui rejettera un seul de ces moindres commandements, et qui ainsi enseignera aux hommes, sera déclaré le dernier dans le royaume des Cieux». (Mt. 5;19). Le Père Haydoc à nouveau fait bien comprendre le message du sel qui perd la saveur de la Verité afin de devenir populaire pour ceux qui sont plongés dans l'esprit du monde moderne.

Il sera déclaré, i.e. (selon une expression courante en hébreux) il sera le dernier dans le royaume des Cieux; c'est à dire, selon Saint Augustin, il n'y sera pas du tout; car personne sauf celui qui est grand en sainteté et vertu sera admis dans les Cieux... N'imitez pas les Scribes et les Pharisiens, qui se contentent d'instruire les autres dans le préceptes de la loi, sans la pratiquer eux mêmes, ou qui observent la lettre, et négligent l'esprit de la loi, exécutant ce qu'elle ordonne, non pas pour plaire à Dieu, mais pour satisfaire à leur vanité. (*)

* * *

(*) George Haydock, Catholic commentary on the New Testament