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Malaise des prêtres italiens (suite)

Ce sont des "prêtres de rue" appréciés de François, qui vont désormais commenter l'évangile à l'émission religieuse dominicale de Rai Uno (29/11/2014)

Photo ci-contre: Vatican Insider.

Le directeur de la Busola, Riccardo Cascioli réagit à un article de Vatican Insider , E IN TV ARRIVANO QUATTRO «PRETI DI STRADA», (signé "la rédaction") annonçant donc l'arrivée prochaine, en vedette, à l'émission "A Sua Immagine" (1) de quatre prêtres "engagés" que nous avons déjà croisés, en particulier don Luigi Ciotti (2).

La situation de l'Italie est certes un peu particulière, mais aussi c'est peut-être celle dans laquelle "l'effet Bergoglio" est le plus visible, ne serait-ce qu'à cause de l'omniprésence du Pape dans les médias, et en particulier à la télévision.

     

«Prêtres de rues»: arrive la pensée unique
Riccardo Cascioli
www.lanuovabq.it/it/articoli-preti-di-stradasavanzail-pensiero-unico
28/11/2014

Il y a quelques jours nous avons parlé de maux d'estomac dans l'épiscopat italien, mais il semble qu'aujourd'hui, le malaise s'étende à tout le clergé. Eh oui, parce que l'annonce de ces derniers jours, au son d'une grande fanfare, qu'aux quatre prêtres dits «de rues» - don Luigi Ciotti, don Vinicio Albanesi, don Gino Rigoldi, don Maurizio Patriciello - reviendra dorénavant le commentaire de l'Évangile sur Rai Uno, dans l'émission "A sua Immagine" (2), a causé un certain malaise chez beaucoup de leurs confrères. Envie? Absolument pas: à part ces quatre-là, et quelques autres, d'habitude, les prêtres n'ont pas envie d'aller à la télévision. Mais ils tiennent à la dignité de leur sacerdoce.

Alors, imaginez ce qu'ont dû ressentir ces milliers de prêtres avec 20-30, parfois plus de 50 ans de messe, qui ne sont jamais allés à la recherche ni de routes ni de périphéries, mais qui ont connue leurs routes et leurs périphéries en accompagnant le peuple de Dieu avec le cœur et l'intelligence selon les instructions de leurs évêques respectifs. Entendre le secrétaire de la CEI, Mgr Nunzio Galantino (3), affirmer au sujet des «quatre» que cette façon, «on veut traduire dans les faits et les images ce que François nous demande sans cesse: être des Eglises qui sortent, et donc aussi une télévision qui sort» ne doit pas avoir été agréable. Églises qui sortent, identifiées avec une seule modalité de présence, pire: avec ceux qui ont identifié le sacerdoce avec certains choix d'ordre social et politique. Il ne faut pas oublier que même parmi les prêtres engagés dans des œuvres sociales, tous ne ne partagent pas les connotations culturelles de Ciotti & Cie.

Le jugement qui a accompagné ce choix de la télévision équivaut à établir un classement entre les prêtres «de rues et de périphéries» et les prêtres d'institution: prêtres de série A et prêtres de série B. Entre autre, le clergé de série A - ou défini comme tel - est celui qui jusqu'à il y a quelques années, dans les diocèses et au centre de l'Eglise italienne a représenté le point de référence de la dure controverse contre la papauté et la hiérarchie de l'Eglise. Et avec la présomption que ceux qui ne faisaient pas certains choix de caractère social et politique n'étaient pas correctement engagés en tant que chrétiens. Aujourd'hui, le message envoyé par la CEI, c'est que ces choix sociaux et politiques sont devenus un élément de mérite pour l'accès au commentaire des Évangiles dans une structure et un programme de télévision qui a l'imprimatur de l'épiscopat italien (ndt: donc, en l'occurrence, du Pape lui-même, puisque c'est lui qui a adoubé Mgr Galantino).

Le choix d'engager l'Église sur des options politiques et culturelles est grave. Certaines options sont certes légitime mais également discutables, elles signifient aplatir la richesse de l'Eglise (il suffit de penser aux mouvements ecclésiaux) sur une seule modalité, par ailleurs expression d'une vision théologique et pastorale «progressiste», mais culturellement subordonnée aux puissances dominantes, idéologiques et médiatiques. Il suffit de voir la notoriété qui leur a été attribuée au fil des ans par les médias laïcs et généralement anti-catholiques.

Ce n'est pas un hasard si les déclarations de certains des quatre «élus» pour l'émission de la RAI ont causé un malaise chez de nombreux prêtres: comme s'ils avaient été jusque-là marginalisés ou gardés dans l'anonymat, alors qe depuis de nombreuses années, ils jouissent d'une exposition médiatique extraordinaire. Peut-être ne seront-ils pas souvent invités dans les transmissions gérés par la CEI (TV 2000), mais on peut dire que là aussi, au moins, il y avait une chance d'entendre d'autres voix dans l'Eglise: aujourd'hui, au contraire, semble s'étendre l'ombre de la pensée unique.

Il y a un dernier aspect qui inquiète les évêques, et pas seulement, c'est le rôle du Secrétaire général de la CEI, qui semble assumer également des fonctions de caractère magistériel. Il faut se souvenir que ce n'est pas sa tâche institutionnelle, qui est au contraire limitée aux fonctions organisationnelles et de coordination.

L'épisode des prêtres à la télévision n'est que le dernier d'une série d'une série d'interventions mal digérées, à tel point qu'on peut s'attendre dans un proche avenir à une demande de clarification qui ramène le Secrétariat à faire... du secrétariat plutôt qu'engager l'ensemble de l'épiscopat italien dans les options et des choix - en particulier dans la relation Eglise-monde - qui ne peuvent être considérés comme exclusifs.

NDT:
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(1) En gros, l'équivalent italien de "Le jour du Seigneur", sur Rai Uno, j'en ai souvent parlé... sous Benoît XVI - pas toujours en bien.
(2) Voir à ce sujet deux articles consacrés à "La revanche des mauvais prêtres" sous François (cf. <benoit-et-moi-2014, [[I]] et [[2]] ) ; et, à propos de don Ciotti, le prêtre qui avait assisté aux obsèques scandaleuses de "don Gallo" (benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/double-scandale-en-italie).
(3) Evêque de Cassano all'Ionio, le pape François l'a nommé le 25 décembre 2013 secrétaire général de la conférence épiscopale italienne par intérim dans des circonstances inhabituelles qui sont relatées dans ces pages (cf. tinyurl.com/ndfpyyo ), avant de le confirmer dans ces fonctions pour un mandat de cinq ans le 25 mars 2014.