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Pape: un dossier du Figaro Magazine

Des faits, rien que des faits. Et une évidence: le Pape transforme l'Eglise en profondeur (20/12/2014)

Le Figaro Magazine titre cette semaine «Guerre secrète au Vatican».
Un titre sensationnel, destiné à accrocher, mais pas seulement.
A l'intérieur, un dossier de 11 pages plutôt dense, constitué par un article de Jean-Marie Guénois qui récapitule les faits des dernières semaines, depuis le Synode d'octobre dernier, passant au crible la gouvernance de François, les oppositions curiales, l'inquiètude partagée par des laïcs et des religieux, les réformes, les ouvertures, l'entourage...; une interview du cardinal Burke , qui se dit "très préoccupé" - l'interview a déjà été traduite en italien et en anglais (on apprend à cette occasion que, sollicité, le courageux cardinal Kasper, pourtant d'ordinaire si bavard, n'a pas trouvé le temps dans son agenda très chargé pour répondre oralement aux questions du Figaro, sans doute desservi par une réputation surfaite de journal conservateur. Il s'est contenté de répondre par écrit qu'il n'était «pas mécontent. Ce que l'on appelle "l'effet François" s'étend lentement. [Il est] par conséquent convaincu qu'on aboutira à un accord assez large à la fin du synode prochain»); et enfin, de Jean Sévilla une «enquête en France», auprès des «intellectuels catholiques»... dont j'avoue que l'opinion me laisse de marbre pour diverses raisons, et dont je ne parlerai pas ici.

J'imagine que la lecture de l'article de Jean-Marie Guénois va indisposer les catho-papistes zélés (qui l'ont déjà attaqué durement sur son livre "Jusqu'où ira François"), pour lesquels l'idée qu'il puisse y avoir une rupture avec Benoît XVI et Jean Paul II est tout simplement obscène: à croire que ces gens, s'ils ne sont pas d'une mauvaise foi absolue, se sont mis un bandeau sur les yeux; l'article est très bien documenté, et je n'ai personnellement relevé aucune inexactitude. Il n'y a surtout aucune hostilité a priori envers François (condition sine qua non pour que l'article soit recevable!), au contraire, rien que des faits qui ont presque tous été documentés dans ces pages.

J'ai scanné l'édition papier de l'article de JMG, que je ne reproduis pas en entier aujourd'hui pour des questions de copyright, l'article étant pour le moment réservé aux abonnés.
Voici, en attendant que la version complète soit en ligne, quelques passages particulièrement significatifs et/ou inédits:

Désacralisation

Tout ce que la papauté conservait d'impérial, il l'a cassé. Plus de génuflexion devant lui. Encore moins de baisemain. Ce pape, qui se sent d'abord évêque de Rome - le mot «pape » effleure peu ses lèvres - n'a-t-il pas reproché sa soutane, l'autre jour, à un prélat qu'il recevait pour une réunion de travail ? Costume sobre et clergyman suffisent.

Fin de l'état de grâce

A l'extérieur, ce pape plait... Mais cet état de grâce s'émousse dans les cercles dirigeants de l'Eglise. Quelque chose semble même avoir basculé depuis le synode sur la famille de l'automne 2014. Comme si le trouble ternissait une bienveillance qui s'était manifestée a priori après l'élection pontificale. Et l'accumulation des indices autorise à s'interroger : l'Eglise catholique ne risque-t-elle pas d’affronter une tempête à la fin de l' année 2015, après la seconde session du synode sur la famille ?

A gauche toute

Si [François] est de spiritualité classique, il apparait clairement, maintenant, qu'il est directement inspiré et conseillé par les courants catholiques héritiers de la vision la plus progressiste de Vatican II ... Or l'Eglise ne peut « se réduire », comme dit le pape, à sa droite et à sa gauche, mais il reste que cette dernière « sensibilité » est aujourd'hui aux commandes.

Nomminations argentines

En Argentine, son pays d'origine, François, en seulement un an et demi de règne, a déplacé ou nommé pas moins de... 26 évêques sur 74 ! Soit un peu plus d'un tiers. Une source bien informée dans ce pays, très soucieuse de ne pas être identifiée, considère que ces nominations vont « toutes dans le même sens ».

Préfets de dicastères sous tutelle

A Rome, le préfet chargé de la nomination des évêques, le cardinal canadien Marc Ouellet, nommé par Benoît XVI, a été doublé d'un numéro 2, ami de François. Même méthode dans le secteur liturgique : le 24 novembre, le pape a placé le très classique cardinal africain Robert Sarah à la tête de la Congrégation pour le culte divin, mais non sans avoir muté ailleurs, le 5 novembre - avec « effet immédiat » - ceux qui devaient être ses adjoints : l'Anglais Anthony Ward et l'Espagnol Juan Miguel Ferrer Grenesche, deux prélats proches de la ligne de Benoît XVI en la matière. Ils ont été remplacés par un Italien, promoteur d'un retour à une liturgie moderne, le père Corrado Maggioni.

La peur règne

« Sa façon de gouverner déconcerte », confie un haut responsable du Saint-Siège, réputé pour sa modération.
...
« Le climat interne n'est pas bon. La peur règne car personne aujourd'hui n'est certain de son avenir, alors que le Saint-Siège était par excellence synonyme de stabilité », explique un laïc travaillant au Vatican.
Informé de cette mauvaise ambiance dans sa propre maison, François a convoqué tous les employés du Vatican, le 22 décembre prochain, pour une réunion inédite.

En attendant le Synode de 2015

En tacticien, Mgr Forte, le secrétaire du synode, ne se démonte pas plus [que Kasper]: «Au concile Vatican II, explique-t-il, les vraies évolutions se sont faites lors des débats entre les sessions. »
Le prélat attend donc que les esprits évoluent en faveur des réformes d'ici à octobre prochain, seconde session du synode. Mais il paye cher son engagement : candidat, mi-novembre, à la vice-présidence de la Conférence épiscopale italienne, il a été très largement battu. L'élection suivait le synode. Cet échec a été perçu comme un message envoyé au pape. De la même façon, en Afrique et aux Etats-Unis tout particulièrement, les évêques ont élu, pour la prochaine assemblée, des représentants plutôt opposés à toute évolution.

Révolution

Que veut donc François ?
Un Espagnol qui le connait particulièrement bien, puisqu'il est supérieur des Jésuites, le père Adolfo Nicolas, confirme que François ne conduit pas une réforme, mais une « révolution ».
S'il va jusqu'au bout, « les conséquences de ces évolutions seraient d'une gravité inouïe », s'inquiète le cardinal italien Velasio De Paolis.