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Une Eglise pauvre, pour les pauvres, vraiment?

Une réflexion de Rino Cammilleri, suite à une décision de la cour de justice européenne contre l'Eglise en Italie (21/12/2014)

De nombreux articles de ce site ont été consacrés à ce thème devenu furieusement 'tendance' depuis mars 2013.

Parmi ceux-ci, il y a le mémorable texte signé Palmaro-Gnocchi datant de 2010, et devenu par la suite incroyablement prophétique, "Les paupéristes et il poverello" (à lire et relire!). Et un autre qui le reprend et l'élargit, non sans humour: Corrado Gnerre, sur le site Il giudizzio Cattolico.com (cf. benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/leglise-et-largent-que-repondre), proposait un argumentaire en quatre points pour répondre à ceux qui interrogeraient les catholiques sur la "richesse" de l'Eglise.
L'article vaut lui aussi la peine d'être relu en entier, mais je reproduis en annexe (*) le troisième point, qui se présente comme une parabole très efficace

Enfin, voici ce que j'écrivais dès le 16 mars 2013: benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/une-eglise-pauvre-pour-les-pauvres (avec le recul, je me dis que j'avais peut-être vu juste... même s'il y a au moins une chose que je n'écrirais plus aujourd(hui)

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ET EN FRANCE?
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L'Italie est certainement un cas à part, mais en France, le problème avait aussi été posé quand l'inénarrable Duflot, brillant ministre vert(e?) du logement du gouvernement Ayrault, en décembre 2012 (c'était avant!!) avait réclamé la réquisition des biens immobiliers de l'Eglise pour loger les sans-papiers... euh, les sans-abris! Mgr Di Falco, pas toujours aussi bien inspiré, lui avait répondu vertement (ici).

     

UNE EGLISE PAUVRE? IL Y AURAIT AUSSI PLUS DE PAUVRES
Rino Cammilleri
21.12.2014
www.lanuovabq.it
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Comme nous nous en souvenons tous, les débuts de François furent «Je rêve d'une Eglise pauvre pour les pauvres». Certains ont parlé de «révolution» et de «nouveau style» avec enthousiasme, d'autres ont froncé le nez et ont trouvé que ce n'était que la première des sorties a braccio, définies comme «démagogiques» sinon pire, du nouveau pape. Cependant, un fait est certain: son prédécesseur, parlant en parfait théologien (et donc en pape old style) provoqua une levée de boucliers d'enseignants laïcistes à l'Université La Sapienza de Rome et, avec le célèbre (et impeccable) discours de Ratisbonne, plusieurs pogroms islamistes anti-chrétiens.

En revanche, la popularité de François, y compris parmi les laïcistes les plus endurcis, est sous les yeux de tous. François a fait une percée jusque dans la Repubblica, ce qui est tout dire, avec une interdiction tacite de critiquer le Pape qui est transversale à l'ensemble des formations «mondaines».
Et vous verrez que, tôt ou tard, ceux de la Sapienza qui ont fermé la porte à Benoît XVI, inviteront François sous les acclamations.
Toutefois, cela ne change pas le projet de ceux qui, par pure haine idéologique, rêvent d'effacer l'Eglise catholique de la surface de la terre. Sauf que maintenant, l'«effet François» les oblige à opérer en douce. Une de leurs dernières trouvailles, comme l'a rapporté Massimo Introvigne récemment (1) est de porter la question de l'IMU (imposta municipale unica: équivalent italien de l'impôt foncier) devant les instances européennes pour ruiner économiquement l'ennemi historique. Nous ne reviendrons pas sur le sujet, mais nous dirons quelques mots sur une haine qui, quand elle conduit sciemment au suicide, va au-delà de l'idéologie et, de par sa nature même, a quelque chose de surnaturel.

Vous vous souvenez de l'histoire de celui qui se fait castrer pour contrarier sa femme? Ou, pour être plus terre à terre, de ce que disait l'économiste Carlo Cipolla (1922-2000): celui qui cause du tort à lui-même mais procure un bien à autrui est un héros; celui qui procure un bien à lui-même, mais du tort à autrui est un bandit; celui qui procure un bien à lui et aux autres est un homme de bien; celui qui cause du tort à lui-même et aux autres est un imbécile. Si en plus, il le fait exprès, alors il lui faut l'exorciste.

Pour en revenir à la phrase des débuts de Bergoglio, que signifie, en fait, «une Eglise pauvre pour les pauvres»?
Est-ce un sha-la-la piangi con me (sha-la-la pleure avec moi) de la chanson? Quelle aide peut donner aux pauvres un plus pauvre que lui? Paraphrasant l'Evangile, deux aveugles se retrouvent dans un fossé et deux pauvres meurent de faim. Il est clair (?!!) que le pape voulait dire «proximité» aux pauvres (parmi lesquels il y a aussi ceux qui sont spirituellement appauvris, encore plus nombreux) et, par conséquent, aide concrète. Maintenant, mettons même de côté l'aspect spirituel, qui est aussi la seule raison pour laquelle l'Église fait ce qu'elle fait. Et imaginons que le rêve de certains se réalise et que l'Eglise disparaisse.
Qui devrait gérer, nourrir, soigner, accueillir l'énorme masse des pauvres, clochards, drogués et marginalisés que l'Etat se prendrait sur les épaules? Les catholiques le font gratis et par amore Dei. L'Etat n'aurait pas les ressources, ni pour rétribuer ceux qui le font, ni les millions de policiers nécessaires pour réprimer les émeutes constantes que cela pourrait causer.

Sur les économies que l'Etat réalise grâce à l'existence des écoles catholiques, la Bussola s'est exprimé à plusieurs reprises et il est inutile d'y revenir.
Le tourisme: sans l'Église, et les églises, pensons-nous vraiment que les étrangers tomberaient en masse pour admirer les gratte-ciel des banques ou les bâtiments des préfectures? Sans l'art des siècles chrétiens, combien accourraient de partout pour visiter les musées avec des œuvres de Cattelan? Sans le Pape à Rome, sans les grandes cérémonies de canonisation, sans les audiences, les pèlerinages aux grands sanctuaires italiens, sans la Chapelle Sixtine et les Musées du Vatican, de combien diminuerait le flux de touristes, voix fondamentale (et bientôt aussi la seule) de l'économie italienne? Et si les prêtres et le clergé disparaissaient, qui s'occuperait d'entretenir l'efficacité dans tout cela? L'État? Mais il n'est même pas capable d'entretenir le seul Pompéi!

Inutile d'en dire plus long: l'Église donne à l'État italien beaucoup - beaucoup! - plus qu'elle ne reçoit avec le 8 pour mille (ndt: l'impôt à l'Eglise).
Quant aux beaux gestes, on peut les faire, juste pour manifester sa bonne volonté, comme quand le bienheureux Paul VI a vendu la tiare papale.
Les recettes ont été versées aux pauvres et l'objet est dans un musée à Washington. Résultat (concret): les pauvres ont mangé un jour. Et le lendemain, ils avaient à nouveau faim. La tiare, d'abord visible gratuitement par tous, aujourd'hui, si vous voulez la voir, vous devez prendre l'avion et payer l'entrée au musée.

Mais ceux qui haïssent le Christ et les siens, de toutes façons, se comportent comme le dernier de la liste de Carlo Cipolla. L'engagement inlassable à aimer le Christ produit les Saints, qui font le bien pour eux-mêmes et les autres. L'engagement infatigable et sans repos à le haïr est un boomerang. Ce n'est pas l'amour qui est aveugle, c'est la haine.

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(1) L'Europe veut mettre l'Eglise italienne en faillite
(Inrovigne, 6.11.2014)
La Cour de justice de l'Union européenne veut provoquer la banqueroute de l'Eglise italienne. Ce n'est pas une figure de style. La Cour de l'UE a déclaré recevable à ce sujet un recours contre la Commission européenne, laquelle avait renoncé à demander à l'Italie de récupérer auprès de l'Église catholique, le montant des exonérations ICI et IMU dont elle avait bénéficié de 2006 à 2011, ainsi que les réductions d'impôts sur ses revenus. La note, pour l'Eglise, serait d'environ quatre milliards: une note de banqueroute.
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Annexe

(*) La richesse de l'Eglise n'est pas à l'Eglise ...
benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/leglise-et-largent-que-repondre
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En fait, la richesse de l'Eglise n'est pas à l'Eglise. La richesse de l'Église se compose principalement d'œuvres d'art qui non seulement ne sont pas aliénables (dans le sens qu'elles ne sont pas vendables), mais existent grâce à la générosité des fidèles.
On peut raconter à cet égard cet épisode significatif. Dans l'Emilie de l'après-guerre, les années de grande lutte entre catholiques et communistes, dans une petite ville, il y eut une conférence organisée par le Parti communiste d'alors. Parmi les intervenants, il y avait un professeur (bien sûr communiste) qui a commencé à attaquer l'Eglise surtout pour sa richesse présumée qu'elle gardait pour elle-même sans la donner aux pauvres. Dans le public il y avait deux prêtres instruits qui ont tenté de prendre la parole pour lui porter la contradiction, mais ils aggravèrent la situation car ils intervenaient en utilisant un langage trop théorique et théologique, de sorte que les gens simples et ignorants qui assistaient ne pouvaient pas comprendre. La providence voulut que prenne aussi la parole un simple curé de paroisse, qui parlait dans le dialecte des personnes présentes. Il s'est borné à raconter aux habitants de cette ville quelque chose qui s'était passé il y a des années et dont tous se souvenaient très bien. Il s'agissait d'un ouvrier communiste, athée, dont la fille unique était tombée gravement malade. Sa femme, qui était croyante, décida de demander à la Vierge Marie, à qui était dédié un célèbre sanctuaire de l'endroit, la grâce de la guérison. Le miracle arriva: l'enfant fut guérie. L'ouvrier voulut alors se rendre chez le meilleur bijoutier de la ville pour réaliser un bel ex-voto en or. Le travail fut effectué et l'homme le porta au recteur du Sanctuaire. Mais, quelques jours après, l'ouvrier, passant devant la boutique de bijoux, vit dans la vitrine l'objet qu'il avait commandé et remis au Sanctuaire. Impatiemment il demanda une explication. Il lui fut dit que le recteur l'avait mis en vente pour construire un oratoire pour les enfants. L'homme, à juste titre, se mit dans une colère noire: «Et voilà, nous offrons à la Vierge et les prêtres ... revendent ce que nous lui offrons». Et il avait raison. Pour bonne que fût l'intention du prêtre, il ne pouvait pas revendre ce qu'un fidèle avait donné directement à la Vierge. Il a suffi du souvenir de cet épisode, pour que tout le monde présent comprenne la vraie signification des nombreuses richesses de l'Eglise.