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Un pape altermondialiste?

La question n'est pas une simple provocation, si l'on en juge par les propos d'un journaliste brésilien "engagé", Breno Altman, traduits en anglais sur Rorate Caeli (30/12/2014)

On se souvient que le 28 octobre dernier, François recevait au Vatican les leaders des mouvements populaires, et prononçait devant eux un discours digne plus d'un activiste politique de la gauche extrême que d'un Pape. Il renchérissait un peu plus tard, le 20 novembre, dans un discours devant la FAO (cf. benoit-et-moi.fr/2014-II/benoit/benoit-xvi-discours-a-la-fao)
Détails ICI sur mon site.
Cette politisation de la papauté n'a d'ailleurs pas échappé au Cénacle des amis de François (regroupant des "opinion makers", ecclésiastiques de haut rang - au premier rang, Kasper - et journalistes influents), qui en avait fait l'un de ses thèmes de réflexion de sa seconde rencontre, le 11 décembre dernier, au Borgo Pio (cf. le récit de Giuseppe Rusconi: benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/le-cenacle-des-amis-de-franois)

Rorate Caeli a traduit en anglais un article d'un journaliste brésilien lié au mouvement altermondialiste, publié la veille de Noël sur le site brésilien Opera Mundi (1).
L'auteur se présente lui-même au début de l'article (tout ce que j'ai trouvé par ailleurs sur lui est en portugais - la langue officiel du Brésil), inutile donc d'en rajouter.
La haine pour l'Eglise transpire à chaque ligne - confirmant le soupçon que François ne convertit pas (et ne cherche pas à le faire), mais contribue par ses gestes et ses propos à créer, ou agrandir, une fracture Pape/Eglise, dont il joue, et sur laquelle repose son aura médiatique
Certains penseront: cela reflète-t-il VRAIMENT ses idées? Et les optimistes incurables affirmeront que l'extrême-gauche, appuyée par les médias, projette ses propres fantasmes sur lui, prenant ses propres désirs pour des réalités.

Seule l'histoire apportera une réponse.
Mais force est de constater que 21 mois après son élection, François n'a rien fait pour dissiper les doutes.

     

«Je dois avouer que je me suis trompé sur François»
Breno Altman (2)
Opera Mundi (3)
24 décembre 2014
(Article original en portugais: ma traduction, d'après la traduction en anglais sur le site Rorate Caeli)
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Je viens d'une famille juive programmée pour les idées socialistes et l'athéisme depuis quatre générations.
Le dernier de ma lignée qui ait cru en Dieu a dû mourir au début du siècle dernier.
Noël est pour moi un jour sans aucune signification particulière, même si j'ai appris à respecter ceux qui célèbrent la naissance de Jésus.
Mais je tiens à profiter de l'occasion de cette veille de Noël pour faire une confession.

Il y a un an et demi, j'ai écrit pour Opera Mundi un des articles les plus imparfaits de ma carrière journalistique.
Le titre dit tout ...: « François est la contre-révolution moderne»
Je me rends compte que l'admission des erreurs n'est pas une coutume très appréciée au sein de ma profession. Nous appartenons, après tout, à ce groupe de professions dont la crédibilité dépend de l'obtention d'informations et de prédictions fiables. Quand une erreur est faite, on s'en sort généralement en adaptant la réalité dans le carcan de ce que nous avions écrit. Ou en laissant passer le temps, attendant que les lecteurs aient oubliéles graves erreurs commises. Dans le pire des cas, une tribune «notre erreur» est publiée discrètement juste pour préciser les choses.
Toutefois, cette erreur-là était si absurde qu'il serait honteux de ne pas l'admettre en public. Non que cela ferait une différence pour quiconque. Juste pour le désir de rester en paix avec ma conscience.

Le résumé de l'analyse absurde est dans le paragraphe ci-dessous, où je commentais la pensée du nouveau pontife, alors récemment élu:

«Il n'y a aucune différence entre [son] approche ... et celle prêchée par Jean-Paul II et Benoît XVI. Les mêmes dogmes sont encore debout: la centralité de la foi religieuse sur les questions politiques et sociales, le combat irascible contre le droit des femmes à l'interruption de grossesse, et l'affirmation de l'hétérosexualité comme la seule relation érotico-affective possible».

Vous en voulez encore?

«Dépouillée des rites aristocratiques et luttant contre la vieille Curie corrompue,l'Eglise catholique se présente avec un nouveau visage, capable de captiver le monde avec les mêmes idées de toujours»

Ou encore ...

«Le style de François ... apporte jeunesse, sympathie, humilité à la langue pourrie de ses prédécesseurs. Bien qu'il réfute toute modification de l'ensemble des décisions qui excluent les groupes catholiques du soutien des luttes populaires, son éloquence en faveur des pauvres rajeunit le Vatican ».

Et pour finir:

«La droite trouve, dans ce renouveau, une bonne raison d'enthousiasme. Un pape renforcé et aimé est un instrument remarquable pour toute stratégie de réduction de l'influence de la gauche dans les couches sociales à faible revenu, en particulier en Amérique latine»

François a depuis lors démenti toutes ces prédictions arrogantes.

En plus de combattre la Cour du Vatican et ses intérêts
, il a lancé une croisade pour replacer le catholicisme en contact avec les mouvements sociaux, embrassant leurs objectifs.

Il lutte pour réformer le discours de l'Église sur les droits civils, y compris des sujets qui avaient jusqu'ici été interdits, comme l'accueil de la diversité sexuelle et la défense de la santé des femmes (!!) face à un dogme religieux. Il a tendu la main à la gauche latino-américaine, soutenant les expériences progressistes et désavouant les liens entre organisations catholiques et les conspirations conservatrices. Si cela ne suffisait pas, François a été décisif dans les négociations qui ont conduit les Etats-Unis à rétablir des relations diplomatiques avec Cuba, après plus de cinquante ans de rupture.

J'ai fait l'erreur de le comparer à ses prédécesseurs, patriarches de la réaction ultramontaine qui s'était installée dans l'Eglise depuis les années quatre-vingt. La comparaison appropriée aurait été plutôt avec l'ère de Jean XXIII, qui avait mené la réforme de l'institution dans les années soixante et ouvert un espace vers théologie de la libération. Le pape argentin, en un sens, pourrait être moins fort que le chef du Concile Vatican II, mais son programme est plus profond et plus hérétique.

La première personne qui a essayé de m'ouvrir les yeux sur les erreurs que j'ai faites et publiées fut Joao Pedro Stedile, le courageux leader du MST [Mouvement des travailleurs sans terre] et de Via Campesina, actuellement l'un des principaux interlocuteurs laïcs de François. Il m'a fallu beaucoup de temps pour l'écouter. Je me suis progressivement rendu compte que j'avais été contaminé par mes préjugés et mes délires personnels.

Vivre et apprendre.
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Je reconnais aujourd'hui que le pape mène une révolution dans le catholicisme, qui doit être observée et partagée par les forces progressistes de la planète. Je ne sais pas s'il sera victorieux, parce que les courants réactionnaires peuvent encore avoir des forces immenses. Ce qui importe, cependant, c'est que la messe de minuit sera célébrée ce soir, pour la deuxième année consécutive, par un Pape qui a montré son engagement envers les pauvres et pour le changement.

Quant à moi, si j'étais un chrétien, quelque repentance pour les conclusions hâtives de 2013 serait de mise.
Ce qu'il y a de bien avec les athées, c'est que l'auto-critique suffit.

* * *

NDT:
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(1) Opera Mundi: Pour situer, voici la présentation du Courrier international :
Journal digital très complet apparu en 2009 qui propose délibérement de multiples analyses et reportages internationaux – ce qui est rare dans la presse latino américaine – grâce à un large réseau de correspondants et de collaborateurs reconnus. Un point de vue brésilien critique et en profondeur du monde actuel.

(2) http://www.libertar.in/2014/01/breno-altman-ja-comeca-2014-nos.html

(3) L'article original sur Opera Mundi est reproduit sur le site brésilien altermondialiste Carta Maior.
Je lis sur wikipeddia qu'il s'agit d'une publication électronique multimédia créée lors de la première édition du Forum social mondial en Janvier 2001, à Porto Alegre .