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Une interview de Zemmour au "Corriere della Sera"

... suscite un déchaînement médiatique renouvelé. Ma traduction (18/12/2014)

Après la visite éclair de François à Strasbourg, Eric Zemmour, dans sa chronique matinale bi-hebdomadaire sur RTL (pour les lecteurs étrangers, c'est la première station de radio française en termes d'audience) avait fait une critique au vitriol du Pape chéri des médias, suscitant la réprobation unanime de la bien pensance, qu'elle soit catho de gauche (La Vie) ou athée-libertaire (Libé) [video et transcription ici: www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/eric-zemmour-le-pape-francois-va-a-strasbourg-et-ignore-la-cathedrale ]
La parution presque simultanée de son essai "Le suicide français", et surtout l'énorme succès éditorial qu'il rencontre a redoublé la haine féroce de l'ensemble de la classe politique et médiatique, qui selon son habitude, chasse en meute (à noter: courageusement, les journalistes de RTL se sont désolidaridés de Zemmour).
Je n'ai pas d'opinion sur le livre (qui a rencontré un écho très favorable dans la blogospère catholique conservatrice à l'étranger), ne l'ayant pas lu: j'imagine que son succès doit beaucoup au fait que de nombreuses personnes y ont trouvé ce qu'elles voulaient y trouver... et qu'elles ne trouvent pas ailleurs.
D'autres disent des choses certainement aussi pertinentes, mais n'ont pas, pour des raisons x ou y, le même écho médiatique. Bref, il semblerait que Zemmour ait libéré la parole, et on ne peut que s'en réjouir.
Sauf que la classe politico-médiatique, très attachée comme on le sait à la liberté d'expression (la sienne!) ne l'entend pas de cette oreille.

Ce matin, une station de radio (commerciale) qui fait de la propagande au marteau piqueur dès potron-minet annonçait gravement, dans l'une de ces émissions relais de la pensée unique dont la capacité de nuisance est inversement proportionnelle au QI du présentateur, le débat du jour: en gros "Faut-il interdire Eric Zemmour de médias, après la dernière polémique". Soit une énormité, à vous donner la chair de poule.
Je n'ai pas écouté la suite, car selon une formule bien connue des habitués des forums de discussion, "tout est dans le titre".
J'ai toutefois cherché quelle était cette fameuse "dernière polémique".
Voilà ce que j'ai trouvé, sur le site du quotidien gratuit "20 minutes": La Licra demande aux médias de ne plus «offrir de tribune» à Zemmour....
En dessous, on apprend que les officines habituelles ont déposé une plainte contre le polémiste "après ses propos parus dans un entretien au Corriere della Sera le 30 octobre"...

Je me suis donc reportée à l'interview en question, que j'ai traduite, dans un souci d'information.
C'est intéressant, déjà parce que même si Il Corriere est un pur représentant des médias du système, l'article permet de voir comment la France est perçue de l'étranger (et Zemmour s'exprime en tenant compte de cela).
Il semblerait que le mot qu'on lui reproche (et qui fera certainement en lui-même l'objet de poursuites judiciaires) "déportation", n'ait pas été prononcé, ni par lui, ni par le journaliste; l'auteur de l'interview, Stefano Montefiori l'affirme : le mot déportation n'a pas été prononcé durant l'interview de Zemmour (cf. www.lefigaro.fr/vox).
Par contre,
il figure bel et bien dans l'article publié par Il Corriere.
Mauvaise foi de sa part? tentative de piéger son confrère français? simple négligence? Ou bien méconnaissance de la lourde connotation que revêt le terme dans notre pays?

     

LE SUCCÈS DE ZEMMOUR, L'ANTI-ÉLITE EN COLÈRE: «LA FRANCE S'EST SUICIDÉE»
CONTRE LES GAIS, LES IMMIGRÉS, L'UE: IL A VENDU UN DEMI-MILLION D'EXEMPLAIRES.
LE FRONT NATIONAL NE LUTTE PAS CONTRE LE MARIAGE GAY, IL EST TROP À GAUCHE.
POPULISTE «JE REVENDIQUE POPULISME COMME REFUS DE RENONCER À NOTRE MODE DE VIE»

Stefano Montefiori
30 octobre 2014
archiviostorico.corriere.it
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Le Premier ministre socialiste Manuel Valls le déteste et le mentionne à plusieurs reprises comme une menace pour la cohabitation civile (le vivre ensemble), mais cela ne fait qu'ajouter à la fascination de nombreux Français pour Éric Zemmour, 56 ans, éditorialiste au Figaro, omniprésent polémiste à la radio et à la télévision et auteur du livre «Le suicide français», un essai de 500 pages sur «les quarante années qui ont détruit la France».
Contre l'héritage de mai 68, le féminisme, l'immigration, l'Europe et le mariage gay, Zemmour a écrit un livre plein de regrets pour l'âge d'or (selon lui) où les hommes savaient imposer leur autorité de pères et de maris et où la France ne était pas «envahie par des musulmans salafistes».
Et surtout, depuis deux semaines, «Le suicide français» est en tête du classement [des meilleures ventes], il s'approche du demi-million d'exemplaires vendus et sur le point de battre le record du best-seller anti-Hollande de Valérie Trierweiler.

- Que nous dit un tel succès de la société française? Vous y attendiez-vous?
«D'un point de vue personnel, c'est une immense satisfaction, bien sûr. Pour la structure, je me suis inspiré du livre de l'italien Enrico Deaglio «Patria 1978-2008». Je ne l'ai pas lu, mais j'ai pris de là l'idée de mélanger la culture populaire et l'essai politique. Je m'attendais à susciter un débat, mais pas à vendre autant. Ce succès est un plébiscite politique, idéologique. Les gens m'arrêtent dans la rue et me disent qu'enfin, quelqu'un exprime leur souffrance. Le peuple français ne se résigne pas à voir la France mourir sous ses yeux»

- Votre livre est une espèce de manifeste réactionnaire et populiste.
«Mais je le revendique, moi, le populisme. Apparemment, la façade résiste, Paris est toujours belle, et les filles font encore tourner la tête, mais sous la surface tout est pourri. Le populisme est le refus de renoncer à notre manière de vivre».

- Et qui serait responsable de cet attentat contre la vieille France?
«Le Monde a écrit que mon livre est complotiste. Mais je ne dénonce pas un complot, je critique une évolution de la société imposée par les élites françaises. Au cours des quarante dernières années, ces élites ont agi selon les trois D: dérision, déconstruction, destruction de la France, au nom des grands idéaux, c'est-à-dire l'Europe, la transparence, le progrès».

- L'immigration, la modernité, la mondialisation, affectent tout le monde, pas seulement les Français
«C'est vrai, mais il n'y a qu'en France qu'il y a une telle haine de soi véhiculée par les élites. Elles ne font que nous répéter que nous ne sommes pas assez allemands ou américains, ou suédois. Tous les modèles sont bons, sauf le nôtre. Et puis en Italie, il n'y a pas un Etat fort, la société est habituée à se défendre. Nous, nous nous sentons trahis par l'Etat. Nous sommes le pays avec la première communauté musulmane d'Europe».

- Mais les élites que vous dénoncez défendent la laïcité, par exemple. La France est l'un des rares pays où la burka, et même le voile dans les écoles, sont interdits.
«Mais ce sont les résidus, insuffisants, d'un système désormais fini. Le modèle français était l'assimilation, c'est-à-dire que tout le monde peut être français à condition de faire l'effort d'être français. Mes ancêtres étaient berbères de religion juive, certes ils n'étaient pas des Gaulois, mais aujourd'hui je dis que mes ancêtres sont les Gaulois. Tout cela n'existe plus. Les musulmans ont leur propre code civil, c'est le Coran. Ils vivent ensemble, dans la banlieue. Les Français ont été contraints de s'en aller».

- Et alors que suggérez-vous? Déporter cinq millions de musulmans français?
«Je le sais, ce n'est pas réaliste, mais l'histoire est surprenante. Qui aurait pensé en 1940 qu'un million de pieds-noirs, vingt ans plus tard, allaient quitter l'Algérie et revenir en France? Ou qu'après la guerre 5 ou 6 millions d'Allemands allaient quitter l'Europe centrale et orientale où ils avaient vécu pendant des siècles?».

- Vous parlez d'exodes provoqués par des tragédies immenses.
«Je pense que nous nous dirigeons vers le chaos. Cette situation de peuple dans le peuple, de musulmans au sein (dentro) des français, conduira au chaos et à la guerre civile. Des millions de personnes vivent ici, en France, et ne veulent pas vivre à la française».

- Mais que signifie vivre à la française?
«Cela signifie donner à ses enfants des noms français, être monogame, s'habiller à la française, manger à la française, du fromage par exemple. Blaguer dans les cafés, faire la cour aux filles. Aimer l'histoire de France, se sentir les dépositaires de cette histoire et vouloir qu'elle continue, je cite Ernest Renan».

- Vous vous en prenez à une supposée idéologie cosmopolite et totalitaire, mais vous, Éric Zemmour, vous êtes toujours à la télévision (*)
«Je dis des choses que la majorité des Français pensent, d'où le succès spectaculaire de mon livre. Contre moi, cependant, il y a l'idéologie dominante des élites, désormais discréditées, en essayant d'imposer à la société ce qui est correct de penser: le mariage pour tous, le féminisme, l'Europe, la mondialisation, l'immigration vue comme une richesse. Mais le peuple ne pense pas ainsi».

- Votre objectif est-il de devenir l'déologue du Front national?

«Non, sur certaines questions nous sommes éloignés, le Front national, par exemple, ne s'est pas assez mobilisé lcontre le mariage homosexuel, et d'un point de vue sociale, il est trop à gauche. Mais je ne me place pas sur le terrain des partis politiques, ma dimension est celle des idées. Je mène une guerre culturelle, comme dirait Gramsci»

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Note de traduction
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(*) Eh oui....
Je n'exclus évidemment pas que Zemmour soit totalement sincère, mais cette omniprésence médiatique me gêne un peu.
Cela me rappelle un article assez génial d'un blog italien non politquement correct, que j'avais traduit ici, intitulé "le club des faux dissidents", et qui disait:
Les faux dissidents se reconnaissent parce qu'ils jouissent d'un espace médiatique dont un vrai dissident peut seulement rêver.