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Une (autre) messe près du ciel

Après la messe au sommet de l'Unternberg, en août 1952, Benodette (The Ratzinger Forum) nous fait le cadeau d'un autre très beau récit, la consécration par le cardinal Ratzinger, le 11 octobre 1981 de la plus haute église d'Allemagne, celle du Zugspitze, dans les alpes bavaroises (19/12/2014)

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Une messe près du ciel

     

Le récit original en anglais, illustré des superbes photos de l'auteur est ici: theratzingerforum.yuku.com/
Il s'insère dans une série intitulée "Papa's places".
Ma traduction (adaptée). Les photos sont la propriété de Benodette, et ne peuvent être reproduites à partir de mon site.

     
Une sainte montagne
Benodette, 7 avril 2013

L'Unternberg n'est pas la seule montagne que Joseph Ratzinger ait gravi dans sa Bavière natale pour y célébrer la messe. Presque trente ans plus tard, il est allé la célébrer au sommet d'un autre pic - le Zugspitze. A l'époque, il était un jeune cardinal.

Le majestueux Zugspitze appartient à une autre catégorie que l'Unternberg. A 3000 mètres d'altitude, c'est la plus haute montagne d'Allemagne. S'élançant au-dessus de vertes vallées et de lacs étincelants, il fait partie d'une chaîne de pics qui marque la frontière entre cette belle région, et celles, voisines, d'Autriche et de Suisse.
En hiver, le Zugspitze peut être une montagne très dangereuse. En été, bien qu'il doive toujours être traité avec respect, il attire des légions de visiteurs. Parmi eux, des randonneurs aguerris, bien équipés de sacs à dos et de chaussures de randonnée, et de simples touristes qui y montent pour jouir des panoramas splendides et boire un verre dans les plus hauts "biergarten" du pays.

Le Zugspitze a un lien spécial avec Joseph Ratzinger. Jeune prêtre, son frère Georg avait été pendant une courte période, vicaire du curé de Grainau, le village qui s'étend au pied de la montagne. Bien des années plus tard, le 11 octobre 1981, alors que Joseph Ratzinger était devenu cardinal archevêque de Munich et Freising, il gravit le Zugspitze afin de consacrer l'église la plus haute d'Allemagne.
Le temps, ce jour-là, était terrible, comme il l'avait été lors de la cérémonie de pose de la premère pierre, le 13 juillet 1980, avec une tempête de glace (icy storm) estivale. Le jour de la consécration, il y avait un blizzard, et le cardinal Ratzinger est en photo devant l'église, avec la neige qui tourbillonne autour de lui. Il était chaudement vêtu d'un pardessus, de solides chaussures, et d'une élégante toque en fourrure, mais sans gants.

La petite église de montagne que le cardinal allait consacrer est dédiée à Sainte-Marie de la Visitation (Maria Heimsuchung). Elle se dresse dans un endroit splendide, à 2690 mètres d'altitude, un peu en dessous du sommet, et au pied d'un glacier.

Il avait été question de construire une chapelle au Zugspitze dès l'achèvement de la ligne de chemin de fer, en 1930. L'archevêque de Münich, le cardinal Faulhaber - celui qui ordonna Joseph et Georg Ratzinger à la cathédrale de Freising, le 29 juin 1951 - avait dit que cela devait être fait. Ensuite, la guerre et les circonstances différèrent le projet, jusqu'en 1972 où l'évêque Johannes Neuhauser relança l'idée. L'église devait être construite pour marquer le 50e anniversaire de l'ouverture de la ligne de chemin de fer. En 1979, Fritz Kittsteiner, un entrepreneur local, ayant récupéré d'une grave maladie, créa une fondation pour financer le projet comme moyen de remercier pour sa guérison. Au total, 500 mille DM (ndt: si mes souvenirs du taux de change de l'époque sont bons, c'était plus d'un million de nos francs d'alors, une belle somme) furent donnés pour la construction.
La construction prit une année, nécessitant quelque 400 vols en hélicoptère. L'architecte et l'entreprise de construction ne se firent pas payer pour leur travail.

L'archevêque Neuhauser était mort en 1977, et c'est donc le cardinal Ratzinger qui inaugura finalement l'église de montagne. A la consécration, le principal bienfaiteur Fritz Kittsteiner remit les clés au Père Leonhard Winkler, le curé de Partenkirchen.
Dans son homélie, le cardinal Ratzinger évoqua la majesté et l'isolement du lieu:
«La montagne est liberté. Elle donne une vue de l'ensemble de très haut. Cette chapelle pourrait nous aider à trouver hauteur, distance, liberté, pour trouver le Créateur, la capacité de silence, notre volonté, face à Lui de réfléchir et de faire retraite en prière».
Le 30e anniversaire de la consécration fut célébré en 2011 par l'évêque auxiliaire de Münich, Franz Dietl, sous un ciel d'azur et un grand soleil. Il parla de la merveilleuse tradition, si commune en Bavière, de planter une croix ou de construire une chapelle au sommet des montagnes, là où l'on est «un pas plus près du ciel».

* * *

On peut rejoindre la charmante petite église de montagne en train (comme l'avait fait le cardinal Ratzinger en 1981), depuis Garmisch ou Ebsee, ou bien en funiculaire: il faut une vingtaine de minutes, et depuis le funiculaire, on jouit d'un panorama à couper le souffle.

La robuste petite église se dresse sur un affleurement rocheux pas très loin de la gare de chemin de fer et du funiculaire, et elle est souvent posée sur une couche de neige étincelante. C'est une simple mais solide structure en pierre calcaire sous un toit de bardeaux argentés. Une cloche solitaire pend dans le petit clocher, se profilant sur le bleu du ciel.

Elle est ouverte tous les jours durant la saison d'été, et grâce à un arrangement avec le pasteur de Grainau, on y célèbre des offices catholiques, et protestants.
L'intérieur rayonne d'une sensation de chaleur et de sécurité.
Des fresques bavaroises traditionnelles couvrent les murs, exécutées par un artiste de Mittenwald, Sebastian Pfeffer.

Celle du mur de droite représente la mort et la résurrection de Jésus, et est inspirée par le psaume 120: «je lève mes yeux vers les collines, d'où vient ma force».
Celle du mur de gauche montre le baptême de Jésus par Jean-Baptiste, avec un paysage de montagne en arrière plan.
Les solides poutres dorées supportant le toit sentent encore la forêt.

La sculpture derrière l'autel est un tryptique représentant des scènes de la vie de la Sainte Vierge.

Au centre, la rencontre entre Marie et Elisabeth.

A gauche, la Vierge, patronne de la Bavière, avec l'enfant Jésus dans ses bras.

A droite, une pietà, dédiée à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie en montagne.

Accrochées aux murs, il y a aussi des photos du cardinal Ratzinger à la cérémonie de consécration.

Consacrer cette petite église sur le majestueux Zugspitze a sans doute été l'un des évènements les plus inhabituels de l'épiscopat de Joseph Ratzinger, et c'est la dernière église qu'il consacra avant de quitter la Bavière pour Rome.
Il est très improbable qu'il monte encore une fois au sommet, mais un morceau de la montagne est venu à lui en octobre 2010.
Michael Mandlik, qui a écrit et réalisé un film sur les premières années de son pontificat (*) a présenté au Pape un gros bloc de roche du Zugspitze à une audience à Castelgandolfo, avant la projection du film.
J'espère que Joseph Ratzinger garde d'heureux souvenirs de ce moment sur cette imposante montagne de sa patrie bavaroise. C'est un endroit magnifique, une des plus insolites "papa's places", qui gardera toujours de façon ytangible le souvenir de sa présence.

(*) Voir sur mon site: Un film sur le Pontificat (1) et (2) .